Michel HUET
En collaboration avec Baptiste GIBERT

Réglementation : Electricité et colonne montante

L’entretien des colonnes montantes pèse tantôt sur le gestionnaire du réseau public, tantôt sur les propriétaires d’immeubles, sans qu’aucune solution jurisprudentielle de principe ne soit parvenue à trancher la question. 

CAA Douai, 29 juin 2017, ERDF contre OPH de l’Aisne, n° 15DA00675 ; CA Limoges, 24 janvier 2017, ERDF contre OPH Limoges Métropole, n° 15/01230 ; CA Toulouse, 5 octobre 2015, Syndicat des copropriétaires de la résidence Lapujade Bonnefoy contre ERDF, n° 14/05643 ; TA Montreuil, 9 mars 2017, Société Enedis, n° 1510315 ; TGI Valence, 3 janvier 2017, Drôme aménagement habitat, n° 14/04052

Il est ici question de colonnes montantes installées avant la conclusion des contrats de concession pour la distribution d’électricité, c’est-à-dire avant 1992. En effet, il n’est pas contesté que pour celles installées après 1992, le concessionnaire a une obligation d’entretien et de renouvellement sur ces dernières.

L’Etat n’ayant toujours pas tranché la question de savoir qui du propriétaire de l’immeuble ou du gestionnaire du réseau a pour obligation d’entretenir et de rénover les colonnes montantes, la jurisprudence s’est emparée du sujet.

La matière intéresse grandement car cette incertitude fait également peser sur chacun des deux protagonistes une possibilité d’avoir sa responsabilité engagée pour défaut d’entretien.

Aussi bien le juge administratif que le juge judiciaire ont pu décider qu’il existait une présomption de transfert de ces ouvrages au bénéfice du réseau public de distribution d’électricité (CAA Douai, 29 juin 2017, ERDF contre OPH de l’Aisne, n° 15DA00675 et CA Limoges, 24 janvier 2017, ERDF contre OPH Limoges Métropole, n° 15/01230) .

En parallèle, d’autres décisions ont pu décider le contraire (CA Toulouse, 5 octobre 2015, Syndicat des copropriétaires de la résidence Lapujade Bonnefoy contre ERDF, n° 14/05643) .

La question fait donc débat, et aucune solution jurisprudentielle n’a, pour l’instant, permis de sécuriser cette question.

Pour pallier à cette insécurité, certains propriétaires ont décidé d’abandonner les colonnes montantes d’électricité situées dans leurs immeubles, de sorte qu’à l’issue de cette procédure, l’obligation d’entretien incombera au gestionnaire du réseau.

Encore une fois, la jurisprudence n’est pas en accord sur le fait de savoir si les ouvrages abandonnés doivent l’être tels quels ou en bon état. Certaines juridictions considérant que l’ouvrage peut être abandonné en l’état (TA Montreuil, 9 mars 2017, Société Enedis, n° 1510315) , tandis que d’autres ont décidé que les ouvrages ne pouvaient être abandonnés qu’en bon état d’entretien (TGI Valence, 3 janvier 2017, Drôme aménagement habitat, n° 14/04052) .

Par conséquence, en l’état actuel des choses, les juridictions décident au cas par cas, sans qu’aucune solution de principe ne soit parvenue à clarifier, et le régime de propriété des colonnes montantes, et le régime de l’abandon de ces dernières.

Source : Le Moniteur, 4 août 2017, p. 36-37, « Rénovation des colonnes montantes : le point de vue des juges », Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Astrid Layrisse

Réglementation : les Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) 

Instituées par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, les OAP connaissent un grand succès aujourd’hui, du fait notamment de leur souplesse d’utilisation. 

CAA Bordeaux, 10 juillet 2014, n° 13BX00235 ; CAA Lyon, 28 juin 2016, n° 16LY00999

Les OAP sont une des pièces constitutives du dossier du Plan Local d’Urbanisme (PLU). Elles permettent d’accueillir des secteurs de projet et ainsi d’éviter des modifications successives des documents d’urbanisme.

Aujourd’hui, les communes ont fréquemment recours à des OAP, car ces dernières ont pour rôle général de définir les opérations nécessaires pour mettre en valeur l’environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l’insalubrité, encourager le renouvellement urbain, assurer le développement de la commune et favoriser la mixité fonctionnelle.

En outre, les OAP ont l’avantage de pouvoir comporter un échéancier prévisionnel, permettant de prévoir à l’avance l’ouverture à l’urbanisation des zones en question et la réalisation des équipements correspondants.

Il convient de distinguer deux types d’OAP. D’une part, les OAP sectorielles, qui définissent des conditions d’aménagement garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères des espaces, dans la continuité desquelles s’inscrit la zone. D’autre part, les OAP thématiques, qui visent à conserver ou mettre en valeur les éléments de paysage, quartiers, immeubles, monuments, qu’elles ont identifiés pour des motifs d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique.

S’agissant de pièces constitutives du dossier d’un PLU, elles doivent s’articuler avec les autres pièces dans un rapport de compatibilité. Ainsi, les OAP doivent être établies en cohérence avec le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) ; le rapport de présentation du PLU devant expliquer l’instauration des OAP et justifier de la complémentarité des dispositions des OAP avec celles du règlement.

L’article L.152-1 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une demande d’autorisation de construire doit être compatible avec les OAP. Toutefois, ces dernières ne sauraient être formulées de manière contraignante pour ne pas figer le programme à une seule solution et réalité opérationnelle.

En pratique, les OAP sont opposables aux demandeurs d’autorisation d’urbanisme dans un rapport de compatibilité. Le juge administratif a ainsi pu décider que n’était pas compatible, avec une OAP, un permis d’aménager dont le tracé de la voie ne coïncidait pas avec celui prévu par l’orientation, et un projet d’extension d’un cabanon existant, alors que l’OAP visait la préservation des cabanons existants (CAA Bordeaux, 10 juillet 2014, n° 13BX00235 et CAA Lyon, 28 juin 2016, n° 16LY00999).

Ainsi, les OAP sont aujourd’hui un levier de développement urbain pour les Communes, leur permettant de prévoir l’urbanisation de leurs territoires. Sur le plan strictement juridique, il convient toutefois de bien faire attention à ce qu’elles n’entravent pas la liberté des constructeurs de proposer des solutions aux différents programmes qu’elles organisent sur une zone identifiée.

Source : Le Moniteur, 4 août 2017, p. 34-35, « Faciliter l’urbanisme de projet grâce aux OAP », Céline Lherminier et Morgan Bunel

Environnement : zones humides

Pour le Conseil d’Etat, les critères d’identification des zones humides, fixés par l’article L.211-1 du Code de l’environnement, sont cumulatifs et non alternatifs, comme le prévoit l’arrêté du 24 juillet 2008. 

Conseil d’Etat, 22 février 2017, req. n° 386325

Le requérant avait construit sur ses parcelles un plan d’eau sans autorisation. Souhaitant régulariser sa situation, il dépose a posteriori une déclaration préalable auprès du Préfet.

Le préfet s’oppose à cette dernière, au motif que cette construction a détruit une zone humide et des habitats d’espèces protégés.

Le requérant porte donc l’affaire en justice. Le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel, ont tous les deux rejeté la requête au motif, pour le premier, que le plan d’eau avait détruit des habitats d’espèces protégés, et pour la seconde, que cela avait détruit une zone humide.

Le requérant forme donc un pourvoi, contestant la qualification de zone humide.

Prenant le contrepied de la cour, le Conseil d’Etat décide que la parcelle en question ne se situe pas en zone humide, car les deux critères fixés par l’article L.211-1 du code de l’environnement, sont cumulatifs et non alternatifs, contrairement à ce que prévoyait l’arrête du 24 juillet 2008. Il fonde ainsi sa décision au regard des travaux préparatoires de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992.

La zone humide est définie comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année. » 

La présence de végétaux hygrophiles n’ayant pas été prouvé sur la parcelle du requérant, la qualification de zone humide a pu légalement être écarté par le Conseil d’Etat.

Ce dernier opère donc une clarification souhaitable de la définition légale des zones humides pour la police de l’eau.

Toutefois, il peut être craint une restriction des territoires pouvant prétendre à la qualification de zone humide, et donc à l’application d’un régime juridique protecteur.

Si cette décision clarifie la question, elle est cependant potentiellement contestable car en contradiction avec le principe de non-régression, consacré par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, selon lequel « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » 

Source : AJDA, 17 juillet 2017, n° 25/2017, p. 1460, « Retour aux sources de la définition des zones humides », Meryem Deffairi

Contrat public : concession de service

Le Conseil d’Etat précise la notion de concession de services au sens de l’ordonnance du 29 janvier 2016, et admet la passation d’un tel contrat sans publicité ni mise en concurrence pour une durée limitée, en cas d’urgence. 

Conseil d’Etat, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine, Grand Port maritime de Bordeaux, req. n° 405157

Le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) avait conclu une convention de terminal avec la société Europorte pour lui confier l’exploitation du terminal du Verdon. Cette convention n’ayant pas reçu exécution, le GPMB a conclu une convention de mise en régie avec la Société de manutention portuaire d’Aquitaine, sous-traitante d’Europorte.

La société Sea Invest, ayant été écartée dans la procédure d’attribution de cette convention, a saisi le juge du référé précontractuel, avant sa conclusion, afin d’en obtenir l’annulation. Le Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande, le GPMG n’ayant pas procédé aux mesures de publicité requises par l’article R. 5312-84 du code des transports.

Toutefois, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement, en décidant que la convention de terminal et celle de mise en régie sont des conventions de services au sens et pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, et relevant ainsi du champ d’application de l’article L.551-1 du CJA. Rappelons que la convention de terminal est un contrat par lequel un grand port maritime confie à un opérateur économique l’exploitation technique et commerciale, et éventuellement la réalisation, d’un terminal portuaire en contrepartie d’une redevance dépendant, pour partie, de l’activité.

Sur le fond, le Conseil d’Etat déboute la société Sea Invest, et décide qu’eu égard à la situation d’urgence, à l’impératif de continuité du service et à la désignation prochaine d’un nouveau titulaire de la convention de terminal, le GPMB n’était pas tenu de procéder à des mesures de publicité pour la passation d’une telle convention. En outre, il justifie cette décision par le fait que la convention de mise en régie a été conclue en application de la convention de terminal qui n’était pas résiliée et restait en vigueur, et qui avait été conclue après la publicité et mise en concurrence.

Par cette décision, le Conseil d’Etat précise que la circonstance qu’un contrat ait été conclu après mise en concurrence ne suffit pas à rendre applicables les recours contentieux tels qu’issus de l’article L.551-1 du CJA.

Le Conseil d’Etat, dans la droite lignée de sa jurisprudence antérieure, décide que le référé contractuel est ouvert aux concurrents évincés ayant formé un référé précontractuel lorsque l’intention de conclure n’a pas été rendue publique.

Enfin, le Conseil d’Etat décide qu’une dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des concessions de services est possible seulement en cas d’urgence.

Ainsi, cette solution de bon sens comble enfin une lacune qui subsistait encore.

Source : AJDA, 17 juillet 2017, n° 25/2017, p. 1453, « Les concessions de services prennent le large », Jean-Victor Maublanc 

Urbanisme : illégalités

Par cette décision, le Conseil d’Etat considère comme inopérant, à l’encontre de la délibération approuvant le plan, le moyen tiré de l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, fixant les objectifs poursuivis ainsi que les modalités de la concertation. 

Conseil d’Etat, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, req. n° 388902

Par un délibération du 27 février 2002, le conseil municipal a prescrit la révision du plan d’occupation des sols (POS) de son territoire, s’est prononcé sur les objectifs de cette révision et a arrêté les modalités de la concertation devant la précéder.

Par une délibération du 17 novembre 2011, le conseil municipal approuve la révision du POS et sa transformation en plan local d’urbanisme (PLU).

Le Tribunal administratif de Grenoble et la Cour administrative d’appel ont tous les deux annulé la délibération du 17 novembre 2011, au motif que la délibération du 27 février 2002 avait insuffisamment défini les objectifs poursuivis par la révision du document d’urbanisme.

Prenant le contrepied des juridictions inférieures, le Conseil d’Etat décide que :

« si cette délibération [celle du 27 fév. 2002] est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme [celle du 17 nov. 2011] ; qu’ainsi que le prévoit l’article L.300-2 du code de l’urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme ». 

Ainsi, le Conseil d’Etat décide que l’illégalité de la délibération prescrivant la révision d’un POS ou d’un PLU, ne peut être invoqué contre la délibération approuvant le PLU.

Toutefois, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme sont, quant à elles, invocables à l’occasion d’un recours contre la délibération approuvant le PLU.

Par cette décision, le Conseil d’Etat entend ménager un nouvel équilibre entre les exigences qui s’imposent aux élus locaux en matière de concertation et les possibilités ouvertes aux justiciables de critiquer les illégalités entachant la concertation,

Source : AJDA, 24 juillet 2017, n° 26/2017, p. 1515, « La limitation de l’exception d’illégalité du fait des vices entachant la concertation », François Priet