Michel HUET
En collaboration avec Amélie DARIDAN
Copropriété : Trouble du voisinage
Un syndicat de copropriétaires peut se fonder, pour obtenir indemnisation du préjudice causé par l’un des copropriétaires, sur la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété ou sur le régime jurisprudentiel de la responsabilité pour trouble anormal du voisinage.
Civ.3è 11 mai 2017, n°16-14339 Syndicat de copropriété le Vermail c/ Société de gestion d’Isola 2000
La Cour de cassation casse et censure l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait rejeté les demandes en indemnisation d’un syndicat de copropriétaires contre un copropriétaire, au motif que le syndicat ne se fondait pas sur la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.
La Cour de Cassation rappelle ainsi qu’un syndicat de copropriétaires, bien que soumis au statut de la copropriété, peut invoquer un trouble anormal du voisinage pour obtenir réparation d’un préjudice causé par l’un des copropriétaires.
Source : Gazette du Palais n°22, 13 juin 2017, p. 44, rubrique « copropriété »
Urbanisme : PLU, Zone agricole et ferme solaire
L’autorisation d’un projet d’implantation de panneaux solaires dans des zones agricoles, naturelles ou forestières est conditionnée, selon l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme, par sa compatibilité avec les activités présentes ou futures exercées sur les terrains d’implantation.
Cette compatibilité est appréciée par l’administration qui doit, pour statuer, analyser les activités déjà exercées dans la zone et celles susceptibles de s’y déployer en tenant compte d’un faisceau d’éléments.
CE 28 février 2017 n° 395464 Ministère du logement et de l’habitat durable c/ Société Photosol
Une société demande un permis de construire pour réaliser un projet de 46 500 panneaux solaires représentant 26 hectares et comportant des activités d’apiculture et des terrains en jachère. Le préfet refuse d’accorder l’autorisation, au motif que la société n’a pas suffisamment compensé la perte d’espace agricole, et alors que le terrain d’assiette du projet appartient à une vaste emprise agricole jusqu’alors toujours bien exploitée. La Cour d’appel donne raison à la société, en décidant que l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme n’impose pas le maintien des activités céréalières existantes, que les ruches suffisent au maintien d’une activité agricole et que le projet ne porte pas atteinte à la sauvegarde de l’espace agricole. Le ministre du logement se saisit de l’affaire et demande la cassation de l’arrêt.
Le Conseil d’Etat précise, dans son arrêt, la portée de l’article L.123-1 du code de l’urbanisme (devenu L151.11), en décidant que ce dernier subordonne l’implantation de constructions et d’installations nécessaires à des équipements collectifs dans les zones agricoles, forestières et naturelles à deux conditions. Il faut que reste possible l’exercice d’activités pastorales, agricoles ou forestières sur le terrain du projet, et qu’aucune atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et paysagers ne soit constatée.
Le Conseil d’Etat donne ensuite une grille de lecture pour apprécier la compatibilité du projet à l’exercice de telles activités. Le projet doit permettre de maintenir l’activité existante, ou de ne pas compromettre celle qui pourrait s’y développer, en tenant compte d’un faisceau d’indices (superficie, emprise du projet, nature du sol, types et modes de culture pratiqués)
La Cour d’appel, n’ayant pas analysé sous cet angle la compensation proposée par la société (jachère et apiculture), est censurée par le conseil d’état.
Selon les travaux parlementaires, ce texte vise justement à limiter l’artificialisation des terres agricoles, notamment par l’implantation de panneaux photovoltaïques.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p 156 -159, « A quelle condition les auteurs du PLU peuvent-ils autoriser l’installation de « fermes solaires » dans les zones agricoles ? »
Urbanisme : permis de construire et délai de péremption
Lorsqu’au titre du Code de l’environnement, des travaux sont soumis à une autorisation, le délai de péremption du permis de construire ne court qu’à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autorisation environnementale.
CE 10 février 2017 n°383329 SARL Immoconseil
Par cette décision, le Conseil d’Etat précise les règles de coordination lorsqu’un même projet est soumis à différentes polices administratives spéciales.
En l’espèce, une société demande une autorisation de lotir au maire en 2004, qui lui accorde puis lui retire. La société pétitionnaire saisit le tribunal administratif et obtient l’annulation de l’arrêté de retrait. Après avoir obtenu, en 2008, une autorisation préfectorale pour un dispositif de rejet des eaux pluviales, la société demande à l’EPCI de procéder aux raccordements aux réseaux publics d’eaux usées et d’eaux potables, ce qui lui est refusé.
Parallèlement, le maire estime que le permis de lotir est devenu caduc, la société n’ayant pas débuté les travaux avant l’expiration du délai de 18 mois suivant la notification du jugement du tribunal administratif annulant la décision de refus de permis de construire. Il prend alors un arrêté interruptif des travaux, qui avaient finalement débutés. Se voyant refusé ses demandes d’annulation des arrêtés, la société se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’Etat rappelle les dispositions applicables à l’espèce, soit les articles R 424-17 et R 424-20 du Code de l’urbanisme ainsi que l’article 214-3 du Code de l’environnement. Il décidé qu’il « résulte de la combinaison de ces textes que, s’agissant de travaux soumis aux prescriptions du code de l’environnement (…) et dont la réalisation est à ce titre subordonnée à une autorisation, le délai de péremption du permis de construire prévu par le code de l’urbanisme court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autorisation environnementale » ; censurant ainsi le raisonnement de la cour d’appel.
Ainsi, le délai de péremption du permis de construire, lorsqu’il est soumis à une autorisation d’une autre police spéciale, débute à la date d’obtention de cette autorisation.
Il convient de noter que cette décision a une très large portée : elle ne se limite pas uniquement aux autorisations prévues par le Code de l’urbanisme, comme les autorisations nécessitant l’accord préalable de l’architecte des bâtiments de France (R. 425-1 et s du code de l’urbanisme,) mais bien à toutes celles pouvant être demandées.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 168 -172, « Quel est le point de départ du délai de péremption du permis de construire lorsque la réalisation des travaux est subordonnée à une autorisation au titre d’une police administrative environnementale ? »
Urbanisme : conséquence pénale de la suppression du COS
Tant que le plan d’occupation des sols est en vigueur (POS), le coefficient d’occupation des sols (COS) reste applicable.
Sa suppression par la loi ALUR du 24 mars 2014 n’a d’effet immédiat que pour les plans locaux d’urbanisme (PLU) en vigueur et ceux à venir. Excepté dans ces cas, il n’est pas possible d’appliquer le principe de la loi pénale la plus douce résultant de la suppression de cet outil.
Cass. Crim. 12 juillet 2016, n°15-82876
Dans cet arrêt, le juge pénal était amené à se prononcer sur l’application du COS supprimé par la loi ALUR en 2014.
Il décide que « dès lors que la suppression du coefficient d’occupation des sols par la loi du 24 mars 2014 n’affecte que les plans locaux d’urbanisme, dont les requérants ne soutiennent pas que la commune de Saint-Pierre-de-Chandieu dispose, en sorte que les dispositions de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme s’y appliquent encore, la cour d’appel, qui s’est assurée conformément à l’article L 123-19 que le plan d’occupation des sols de ladite commune serait en vigueur pendant trois ans après la promulgation de la loi du 24 mars 2014, et que les prévenus avaient, en connaissance de cause, violé une prescription légale ou réglementaire, a justifié sa décision»
Ainsi, pour la Cour de cassation, tant que le POS est encore en vigueur, le COS est applicable.
En principe, la loi ALUR, qui a supprimé le COS et le POS, avait acté la disparition de ce dernier au plus tard le 31 décembre 2015. Des dérogations légales ont cependant permis à ce document d’urbanisme de survivre au-delà de cette date.
Trois hypothèses subsistent :
– si une révision portant transformation du POS en PLU était engagée avant 26 mars 2017, alors le POS restait en vigueur ;
– si un PLU intercommunal était prescrit, que le débat concernant le plan d’aménagement et de développement durable était engagé avant le 27 mars 2017 et que le PLUi entrait en vigueur au plus tard le 31 décembre 2019, le POS restait en vigueur jusqu’à son remplacement par le PLUi ;
– enfin si le document d’urbanisme d’une commune est annulé ou déclaré illégal, l’ancien document revenait en vigueur, et le POS pouvait ainsi être réanimé.
Notons que la suppression du COS est l’une des conséquences d’une volonté politique de densification et de mixité sociale. Pourtant, cet outil, utilisé à bon escient, a pu permettre à des communes d’atteindre parfois des objectifs d’intérêt général (mixité sociale et fonctionnelle, restreindre l’occupation des sols dans une zone à risques, proportionner la constructibilité aux équipements publics disponibles …). Son principe se retrouve d’ailleurs dans certaines règles d’aménagement du territoire comme dans les ZAC (L. 151-27 du code de l’urbanisme) ou dans les lotissements (R.442-3 du code de l’urbanisme)
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 178-181, « Quelles conséquences pénales résultent de la suppression du COS ? »
Urbanisme : permis de construire modificatif et régularisation après l’achèvement des travaux
Un permis de construire modificatif de régularisation issu de l’article L 600-5-1 peut être délivré après l’achèvement des travaux à la différence d’un permis de construire faisant évoluer le projet initial qui doit être demandé avant l’achèvement des travaux.
CE, 22 février 2017, Mme Bonhomme et autres, n°392998
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat précise le régime du permis de construire modificatif de régularisation.
Ce dernier, prévu par l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, a pour objectif non pas de régulariser le projet mais l’autorisation elle-même. La finalité étant de purger le permis de ces vices de légalité, de forme (CE, 9 décembre 1994, SARL Séri, n°116446) , et de fond (CE, 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n°238315) . Il rétroagit sur le permis initial, et en supprime les vices initiaux en le laissant vierge de toute irrégularité (CE, 2 février 2004, Association de défenses des riverains de Central Park, n°122319) .
Il se différencie ainsi nettement du simple permis modificatif qui permet de faire évoluer le projet. Ce dernier complète le permis initial, et permet donc au constructeur, s’il lui est refusé, de ne pas perdre les droits qu’il tient du permis initial. La démarche en est simplifiée puisque le constructeur n’aura pas à fournir tous les documents de la procédure initiale, mais uniquement ceux permettant d’examiner l’évolution du projet par rapport au permis initial.
Ce permis ne peut être obtenu qu’à la condition que les travaux ne soient pas achevés. En effet, il permet au projet d’évoluer et accorde ainsi au constructeur et à l’administration une plus grande souplesse. Il ne régularise pas le projet a posteriori mais il accompagne son évolution.
Quant au permis de construire modificatif de régularisation, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas subordonné à cette condition temporelle d’achèvement des travaux, mais que la régularisation devra être délivrée selon le droit en vigueur.
Rappelons-nous toutefois que sur la régularisation par le juge d’un permis dû à son annulation partielle (L.600-5 du code de l’urbanisme), le Conseil d’Etat avait considéré qu’elle était subordonnée à l’achèvement des travaux (CE, 1 octobre 2015, Commune de Toulouse, n°374338) . Cette solution pourrait donc être modifiée à l’avenir.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 187-191, « La délivrance d’un permis de construire modificatif à fin de régularisation demeure-t-elle possible après achèvement des travaux »
Urbanisme : recours contentieux en droit de l’urbanisme et régularisation de l’absence de notification
Dans le délai de recours contentieux, le requérant, ayant omis de notifier son recours au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme contestée, peut renoncer à ce recours par un désistement d’instance. Il peut ensuite saisir, à nouveau, la juridiction concernée et procéder à la notification obligatoire du recours selon l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.
CE, 17 mars 2017, Association Novissen et autres, n°397107
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat décide qu’un requérant, qui a oublié de notifier son recours contentieux au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme contestée, peut renoncer à ce recours en indiquant à la juridiction qu’il s’en désiste. Il peut ensuite la saisir d’un nouveau recours et doit alors procéder dans les 15 jours à la notification de ce recours comme prévu à l’article R600-1 du code de l’urbanisme.
Contrairement au juge d’appel, le Conseil d’Etat affirme que l’obligation de notification s’apprécie au regard de la seconde requête et non de la première.
Il est donc possible de régulariser le défaut de notification mais pour cela deux conditions doivent être cependant remplies : ce désistement et cette nouvelle saisine doivent être effectués dans le délai de recours contentieux, dans les deux mois à compter de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme contestée (pour la première instance) ou de la notification de la décision (en appel et cassation). Il faut également demander un désistement d’instance, et d’action. Il est important de le mentionner clairement pour qu’aucune confusion ne soit possible.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 192-195, « Peut-on encore régulariser le défaut de notification d’un recours contentieux, une fois passé le délai de quinze jour ? »
Urbanisme : obligation de notification d’un refus de constater la caducité d’un permis et appréciation de l’intérêt pour agir contre un permis modification.
Un recours contentieux dirigé contre une décision de refus de constater la caducité d’un permis de construire n’a pas à être notifié au titre de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.
L’intérêt pour agir du requérant contre un permis de construire modificatif s’apprécie en fonction des modifications apportées au permis initial.
CE, 17 mars 2017, M. et Mme Malsoute, n°396362 et n°396366
Le Conseil d’Etat fait une lecture stricte de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme. Modifié en 2007, cet article, qui impose une notification des recours contentieux aux bénéficiaires des autorisations d’urbanisme contestées, liste de manière exhaustive les autorisations visées :
– décision de non opposition à déclaration préalable
– certificat d’urbanisme
– permis de construire/d’aménager/de démolir
Ainsi, le recours contre un refus de constater la caducité d’un permis n’étant pas soumis à l’obligation de notification, le Conseil d’Etat décide de ne pas l’étendre aux décisions administratives pouvant s’y rattacher. La question concernant l’obligation de notification d’un tel recours ne se pose plus : si la notification n’est pas obligatoire, sa publication ne l’est pas non plus. L’obligation d’informer les tiers, comme élément du droit au recours, se limite donc aux autorisations visées par l’article sus cité.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise la portée de l’article L 600-1-2 du code de l’urbanisme à l’égard du permis de construire modificatif (PCM), en décidant que lorsque le requérant forme un recours contre un PCM, son intérêt pour agir doit être apprécié en considération des modifications apportées par le PCM au permis initialement autorisé.
Il s’inscrit ainsi dans sa jurisprudence du 13 avril 2016, M.Bartolomei, n°398798, dans lequel il décidait que : « tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, [doit] préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien » .
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 196-201, « L’obligation de notification du recours imposée par l’article R.600-1 est-elle applicable à la décision par laquelle le maire refuse de constater la caducité d’un permis de construire ? »
Urbanisme : Règlement de publicité local et compétence de la métropole pour son élaboration
Un règlement local de publicité peut-il être élaboré par une métropole ? Oui !
Réponse à J.L Masson, JO Sénat, 2 mars 2017, p.879 n°19369
Les métropoles de droit commun, étant des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plans locaux d’urbanisme selon les articles L.5217-1 et L.5271-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), sont habilitées à élaborer un règlement local de publicité préconisé par l’article L .581-14 du code de l’environnement.
Il en est de même pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence, la métropole de Lyon, ainsi que les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand-Paris.
Les pouvoirs de police permettant de règlementer la publicité sont exercés par le Maire s’il y a un règlement local de publicité, ou à défaut, par le préfet, et non par les présidents des métropoles qui ne possèdent pas d’attribution de police.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p 202 « Réponses ministérielles, règles d’urbanisme sur l’ensemble du territoire»
Urbanisme : régularisation de travaux réalisés par une collectivité territoriale sur un terrain privé et utilisation d’une servitude
La procédure d’institution de la servitude pour l’établissement de canalisations publiques d’eau ou d’assainissement peut-elle être utilisée pour régulariser des travaux réalisés sur un terrain privé par une collectivité territoriale ? Oui
Réponse à M.J Zimmermann, JO Assemblé Nationale, 3 janvier 2017, p 83, n°51846
Les collectivités territoriales, établissements publics ou concessionnaires de service public qui entreprennent des travaux de canalisation d’eau potable ou d’évacuation des eaux usées ou pluviales bénéficient, en vertu des articles L.152-1 et suivants et R.152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, d’une servitude leur permettant d’établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis. Les travaux ne peuvent commencer en principe qu’une fois la servitude établie. Si le propriétaire refuse cette occupation, la servitude peut être établie par arrêté préfectoral après enquête publique.
Ces dispositions peuvent également servir à des fins de régularisation (QE n°68632 publiée au JO Assemblée Nationale du 18 février 2002).
Le juge judiciaire peut autoriser la commune à réaliser les travaux, ou cette dernière peut, en cas d’urgence (péril grave et imminent), intervenir directement.
Hors ces cas, la responsabilité de la commune peut être engagée si aucune servitude n’est établie, car sans elle, la canalisation occupant un terrain privé constitue une voie de fait. Par ailleurs, cette servitude doit être indemnisée.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p 203 « Réponses ministérielles, règles d’urbanisme sur l’ensemble du territoire»
Urbanisme : isolation thermique extérieure et respect des règles d’occupation du domaine public
Dans le cas d’une demande relative à la mise en œuvre d’une isolation thermique extérieure, l’autorité compétente peut-elle écarter les règles gouvernant l’occupation du domaine public ? Non !
Réponse à J. Giraud, JO Assemblée Nationale, 13 décembre 2016, p.10313, n°97485
Les dispositions de l’article 7 de la loi du 17 août 2017 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et son décret d’application du 15 juin 2016 prévoient que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme pourra écarter des règles du PLU (aspect extérieur, hauteur, distance minimale) afin de favoriser l’isolation thermique par l’extérieur.
Toutefois, les règles relatives à l’occupation du domaine public ne pourront, elles, pas être écartées : le pétitionnaire devra obtenir une autorisation d’occupation du domaine public pour s’assurer que son projet ne compromet pas la sécurité et la circulation.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 204-205 « Réponses ministérielles, autorisations d’occupation du sol »
Urbanisme : permis d’aménager et recours obligatoire à un architecte pour le projet architectural, paysager et environnemental
Le recours à un projet d’architecte pour établir le projet architectural, paysager et environnemental est-il obligatoire pour les lotissements dont la surface de terrain à aménager est supérieure à 2500 m² ? Oui !
Réponse à C. Guidicelli, JO Sénat, 16 février 2017, p.660, n°24731
L’article 81 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine prévoit qu’une demande de permis d’aménager concernant un lotissement ne peut-être instruite que si la personne qui « désire entreprendre les travaux soumis à autorisation a fait appel aux compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental dont, pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture. » .
A la suite de nombreuses concertations entre les différents acteurs, cette surface a été déterminée à 2 500m².
Il convient de noter que cette disposition a pour objectifs de lutter contre l’étalement urbain, d’améliorer le cadre de vie, de poursuivre des objectifs énergétiques, écologiques, économiques et sociaux.
Source : BJDU, n°3/17 – mai-juin 2017 p. 205 « Réponses ministérielles, autorisations d’occupation du sol »
Urbanisme : empiètement
L’empiètement d’un fond sur un autre est toujours aussi fermement condamné par la Cour de cassation, qui exige la démolition de la partie empiétant sur le fond voisin quand bien même ces derniers n’en subiraient aucun préjudice.
Cass, Civ 3è, 10 novembre 2016, n°15-19561
Cass, Civ 3è, 10 novembre 2016, n°15-25113
Cass, Civ 3è, 10 novembre 2016, n° 15-21949
Par ces trois arrêts, la Cour de cassation refuse à nouveau de réaliser un contrôle de proportionnalité, entre les effets de l’empiètement pour les propriétaires du fond touché, et les conséquences de sa suppression pour l’auteur. Ainsi, l’empiètement doit cesser, même s’il met en péril la construction dans son entier.
En principe, seule la partie de l’immeuble empiétant sur le fond voisin doit-être démolie, la démolition de l’ouvrage dans son entier n’est qu’une conséquence de la démolition partielle : elle ne peut être directement exigée.
La Cour de cassation réaffirme ces principes et se montre inflexible sur cette problématique. Cependant, elle ne répond pas à tous les arguments invoqués par les plaideurs, dont ceux liés aux droits fondamentaux, et notamment l’atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale fondée sur la Convention européenne des droits de l’homme, son Protocole additionnel, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques et la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Cour de cassation n’examine pas ces arguments et rejette la demande pour des motifs d’ordre processuel fondés sur l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution.
Ces interrogations avaient préalablement fait l’objet d’une Question prioritaire de constitutionnalité par les requérants, mais la Cour de cassation avait jugé qu’elles n’étaient pas applicables au litige et avait refusé de la transmettre au Conseil constitutionnel.
La Cour de cassation reste donc ferme sur sa position ; elle ne l’a assoupli qu’une seule fois, en censurant l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait condamné à l’élagage un propriétaire dont le jardin était classé monument historique et dont la coupe des arbres participait au caractère des lieux.
Source : AJDI, n°6 – juin 2017, p.454 « la sanction de l’empiètement »
Marché Public : persistance du seuil de 25 000€
La possibilité de passer un marché public, sans publicité ni mise en concurrence préalable, se justifie par la nécessité d’éviter que ne soit imposé aux pouvoirs adjudicateurs pour des marchés d’un montant peu élevé, le recours à des procédures dont la mise en œuvre ne serait pas indispensable pour assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics qui pourraient même, en certains cas, dissuader des opérateurs économiques de présenter leur candidature.
CE, 17 mars 2017, M.B.A, n°403768
CE, 17 mars 2017, Ordres des Avocats de Paris, n°403817
Ces arrêts font suite à la jurisprudence Teleaustria (CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH) qui énonça pour la première fois, au nom du principe de non-discrimination, une obligation de transparence dans les marchés publics, qui implique « un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication » .
Transposées en droit français, ce principe se retrouve à l’article 1er de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relatives aux marchés publics : « Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »
La Cour de Justice de l’Union Européenne souhaitait assurer une mise en concurrence minimale pour les contrats non soumis aux directives marchés publics et qui échappaient à tout encadrement.
La création de la procédure adaptée de passation des marchés, qui est le résultat de la jurisprudence Teleaustria, consiste selon l’article 27 du décret du 25 mars 2017 relatif aux marchés publics à permettre à l’acheteur de recourir à une procédure adaptée dont « il détermine librement les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat, lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils de procédure formalisée » .
En sus des seuils de procédure formalisée et de procédure adaptée, un troisième seuil a été créé en dessous duquel les marchés peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalable. De 4000 € HT, il a été élevé à 20 000€ HT en 2008 par le décret n°2008-1356).
Dans son arrêt du 10 février 2010, Perez (n°329100), le Conseil d’Etat l’a toutefois supprimé au motif que ce relèvement méconnaissait les principes d’égalité d’accès à la commande publique.
En 2012, la loi le relève à 15 000 €, tout en précisant que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il passe un marché en deçà de ce seuil, « veille à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu’il existe une pluralité d’offre susceptibles de répondre au besoin » .
En 2015, après l’adoption de l’ordonnance relative aux marchés publics, le pouvoir règlementaire obtient du Conseil constitutionnel le déclassement de la disposition portant le seuil. Avec le décret du 17 septembre 2015, le seuil est fixé dorénavant à 25 000€. C’est de ce dernier seuil dont le Conseil d’état était saisi.
Le Conseil d’Etat, pour des raisons de sécurité juridique, reconnait la nécessité de fixer un seuil en dessous duquel aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’est nécessaire. Il décide que « cette faculté se justifie par la nécessité d’éviter que ne leur soit imposé pour des marchés d’un montant peu élevé, le recours à des procédures dont la mise en œuvre ne serait pas indispensable pour assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics qui pourraient même, en certains cas, dissuader des opérateurs économiques de présenter leur candidature » . Il prend en compte la lourdeur des procédures pour l’administration et l’impossibilité pour certaines entreprises de soumissionner lorsqu’elles sont obligatoires, et permet ainsi à des plus petites structures de décrocher plus de marchés.
Concernant l’encadrement du seuil, le Conseil d’Etat juge qu’en « précisant que pour les marchés publics passés sans publicité ni mise en concurrence, l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des derniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur, une pluralité d’offre susceptibles de répondre au besoin, les dispositions attaquées prévoient les garanties encadrant l’usage de cette possibilité. » . Cependant, cette solution ne semble pas exiger de l’acheteur une justification de la consultation de plusieurs soumissionnaires.
Source : AJDA, n°21-2017, 19 juin 2017, p.1207-1212 « Actualité du droit de la concurrence et de la régulation »
Droit de la régulation : autorité de régulation entre marge de manœuvre et contrôle
Le Conseil d’Etat encourage le recours aux lignes directrices pour encadrer le pouvoir discrétionnaire des autorités de régulation.
CE, 20 mars 2017, Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, n° 401751
Bien que souvent contestée, l’indépendance des autorités de régulation n’a pas été remise en cause par la loi n°2017-55 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, et qui tend à consolider leur autonomie contre des garanties d’impartialité et des obligations de redditions de comptes renforcées.
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat encourage le recours aux lignes directrices pour encadrer le pouvoir discrétionnaire de ces autorités, et décide que, lorsque ces dernières ont besoin d’ajouter des critères ou éléments selon les circonstances, elles sont libres d’améliorer au fil du temps leurs méthodes d’analyses.
Les autorités indépendantes peuvent donc fixer leurs stratégies pour réaliser les objectifs fixés par les textes nationaux et européens, mais leurs communications sur cette dernière peuvent, en retour, influencer les pouvoirs publics dans l’élaboration du cadre légal.
Ces autorités n’ont pas pour autant pas une liberté totale. Un contrôle parlementaire est chargé de vérifier leurs stratégies et actions, et un contrôle juridictionnel permet de vérifier la légalité de leurs actes afin de réformer certaines sanctions (sur l’interdiction d’une sanction sans limitation temporelle, CE 19 mai 2017, n°396698, Virtu Financial Europe limited).
Source : AJDA, n°21-2017, 19 juin 2017, p.1207-1212 « Actualité du droit de la concurrence et de la régulation »
Droit de la concurrence : opérateur historique et pratique anticoncurrentielle
Autorité de la concurrence, 21 mars 2017, n°17-D-06, décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de gaz naturel, d’électricité et de services énergétiques.
L’autorité de la concurrence a notamment pour rôle de veiller à ce que les opérateurs historiques monopolistiques ne favorisent pas leurs filiales concurrentielles lorsqu’ils mettent à leurs dispositions certains de leurs moyens, au risque d’être sanctionnés pour abus de position dominante.
Alors qu’il était reproché à la Société nationale des chemins de fers (SNCF) d’abuser de sa position dominante en favorisant sa filiale Keolis par la transmission de son savoir-faire ferroviaire et par la confusion entre leurs activités, la SNCF s’est engagée à ce que ses filiales soient autonomes (ressources propres) et à ce que les ressources non reproductibles issues du monopole ferroviaire soit accessibles à toutes les entreprises dans des conditions égales. Parallèlement, la société EDF (Electricité de France) a, elle, été sanctionnée sur le fondement de l’abus de position dominante, car elle utilisait sa notoriété ainsi que des informations obtenues dans le cadre de son monopole historique pour développer son activité auprès de clients issus du monopole légal.
Dans la décision commentée, les faits sont un peu différents. La société ENGIE(anciennement Gaz de France Suez) n’est pas sanctionnée dans le cadre d’une diversification de son offre, mais seulement dans le cadre de l’ouverture du marché à la concurrence. Il lui est reproché d’avoir utilisé des données dont elle disposait en tant qu’opérateur historique pour faciliter la commercialisation d’offres et d’avantages non reproductibles pas ses concurrents, et d’avoir usé d’un argument commercial trompeur vantant une sécurité d’approvisionnement particulière.
Ainsi, cette décision s’inscrit dans la lignée des précédentes. Des similitudes peuvent être établies entre le traitement de la diversification des monopoles et le cadre juridique des pratiques commerciales des opérateurs historiques dont le marché s’ouvre à la concurrence. L’opérateur historique a « une responsabilité particulière » à l’égard du fonctionnement du marché (Cons. Conc. 15 oct 2007 n°07-D-33). Il doit veiller à ne pas profiter seul de moyens obtenus grâce à sa position et qui ne sont pas reproductibles. Il peut être soumis à une obligation de séparation organique et fonctionnelle, ou doit mettre en place toute procédure permettant de ne pas créer d’abus de position dominante.
L’Autorité de la concurrence par cette décision semble esquisser un régime proche de celui des infrastructures essentielles.
Source : AJDA, n°21-2017, 19 juin 2017, p.1207-1212 « Actualité du droit de la concurrence et de la régulation »