ACTUALITÉS JURISPRUDENTIELLES, DOCTRINALES, LÉGALES & RÉGLEMENTAIRES

Juillet 2011
(relevés et commentés par Michel HUET,
assisté de Laure LENOIR)

– MARCHÉS PUBLICS :

• L’article 80-I-2-a) du Code des marchés publics relatif au délai de
« standstill » censuré par le Conseil d’Etat

Dans un arrêt du 1er juin 2011, le Conseil d’Etat a estimé que l’article 80-I-2-a) du Code des marchés publics relatif au délai de « standstill » est contraire à la directive « Recours » du 21 décembre 1989.

Cette disposition permet de déroger au principe selon lequel un délai de seize jours doit être respecté entre la notification aux entreprises du rejet de leurs candidatures et la conclusion du marché. En effet, il dispose que ce délai n’est pas nécessaire si « le marché est attribué au seul candidat ayant présenté une offre répondant aux exigences d’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de consultation ».

Une disposition du Code des marchés publics censurée par le Conseil d’Etat, Sophie d’Auzon, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment 17 juin 2011.

• Atouts mais aussi inconvénients de la conception réalisation

A l’origine, le marché de conception-réalisation ne s’appliquait qu’aux programmes d’équipements publics à contenu technologique complexe ou de très grande dimension et constituait une dérogation de la loi MOP du 12 juillet 1985. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion permet le recours au marché de conception-réalisation sans condition pour la construction de logements locatifs aidés par l’Etat.

Les avantages sont nombreux pour le maître de l’ouvrage. Cela réduit le nombre d’interlocuteurs et de procédures donc cela permet de gagner du temps en amont de l’opération. De plus, l’engagement contractuel du groupement sur les coûts et les délais sécurise le maître de l’ouvrage. Le risque d’appel d’offres infructueux est exclu. Enfin la collaboration étroite entre concepteur et entrepreneur dès le début des études est susceptible de rendre possible des solutions optimisées sur des critères essentiels posés par le projet.

Cependant, certains inconvénients sont à préciser. Le maître de l’ouvrage ne bénéficie plus d’un architecte indépendant donc mieux placé pour défendre ses intérêts. Les modifications de programme pendant la conception ont une incidence directement répercutée sur les coûts et les délais de l’entreprise mandataire du groupement. Le mandataire commun, entrepreneur, peut avoir la tentation en cas de difficultés financières de porter atteinte au projet d’architecture.

Par conséquent, cette procédure exige une grande rigueur surtout pour définir de façon précise et pérenne du montage.

Les atouts de la conception-réalisation Jean-Pierre Ménard, La Gazette du 4 avril 2011 p. 40

• Les règles de mise en concurrence posées par la directive européenne 2004/18/CE distinguent deux catégories de marchés de service

La réponse ministérielle du 29 mars 2011 précise tout d’abord que le décret 2005-1742 du 30 décembre 2005 distingue au sein des marchés de service deux catégories. D’une part, les marchés de service qui portent sur des services prioritaires. D’autre part, les marchés de service qui sont liés aux autres services.

L’article 8 de ce décret dispose que la passation des marchés de services prioritaires est soumise, lorsque le montant du marché dépasse certains seuils, aux procédures formalisées. L’article 9 précise que les autres marchés de services sont passés, moyennant quelques contraintes formelles, selon les modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur. Cet article dispose en outre que, lorsqu’un marché a pour objet à la fois des services prioritaires et non-prioritaires, il est soumis aux procédures formalisées si la valeur des services prioritaires dépasse la valeur de ceux qui ne le sont pas.

Ensuite cette réponse ministérielle souligne qu’il s’agit, pour les pouvoirs adjudicateurs non soumis au code des marchés publics, de l’exacte transposition en droit interne des dispositions des articles 20 à 22 de la directive 2004-18. En effet, cette directive a eu pour but de limiter l’application intégrale de ses dispositions à certaines catégories de service dont l’ouverture au commerce international est identifiée comme « prioritaire ».

Enfin, elle expose les sanctions liées à ces règles. La nullité du contrat, le paiement de dommages et intérêts, une condamnation pénale sur la base du délit de favoritisme, ainsi que des poursuites devant la Cour de discipline budgétaire et financière sont, en effet, possibles.

Règles de mise en concurrence voulues par la directive européenne « Services », réponse ministérielle du 29 mars 2011du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Le Moniteur 5 avril 2011 p.15

• Délégation de maîtrise d’ouvrage : impossibilité pour l’entrepreneur de rechercher la responsabilité financière du maître d’ouvrage délégué

Dans un arrêt du 11 avril 2011, la Cour administrative d’appel de Nancy rappelle que le maître d’ouvrage délégué agit au nom et pour le compte du maître de l’ouvrage car il est mandataire de ce dernier. Les titulaires du marché ne peuvent donc ni rechercher sa responsabilité ni obtenir sa condamnation solidaire avec le maître de l’ouvrage. Les actions ne doivent être dirigées que contre le maître de l’ouvrage.

CAA Nancy 11 avril 2011 n° 09NC00377 SAS Construction Georgi, F Llorens, Contrats et Marchés publics n°6 juin 2011 p. 25

• Les exigences de l’article 74 du Code des marchés publics concernant les marchés négociés de maîtrise d’œuvre

L’article 74 du Code des marchés publics dispose que, lors de la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre selon une procédure négociée, le pouvoir adjudicateur est autorisé à « limiter la mise en compétition à l’examen des compétences, références et moyens humains et matériels des candidats ».

La question qui s’est posée est de savoir si « la mise en compétition » ne concerne que le seul examen des candidatures ou si elle permet également la sélection des offres. La réponse ministérielle précise que cette possibilité ne concerne que la sélection des candidatures et ne peut être mise en œuvre pour la sélection des offres. Le pouvoir adjudicateur doit conduire les négociations conformément aux dispositions de l’article 66 du Code des marchés publics après l’envoie de la lettre de consultation.

Rép. Min., n°95923 : JOAN Q, 22 mars 2011, p.2827

Marché négocié de maîtrise d’œuvre : retour sur une formule ambigüe, O. Cormier Dictionnaire permanent Construction et urbanisme, bulletin n°419 Avril 2011 p. 11

Voir aussi Michel Huet et Amélie Blandin : Marchés publics d’architecture et d’ingénierie, Ed. Litec septembre 2010

– URBANISME :

• Promenons-nous dans les bois… Pendant que le PLU n’y est pas !

La Cour administrative d’appel de Paris a, dans un arrêt rendu le 20 janvier 2011, prononcé le sursis à exécution du jugement du 20 janvier 2011 du Tribunal administratif de Paris.

Le tribunal avait annulé le permis de construire accordé pour la réalisation du musée d’art contemporain de la Fondation Louis Vuitton. En effet le tribunal administratif avait estimé que l’allée au bord de laquelle était implanté le projet avait le caractère de voie publique. Or, l’article ND6 du PLU de Paris impose une marge de retrait par rapport aux voies publiques. Cet article n’était pas respecté.

La Cour administrative d’appel a considéré que le moyen contestant le caractère de voie publique de cette allée, interne au Jardin d’acclimatation, était sérieux. Elle a donc prononcé le sursis à exécution du jugement. Depuis, la fondation Vuitton a déposé un nouveau permis de construire pendant que la ville de Paris procède à une modification du PLU.

Le droit de l’urbanisme dans le bois de Boulogne, suite AJDA 25 avril 2011 p. 822

• Complexité du contrat de partenariat et droit de l’urbanisme

On ne répétera jamais assez, au-delà des critiques de fond sur le système des PPP, l’immense complexité des contrats globaux qui risquent, s’ils ne sont pas maîtrisés, de toucher tous les acteurs de ces contrats.

Les contrats de partenariat doivent respecter le droit de l’urbanisme. Une attention particulière du titulaire du contrat de partenariat ainsi que de la collectivité paraît nécessaire sur certains points.

Tout d’abord, ces contrats apportent des droits réels au partenaire sur les ouvrages et équipements qu’il réalise selon l’article L. 1414-16 du CGCT. Si l’équipement et le programme immobilier de valorisation n’occupent pas la totalité du terrain appartenant à la collectivité, il peut y avoir un transfert des droits de construire au titulaire du contrat sur une partie de l’unité foncière pour réaliser un programme d’accompagnement. Or cela s’analyse comme une division foncière et la procédure du lotissement doit être respectée. En effet, il s’agit d’une division en jouissance et le premier détachement d’un lot d’une unité foncière constitue un lotissement selon la jurisprudence.

Ensuite, la date de mise à disposition de l’équipement est très importante car cela fait courir la rémunération du partenaire. Cependant, les délais prévus par le code de l’urbanisme pour les projets complexes sont variés. Par exemple, la délivrance d’un permis de construire pour un équipement suppose une enquête publique et si cet élément est destiné à recevoir du public, le délai d’instruction est de six mois. Ces procédures se superposent et peuvent conduire à un manque de clarté global sur le délai nécessaire pour obtenir l’autorisation.

Enfin il est important que, lors de la mise au point du contrat de partenariat, la collectivité passant le contrat ainsi que le titulaire prennent clairement en considération la réglementation d’urbanisme d’une manière générale. La collectivité contractante ne sera pas forcément celle prenant les décisions au titre de la planification urbaine ou bien d’autres autorisations devront être données par d’autres collectivités.

Collectivités territoriales et PPP : des contrats qui ignorent les enjeux d’urbanisme, Agathe Maurer et Eric de Fenoyl avocats, Taj, société d’avocats, La gazette 20 juin 2011

• Du nouveau sur le mode de représentation du projet d’architecture du permis de construire ?

L’examen simultané des pièces du projet architectural, lors de l’instruction du permis de construire, doit permettre de percevoir le bâtiment en trois dimensions et d’apprécier son insertion dans le paysage. Si les documents sont inexploitables, l’autorité compétente doit adresser au demandeur, dans le mois qui suit le dépôt de la demande, un courrier mentionnant les pièces manquantes ou insuffisantes. Le demandeur doit les fournir sous trois mois sinon le dossier incomplet est rejeté.

QE n°99827, réponse à Gisèle Biémouret, JOAN 19 avril 2011, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment du 17 juin 2011 p.53

– DROIT DE L’ARCHITECTURE :

• L’aspect architectural, critère de définition de la construction
Conseil d’État 12 janvier 2011 SCI Philaur n° 326807 :

Pour l’ensemble des acteurs à la construction, n’oublions pas que, sur le plan juridique, l’aspect architectural est une notion fondamentale qui fait pénétrer l’architecture dans le champ de l’esthétique (voir M. Huet, Droit de l’architecture, introduction, Ed. Economica 2001) mais aussi dans le champ de l’urbain à travers la rédaction de l’article R. 111-21 du Code de l’urbanisme (voir M. Huet, Droit de l’urbain, Ed. Economica 1997).

Un permis de construire a été accordé par une commune pour édifier deux bâtiments, comprenant huit logements, dans un lotissement. Ce permis de construire a été annulé en première instance ainsi qu’en appel car le règlement du lotissement autorise seulement les « habitations individuelles ».

Le Conseil d’Etat doit donc se prononcer sur les critères qui permettent de distinguer une habitation collective d’une habitation individuelle. Plus particulièrement, la question est de savoir si l’aspect architectural d’une construction permet de qualifier la construction d’habitat collectif ou individuel.

La Cour administrative d’appel a fondé sa décision sur le fait que « l’architecture longitudinale des bâtiments en cause (…) évoque un habitat collectif » et la « circonstance qu’il existe des parties communes ». Cependant, le pourvoi met en évidence l’idée que l’aspect architectural d’un projet ne saurait être pertinent pour une telle qualification. La Cour a donc commis une erreur de droit en se fondant sur la forme de la construction et sur son organisation et sur l’indépendance qu’elle permettrait entre les logements.

Dans cette affaire, le rapporteur public, Maud Vialettes, a rappelé la difficulté de dissocier la notion d’usage propre au droit de la construction de la notion de destination posée par le Code de l’urbanisme. Il met ensuite en évidence l’idée selon laquelle « la notion d’habitation apparaît comme une sous-catégorie de la notion de construction destinée à l’habitation telle que prévue par le code de l’urbanisme, au côté de la sous-catégorie d’habitation collective ».

Le Conseil d’Etat précise qu’une construction qui comporte plusieurs logements peut être une construction à usage d’habitation individuelle.

Selon cette haute juridiction, les critères qui permettent de définir la construction sont l’aspect architectural de la construction, sa taille, ainsi que ses conditions d’usage. Par conséquent, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en retenant le critère de l’aspect architectural pour qualifier le projet d’habitat collectif.

• Quelques modifications législatives ou réglementaires concernant les architectes

• Un arrêté du 9 mars 2011 supprime le dernier alinéa de l’article 10 de l’arrêté du 17 décembre 2009 relatif aux modalités de reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice de la qualification d’architecte.

• La loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 adapte la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et des communications électroniques. L’article 13 retouche la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

• La loi 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées modifie notamment la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 applicables aux sociétés civiles professionnelles et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 concernant l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et les sociétés de participations financières de professions libérales.

Bulletin du 9 juin 2011 p.2, Code permanent construction et urbanisme

• Architectes, attention à la notion de « destination » des parties privatives

Un copropriétaire de locaux commerciaux les donne à bail à un locataire qui souhaite vendre son fonds de commerce à un tiers. L’assemblée générale n’autorise pas le copropriétaire à installer un restaurant dans ses locaux. Le copropriétaire assigne le syndicat en annulation de cette décision pour abus de majorité.

La Cour d’appel rejette la demande car le règlement de copropriété stipule que, dans le local du rez-de-chaussée, « il ne pourra y être exercé aucune profession ni aucun métier bruyant, insalubre ou exhalant de mauvaises odeurs ».

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. En effet, la Cour d’appel a constaté que la copropriété était composée de deux bâtiments à usage mixte d’habitation et de commerce. En outre le règlement de copropriété n’interdit pas expressément une activité de restauration.

Un conseil est à donner aux architectes qui interviennent dans un immeuble en copropriété : il faut lire avec une grande rigueur et l’assistance de juristes, le règlement de copropriété et analyser de près la notion de destination en pleine métamorphose.

La « destination des parties privatives » par Christian Atias, AJDI juin p. 433

• Devoir de conseil de la maîtrise d’œuvre et appel en garantie : à propos d’une jurisprudence discutable

Les décisions rendues devant les juridictions administratives font apparaître une inclination des maîtres d’ouvrage à invoquer le manquement à leur devoir de conseil des constructeurs qui ne sont, ni matériellement, ni directement, à l’origine du dommage.

L’architecte est souvent le premier touché car il est tenu à une obligation de conseil à la réception donc sa responsabilité contractuelle peut être engagée à ce titre. Il est d’autant plus concerné qu’il ne peut se retourner, en cas de condamnation pour manquement à son devoir de conseil, contre l’auteur des désordres dans le cadre d’un appel en garantie.

En effet, l’action de l’architecte n’est pas une action subrogatoire. De plus le dommage que l’action vise à réparer n’est pas directement imputable aux manquements commis par les constructeurs en cas d’exécution des travaux. Cette situation aboutit à faire supporter à la maîtrise d’œuvre seule d’œuvre seul la réparation de désordres à la réalisation desquels elle n’a pris aucune part.

Devoir de conseil du maître d’œuvre et appel en garantie : à propos d’une jurisprudence discutable, François Llorens et Pierre Soler-Couteaux, Contrats et marchés publics n° 6 juin 2011 p. 1 et 2

• Un classique devant rendre vigilant l’architecte : l’architecte doit respecter l’enveloppe financière sur laquelle il s’est engagé

Un architecte établit le projet d’une opération immobilière et définit une estimation financière reprise dans le contrat d’architecte. Des modifications au contrat interviennent mais elles ne sont pas approuvées par le maître de l’ouvrage. Dans un arrêt de la Troisième chambre civile du 29 mars 2011, il est rappelé que l’architecte est responsable du dépassement du prix s’il a défini l’enveloppe financière.

Cour de cassation, 3ème Civ., 29 mars 2011, RDI n°6 juin 2011 p331 sous la responsabilité de Bernard Boubli

• L’architecte dans les valises du vendeur : le contrat d’architecte conclu par le vendeur est opposable à l’acheteur

Dans un arrêt du 28 avril 2011, la Cour de cassation estime que la clause de conciliation préalable figurant au contrat d’architecte est opposable aux acheteurs d’un immeuble même s’ils n’ont pas eu personnellement connaissance de l’existence de cette clause.

Cour de cassation, 3ème Civ., 28 avril 2011 n°10-30721, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment du 17 juin 2011 p.57

• Architectes : attention au problème de sous-traitance
Un sous-traitant qui effectue des prestations après le terme de son contrat ne peut prétendre à une rémunération que si le donneur d’ordre en a accepté le principe

Etant rappelé que la sous-traitance complète ou partielle du projet d’architecture du permis de construire est strictement interdite au terme de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, l’architecte peut néanmoins sous-traiter les tâches ou missions techniques ou administratives.

Un contrat est conclu entre un sous-traitant et un architecte afin d’assurer le suivi d’un chantier pendant six mois moyennant des honoraires forfaitaires. Au terme de ce contrat, les honoraires dus sont payés. Le sous-traitant continue à intervenir sur le chantier et facture des prestations complémentaires. La Cour d’appel estime que le donneur d’ordre a accepté tacitement ce contrat, d’une part par son attitude passive, d’autre part du fait de l’utilité des prestations complémentaires.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil. En effet, ces motifs ne suffisent pas à établir l’acceptation sans équivoque du paiement de prestations en supplément des honoraires forfaitairement convenus.

Cour de cassation, 3ème civ., 29 mars 2010 n°10-30.253, RDI 6 juin 2011 p332 sous la responsabilité de Bernard Boubli

• L’utilisation de PVC sur des bâtiments voisins de monuments historique n’est pas forcément interdite

Dans le périmètre d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, l’aspect des matériaux et l’impact visuel qu’ils sont susceptibles d’avoir sur le bâtiment protégé doivent être pris en compte. Les architectes des bâtiments de France ne sont pas opposés par principe à l’utilisation de matériaux tels que le PVC dès lors que leur mise en œuvre ne porte pas atteinte à la qualité et à la cohérence des sites protégés. Les situations sont analysées au cas par cas. Ce n’est qu’un avis et la collectivité prend la décision finale lors de la délivrance des autorisations.

QE de Jean-Louis Masson, JO du Sénat du 17 avril 2011 n°13197, La gazette du 18 avril 2001 p. 46

• La maîtrise d’œuvre doit-elle appliquer les règles parasismiques non obligatoires ?

Question récurrente que notre cabinet rencontre bien souvent, notamment pour les constructions en zones particulièrement exposées telle la Martinique, où un contentieux en cours pose la question du respect des engagements contractuels au-delà des normes obligatoires.

Une crèche a fait l’objet d’un permis de construire obtenu en 1991. Or, à cette époque, les règlements parasismiques n’étaient pas obligatoires. L’expertise judiciaire relative à des désordres affectant la crèche a relevé la non-conformité aux normes parasismiques. La cour d’appel a retenu la responsabilité décennale in solidum du vendeur d’immeuble à construire et de l’architecte.

La Cour de cassation, dans un arrêt de la troisième chambre civile du 1er décembre 2010, a cassé la décision de la cour d’appel car elle a estimé que les normes parasismiques n’étaient pas obligatoires ; par conséquent elles n’entraient pas dans le domaine d’intervention de l’architecte en l’absence de stipulations contractuelles particulières.

Le maître d’œuvre doit-il appliquer les règles parasismiques non obligatoires ? A. Dauger, Opérations immobilières Avril 2011

• Vertus et limites du référé-provision pour recouvrer des honoraires

Les architectes se plaignent souvent de la lenteur des décisions de justice et abandonnent l’idée d’engager une action qu’ils jugent longue, couteuse et aléatoire. Ils n’ont pas toujours tort mais ignorent qu’ils ont à disposition des procédures d’urgence tels les référés qui peuvent réduire singulièrement les délais.

Tel est le cas du référé-provision, que l’on peut assortir d’une demande d’expertise pour la perte d’honoraires, qui nécessite une analyse approfondie. Encore faut-il souscrire un contrat écrit qui précise les missions, les modalités de paiement de telle sorte que la demande de provision, après mise en demeure de payer par voie recommandée, soit certaine et indiscutable et que l’architecte puisse produire copie des études qu’il a effectuées.

Dans un arrêt du 20 avril 2011, le Conseil d’Etat estime que le juge du référé-provision doit, en présence d’une irrégularité commise lors de la passation d’un contrat, rechercher « si la gravité de cette irrégularité et les circonstances dans lesquelles elle avait été commises n’imposaient pas d’écarter le contrat pour le règlement du litige ».

Ce nouvel arrêt s’inscrit dans la continuité de l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 28 décembre 2009 Commune de Béziers. En effet, dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel les irrégularités commises lors de la passation d’un contrat public ne peuvent être invoquées par l’une des parties pour écarter une stipulation dont il est demandé la mise en œuvre sauf en cas de manquement grave aux règles de passation de ce contrat.

Pouvoir du juge du référé-provision en présence d’un irrégularité du contrat administratif, Serge Deygas, Procédure juin 2011 p.27

• Promoteur « professionnel de la construction » et responsabilité de droit commun de l’architecte

Une société de promotion immobilière, maître de l’ouvrage, conclut un marché de travaux tout corps d’état avec un groupement. La maîtrise d’œuvre est assurée par un architecte. L’ouvrage est ensuite vendu par lots. A la suite de divers désordres affectant l’immeuble vendu, le maître de l’ouvrage et son assureur sont condamnés au paiement de multiples sommes.

L’assureur engage une action en remboursement contre l’architecte et contre plusieurs entrepreneurs intervenus sur le chantier. La Cour d’appel de Bordeaux rejette sa demande pour deux raisons. D’une part, elle rappelle que la société de promotion immobilière est un professionnel de la construction donc de nombreux désordres doivent être regardés comme apparents à la réception. D’autre part, l’absence de vice de caractère décennal imputable à un constructeur ne permet pas de retenir la responsabilité de l’architecte dans son intervention.

Suite au pourvoi formé par l’assureur, la Cour de cassation estime que la société de promotion est un professionnel de l’immobilier. Cependant, les juges du fond sont censurés pour avoir rejeté la responsabilité de droit commun de l’architecte sur la base de la seule absence de dommage décennal. En effet, les juges du fond devaient rechercher si l’architecte n’avait pas commis de faute dans l’exécution de sa mission.

Cour de cassation, 3ème Civ., 1er mars 2011, RDI n°6 juin 2011 p. 336 sous la responsabilité de Monsieur le Professeur Philippe Malinvaud

• Règlement de concours pour un marché de maîtrise d’œuvre

Il est intéressant de mentionner les utiles précisions apportées par la jurisprudence à la qualité que doit revêtir un règlement de concours dans le cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre passé suivant la procédure du concours restreint. Le règlement de concours organise les différentes étapes de la passation du marché de maîtrise d’œuvre. (Voir l’analyse d’Amélie Blandin dans Marchés publics d’architecture et d’ingénierie, Michel Huet et Amélie Blandin, édition Litec sept. 2010).

Le juge administratif encadre et sécurise ce règlement. Dans un arrêt du 27 novembre 2002, le Conseil d’Etat considère que le règlement de concours doit préciser les règles posées par le Code des marchés publics sous peine de ne pas pouvoir être appliqué par le pouvoir adjudicateur. Quand les règles contenues dans le règlement de concours sont conformes au Code des marchés publics, elles s’imposent au pouvoir adjudicateur et aux candidats selon un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris le 20 novembre 2001. Enfin, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 16 juillet 1998 estime que le non respect du règlement de concours entraîne l’illégalité de la procédure.

Règlement de concours pour un marché de maîtrise d’œuvre, Jean-Michel Communier, Contrats et Marchés publics n° 6 juin 2011 p38

___• Un bureau d’études techniques peut être mandataire d’un groupement

L’article 51 du Code des marchés publics laisse la possibilité à chaque groupement, qu’il soit solidaire ou conjoint, de désigner dans l’acte d’engagement son mandataire. Bien que l’architecte soit désigné dans la plupart des cas comme mandataire, rien n’empêche juridiquement un bureau d’études de revêtir la qualité de mandataire.

QE n°17185, réponse à Marc Francina, JOAN 19 avril 2011, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment du 17 juin 2011

• De la nécessité de visiter les lieux
Tribunal administratif de Lille, arrêt du 16 mars 2011 n°1101226 « Société Fornells c/ Commune du Touquet Paris Plage » et Tribunal administratif de Rennes, arrêt du 25 octobre 2010 n°1003986 « SARL « PPR Ekko Redon » c/Communauté de communes du pays de Redon »

Tribunal administratif de Lille, arrêt du 16 mars 2011 n°1101226

Dans l’arrêt rendu par le tribunal administratif de Lille, le 16 mars 2011, n° 1101226, la commune du Touquet a lancé une consultation sous forme de procédure adaptée pour l’attribution d’un marché d’aménagement.

La société Fornells soutient que le délai de seize jours laissé au candidat pour la remise des offres était trop court compte tenu de l’importance du montant du marché et de l’obligation de visite des lieux fixée par le règlement de consultation. Elle demande donc au juge des référés de suspendre la procédure de passation du marché d’aménagement et d’annuler tous les actes pris pour la dévolution de ce marché.

Le tribunal administratif de Lille rappelle que si le code des marchés publics ne fixe pas le délai devant être laissé aux opérateurs économiques pour présenter une offre dans une procédure adaptée, le délai doit être suffisant notamment au regard de la nécessité éventuelle d’une visite des lieux.

En l’espèce, la visite des lieux était nécessaire pour déterminer la nature du produit à proposer. Cependant, le délai laissé aux opérateurs économiques pour soumissionner à l’attribution du lot était insuffisant pour assurer le respect de libre accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Tribunal administratif de Rennes, arrêt du 25 octobre 2010

Le 25 octobre 2010, le tribunal administratif de Rennes a également rendu un arrêt concernant une procédure adaptée dans laquelle une visite des lieux a été prévue. En l’espèce, une communauté de communes a lancé un appel d’offre en vue de la passation d’une procédure adaptée. La SARL PPR Société Ekko Redon a présenté une offre qui a été rejetée.

La SARL souligne que les lots ont été attribués à deux sociétés qui n’ont pas effectué la visite obligatoire des lieux exigée par le règlement. Cependant, un article du règlement dispose que « les offres des candidats qui n’ont pas effectué cette visite seront refusées ».

Le Tribunal administratif de Rennes rappelle les dispositions du Code des marchés publics qui précisent qu’une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de consultation. L’administration ne peut donc pas attribuer le marché à un candidat qui ne respecte pas une prescription du règlement de consultation.

En l’espèce, selon le Tribunal administratif de Rennes, les deux opérateurs économiques choisis n’ont pas visité les lieux le même jour que les autres candidats. Ces manquements ont avantagé les opérateurs économiques choisis. Par conséquent, le Tribunal administratif statuant en référé annule la procédure de passation.

MTP du 20 mai 2011 n°5608 p. 23

– AMÉNAGEMENT URBAIN :

• La convention publique d’aménagement ne constitue pas un mandat : conséquence quant à la compétence des tribunaux

Le Conseil d’Etat a considéré, dans un arrêt du 11 mars 2011, Communauté d’agglomération du Grand Toulouse, qu’une convention publique d’aménagement n’avait pas le caractère d’un mandat.

En l’espèce la communauté d’agglomération de Toulouse a conclu avec une société d’économie mixte une convention publique d’aménagement. Cette société a mis en place une procédure négociée pour le choix d’un maître d’œuvre. Une entreprise non retenue a formé un recours. La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est déclarée compétente car, selon la Cour, la convention publique d’aménagement a le caractère d’un mandat donné par la personne publique au concessionnaire.

Cependant, le Conseil d’Etat précise que la convention n’avait pas comme seul objet de faire réaliser pour le compte de la communauté d’agglomération des ouvrages destinés à lui être remis dès leur achèvement ou leur réception. La convention publique d’aménagement n’a donc pas le caractère d’un mandat donné par la personne publique à l’aménageur. Par conséquent le contentieux relatif à la passation du marché de maîtrise d’œuvre litigieux, passé par la SEM, qui est une personne morale de droit privé, ne relève pas de la compétence du juge administratif.

La convention publique d’aménagement n’est pas un mandat, Jean-Marc Joannès La Gazette 4 avril 2011 p. 47

Michel HUET
Avocat au barreau de Paris