Michel HUET
En collaboration avec Lisa DELOUM

Droit de la construction 

La contestation des travaux par le maître d’ouvrage : un obstacle à la réception tacite. 

Cass., 3e civ., 24 mars 2016, n° 15-14830 
La réception de l’ouvrage est définie par l’article 1792-6 du Code civil comme l’acte contradictoire, par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Dans le silence des textes, la jurisprudence a consacré depuis 1987 l’existence d’une réception tacite (Cass. 3e Civ., 16 juill. 1987, n° 86-11455). En outre, il est de jurisprudence constante que la réception tacite est caractérisée lorsque le maître de l’ouvrage manifeste implicitement et de manière non équivoque sa volonté de recevoir l’ouvrage (v. Cass. 3e civ., 4 nov. 1992, n° 91-10076 ; Cass. 3e civ., 27 avr. 2011, n° 10-10643 ; Cass. 3e civ., 30 mars 2011, n° 10-30116 ; Cass. 3e civ., 15 mars 2011, n° 10-15300).

En l’espèce, une entreprise avait effectué des travaux d’assainissement qui se sont révélés défaillants en raison de la présence d’eau stagnant autour de l’habitation des maîtres d’ouvrage, qui avaient toujours protesté à l’encontre de la qualité de ces travaux. Afin d’être indemnisés, ils ont assigné l’entreprise et son assureur au titre de l’assurance responsabilité décennale. Suite au rejet de leur demande par la cour d’appel de Paris, les maîtres d’ouvrage ont soutenu en cassation que la réception tacite était caractérisée par la prise de possession de l’ouvrage et le paiement intégral des travaux, démontrant leur volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage. La Cour de cassation, confirmant la décision de la cour d’appel relève que les contestations des requérants à l’encontre des travaux excluaient toute réception tacite, « malgré le paiement de la facture ».

Il convient de souligner qu’en reprenant l’expression « malgré le paiement de la facture » employée par la cour d’appel, la solution peut laisser penser qu’en l’absence de ces contestations qui « excluaient toute réception tacite », le seul paiement des factures aurait suffit à démontrer la volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage. En réalité, l’appréciation des circonstances par les juges du fond, notamment de la prise de possession de l’ouvrage, n’a pas été remise en cause par la Cour de cassation. Ainsi, la troisième chambre précise sa jurisprudence sur la réception tacite en cas de paiement du solde (v. Civ. 3e, 16 mars 1994, n° 92-10.957 ; Civ. 3e, 30 sept. 1998, n° 96-17.014), en ce que le paiement intégral et la prise de possession peut valoir réception tacite, mais à condition que les maître de l’ouvrage n’aient pas contestés les travaux.

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « La réception des travaux est une condition de la mise en œuvre de la responsabilité décennale », Catherine Berlaud. 

Contentieux administratif 

Recevabilité du recours en annulation contre la prise de position de l’Autorité de la concurrence, acte de droit souple. 

CE, 21 mars 2016, n° 290023 « Société NC Numéricable » 

La société NC Numéricable avait demandé l’annulation de la prise de position de l’Autorité de la concurrence adoptée lors d’une délibération par laquelle elle considérait que la fusion des plateformes propriétaires de Numéricables et de SFR a eu pour effet de supprimer le risque d’éviction de la société NC Numéricable dans le cadre du marché d’acquisition de droit de distribution de chaîne de télévision. Jugeant recevable le recours, le Conseil d’Etat considère que la délibération faisait grief à la société NC Numéricable, en ce que d’une part, elle produit des effets économiques notables, et d’autre part, en ce qu’elle a eu pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché.

Alors que l’acte par lequel une autorité de régulation prend position est en principe sans effet juridique en ne créant ni droit ni obligation, le Conseil d’Etat juge ici qu’un tel acte dit de « droit souple », peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, et ce, sous conditions.

Le Conseil d’Etat énonce deux hypothèses de recours en annulation contre les actes de droit souple. D’une part, peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir « les avis, recommandations, mise en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies (…) lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ». D’autre part, le recours en annulation est recevable, lorsque ces actes « sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent », dès lors que le requérant ait justifié d’un intérêt direct et certain à leur annulation.

Source : La Gazette du Palais, du 12 avril 2016, n° 14, « Actes de droit souple des autorités de régulation : prises de position de l’Autorité de la concurrence », Philippe Graveleau. 

Intérêt à agir d’une association au champ d’action national contre un arrêté communal ayant une portée excédant son objet local.

CE, 4 novembre 2015, n° 375178, « Ligue Française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen »

Suite à l’installation d’un nombre significatif de personnes d’origine « rom », le maire d’une commune a pris deux arrêtés portant l’un sur l’interdiction de la mendicité, l’autre sur l’interdiction de fouiller les poubelles, conteneurs et autres lieux de regroupement de déchets. L’association « Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen », dont le ressort géographique est national, a demandé l’annulation de ces deux arrêtés.

En cassation suite au rejet de la demande par les juges du fonds en tant que le ressort national de l’association ne lui donnait pas intérêt à agir contre un arrêté municipal, le Conseil d’Etat, rappelant que le champ d’application local d’un arrêté municipal fait en principe obstacle à l’intérêt pour agir contre cet arrêté d’une association ayant un ressort géographique national, estime qu’il en va autrement « lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ».

Contrôlant la qualification juridique des faits soumis à l’appréciation de la cour administrative d’appel, le Conseil d’État juge qu’en l’espèce la mesure de police édictée par l’arrêté attaqué était de nature à affecter de façon spécifique des personnes d’origine étrangère présentes sur le territoire de la commune et présentait une portée excédant son seul objet local. Ainsi, l’association, bien qu’ayant un champ d’action national justifiait d’un intérêt à agir contre un tel arrêté.

Source : AJDA, 22 février 2016, n°6, « Quand les associations nationales s’invitent dans le contentieux des décisions locales », Christophe Doubpvetzky. 

Absence connaissance acquise pour le recours contentieux introduit devant une juridiction civile même incompétente.

CE, 25 mars 2016, n° 387755, Mission locale régionale de Guyane

L’article R. 421-5 du Code de justice administrative dispose que pour être opposables au destinataire d’une décision administrative, les délais et voies de recours doivent y avoir été mentionnés. Le défaut même de l’une seule de ces deux mentions (v. par ex. CE 15 nov. 2006, Toquet, n° 264636) empêche le délai de recours de courir. Entre outre, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’Etat dite de la « connaissance acquise », le délai de recours contentieux est déclenché par l’introduction d’une instance devant une juridiction administrative, date à laquelle, au plus tard, le requérant a eu connaissance de la décision qu’il attaque (v. CE 25 sept. 1996, Assoc. des propriétaires de la cité Jandelle, n° 123609). En revanche, lorsque la décision est produite à l’occasion d’une instance civile, le délai de recours contentieux ne court pas (v. CE 30 juin 1999, Fondation Asturion, n° 190250).

En l’espèce, le groupement d’intérêt public « Mission locale régionale de Guyane » avait notifié à une salariée des décisions sans indication des voies et délais de recours, prononçant des sanctions disciplinaires et son licenciement. La salariée avait introduit un recours devant le conseil des prud’hommes qui, se déclarant incompétent, renvoie les parties devant le tribunal administratif. En cassation, contre l’arrêt de la cour d’appel qui a prononcé l’annulation de l’ensemble des décisions, le groupement se prévalait de la théorie de la connaissance acquise. Il faisait ainsi valoir que l’introduction du recours devant la juridiction administrative par la salariée était tardive dès lors qu’il en résultait la connaissance par la requérante des voies et délais de recours au plus tard à la date de notification du jugement par lequel le conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent.

Dans la droite ligne de sa jurisprudence, le Conseil d’État, confirmant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux, écarte l’application de la théorie de la connaissance acquise pour le recours intenté devant une juridiction civile se déclarant incompétente : « si l’auteur d’un recours juridictionnel tendant à l’annulation d’une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu’il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours, ni le recours devant une juridiction incompétente, ni la notification d’une décision de rejet par une telle juridiction ne sont de nature à faire courir les délais de recours devant le juge administratif à l’encontre de la décision litigieuse ».

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « Point de départ du délai de recours : théorie de la connaissance acquise », Philippe Graveleau. 

Contrats et marchés publics 

Un procédé technique particulier peut être imposé par le pouvoir adjudicateur si le marché le justifie .

CE, 10 février 2016, n° 382148 

Selon l’ancien article 6 du Code des marchés publics, les spécificités techniques définissant les prestations d’un marché, ne peuvent faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier, sauf si une telle mention « est justifiée par l’objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle et à la condition qu’elle soit accompagnée des termes :  » ou équivalent « . »

En l’espèce, un appel d’offre ouvert avait été lancé par une commune pour la construction d’une halle de sports couverte. La commune a choisi un système de fixation particulier de la toile de couverture pour offrir de meilleures garanties de vieillissement de la structure, un moindre coût de la maintenance et une meilleure esthétique. Il en résultait l’inscription de prescriptions techniques spéciales dans le cahier des clauses techniques particulières. Le Conseil d’Etat qui était interrogé sur la légalité de ces prescriptions au regard de l’article 6 précité en déduit que le procédé de fixation était justifié par l’objet même du marché de sorte que la commune n’avait pas méconnu le principe d’égalité entre les candidats en faisant le choix de ce procédé.

Source : Le Moniteur des travaux publics, 29 avril 2016, p. 68, « Un pouvoir adjudicateur peut retenir un procédé particulier s’il est justifié par l’objet du marché », Gilles Lechatelier. 

Une offre n’est pas irrégulière sur le fondement d’un simple doute sur la capacité du candidat .

CE, 24 février 2016, n° 394945

Lors de la passation d’un marché dont l’appel d’offre ouvert avait été lancé par un syndicat mixte, un candidat avait été évincé au motif qu’il subsistait un doute sur la régularité de son offre en raison de l’absence des documents attestant l’habilitation du signataire à représenter l’entreprise candidate. La question soumise au Conseil d’Etat était de savoir si un pouvoir adjudicateur peut valablement écarter un candidat sur le seul fondement de cet irrégularité.

Le Conseil d’Etat répond par la négative, en rappelant d’abord les diligences du pouvoir adjudicateur au stade de la sélection, qui peut inviter les candidats à régulariser leur candidature en cas de pièces manquantes, et conclut « qu’une offre ne saurait être regardée, par elle-même, comme irrégulière, au seul motif que le pouvoir adjudicateur ne dispose pas des documents attestant que le signataire de l’acte d’engagement est habilité à représenter l’entreprise candidate. » Ainsi, le caractère exigible d’une pièce d’un dossier de candidature ne fait pas obstacle à ce qu’une offre soit régulière lorsque cette pièce est manquante, et il revient au pouvoir adjudicateur d’être vigilent dans l’examen des candidatures, et d’inviter les candidats à compléter leur offre le cas échant.

Source : Le Moniteur des travaux publics, 29 avril 2016, p. 68, « Une offre ne peut être écartée comme irrégulière sur le seul doute de la capacité de son signataire », Gilles Lechatelier. 

L’étendue de la communication des documents relatifs au contenu des offres d’un marché public .

CE, 30 mars 2016, n° 375529, Centre hospitalier de Perpignan

Le centre hospitalier de Perpignan avait ouvert un appel d’offre pour son assurance responsabilité civile. La société BEAH, évincée, a demandé au directeur de l’établissement de lui communiquer les pièces du marché conclu, et notamment le formulaire de réponse financière produit par l’entreprise attributaire. Malgré l’avis favorable de la CADA, le directeur confirma son refus de communication. Contestant cette décision auprès du tribunal administratif de Montpellier, le candidat évincé a pu en obtenir l’annulation en tant qu’elle refuse de communiquer ledit formulaire de réponse financière. Saisi en cassation par le centre hospitalier, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la nature administratives des documents litigieux, et la question de savoir si ce formulaire de réponse financière que produit l’entreprise attributaire doit être considéré comme entrant dans l’exception législative des documents administratifs non communicables pour atteinte au secret en matière commerciale et industrielle en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques.

Rappelant d’abord qu’il revient aux juges du fond d’examiner si ces documents entrent dans le champ de l’exception prévue par la loi du 17 juillet 1978, le Conseil d’Etat relève d’une part, qu’au regard des règles de la commande publique et sous réserves des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public sont communicables ; d’autre part que le bordereau de prix unitaire d’un marché, en reflétant la stratégie commerciale de l’entreprise, est « en principe susceptible d’affecter la concurrence entre les entreprises intervenant dans un même secteur d’activité et ainsi porter atteinte au secret commercial ». Ainsi, le directeur de l’établissement a pu refuser la communication du formulaire de réponse financière produit par l’entreprise attributaire du marché public, lequel entrait, en l’absence de circonstances particulières de l’offre, dans la catégorie des documents non communicables prévue par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978.

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « Conditions de communication des documents se rapportant à un marché public », Philippe Graveleau. 

Le pouvoir de modulation du juge administratif au secours d’une clause pénale .

CAA de Marseille, 9 novembre 2015, n° 14MA02747, Société Ecollect

La société Eurocollect titulaire d’un marché à bons de commande conclu avec la ville de Cannes, accusait d’un délai de livraison dix fois supérieur au délai prévu au contrat et s’est vue remettre un titre exécutoire d’un montant de 104 400 euros à raison des pénalités de retard. Considérant le montant disproportionné par rapport aux montants du marché et de la commande concernée (respectivement 39 512,35 euros et 10 001,90 euros), la société a demandé au tribunal administratif de Nice que soient annulés le titre exécutoire et la clause pénale sur laquelle il se fondait, ainsi qu’à titre subsidiaire, une réduction du montant des pénalités. Prononçant l’annulation du titre exécutoire en ce qu’il excède la somme de 10 000 euros, le tribunal a procédé à une réduction du montant des pénalités à hauteur de cette somme. La société interjeta appel pour demander l’annulation du jugement et réitèra l’ensemble de ses demandes.

En application de la jurisprudence « Béziers I » (CE Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802), la cour d’appel a relevé que la société n’était pas recevable, dans le cadre d’un litige portant sur l’exécution du marché et non sur sa validité, à demander l’annulation de la clause pénale, mais pouvait toutefois demander à ce qu’elle soit écartée. Amenée à examiner le caractère proportionnel ou excessif de la clause pénale, la cour a jugé d’une part, que la clause ne présentait pas, par son contenu, un caractère illicite et qu’ainsi la conclusion du contrat n’était pas entachée d’un vice d’une particulière gravité. D’autre part, que le montant des pénalités était effectivement disproportionné, mais que toutefois, cette disproportion ne suffisait pas à établir le caractère illicite de la clause pénale. Il en résultait que la société, bien que recevable, n’était pas fondée dans sa demande d’annulation de ce titre.

Refusant d’écarter l’application de la clause litigieuse pour ne pas faire obstacle à l’octroi de toute pénalité, le juge s’inspirant de l’article 1152 du Code civil (v. aussi CE 29 déc. 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930) procède à la modulation des pénalités de retard jugées manifestement excessives, et fixe à ce titre la somme de 10 000 euros, qui avait par ailleurs été retenue en première instance. En effet, la clause pénale issue du cahier des clauses techniques particulières du marché, se bornait à fixer les pénalités à 50 euros par jour de retard et par pièce, en ne limitant pas autrement leur montant.

Source : AJDA, 22 février 2016, n°6, « Caractère excessif ou dérisoire des pénalités contractuelles », conclusions de Renaud Thielé. 

Environnement 

Prise en charge des frais d’intervention d’un SDIS par l’entreprise responsable matériel d’un incident de pollution dans l’exécution d’un marché de travaux publics. 

CAA Bordeaux, 29 avril 2016, Service départemental d’incendie et de secours des deux-Sèvres c/ SARL SGTP Racaud, n° 14BX02623 

A l’occasion de la livraison de bitume pour un chantier de travaux publics, la société titulaire du marché a malencontreusement déversé une émulsion de bitume dans un ruisseau. Le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) qui a été amené à intervenir pour contenir la pollution du ruisseau, a demandé à cette dernière le remboursement des frais d’intervention par l’émission d’un titre de recettes. La société a demandé l’annulation du titre auprès du tribunal administratif de Poitiers qui accueillit sa demande, et le SDIS interjeta appel du jugement.

La question soumise à la Cour administrative d’appel de Bordeaux était celle de savoir si le pollueur, débiteur de l’obligation de dépollution issue du principe du pollueur-payeur (art. L. 110-1 C. env.), devait être le pouvoir adjudicateur en tant que donneur d’ordre, ou le titulaire du marché qui était matériellement responsable. La cour d’appel, relevant que la pollution « trouve son origine dans l’exécution d’un chantier de travaux publics qui avait été confié à la société (…) en sa qualité d’entrepreneur » considère que le SDIS peut, en application du principe pollueur-payeur, mettre ses frais d’intervention à la charge de l’entreprise responsable d’un incident de pollution. Ainsi, le principe de gratuité des interventions du SDIS invoqué par l’entrepreneur, était inopérant en vertu du principe du pollueur-payeur, en ce que l’intervention du SDIS constituait « des prestations particulières à l’égard des personnes responsables de sinistres ».

Source : AJDA , 9 mai 2016, n° 16, p. 879, « Remboursement des frais de secours et principe de pollueur-payeur », Jean-Marc Pastor. 

Sauf atteinte au secret des délibérations du Gouvernement, les informations environnementales contenues dans un avis du Conseil d’État sont communicables. 

CE, 30 mars 2016, n° 383546, Min. de l’écologie

L’association France nature a demandé l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de la Commission d’accès aux documents administratifs par laquelle le Premier ministre a refusé de lui communiquer la nature de l’avis rendu par le Conseil d’Etat sur le projet de décret du 2 mai 2012 n° 2012-616 relatif à l’évaluation de certains plans ayant une incidence sur l’environnement. Par jugement avant-dire-droit, le tribunal administratif de Paris a ordonné la production de l’avis par le Premier ministre préalablement à la publication du décret, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a demandé au Conseil d’Etat d’annuler ce jugement.

Rappelant, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement, le droit de toute personne d’accéder aux informations environnementales auprès des autorités publiques dans les limites de la loi, le Conseil d’Etat relève qu’en vertu de l’article L.124-4 du Code de l’environnement, l’autorité publique qui a apprécié l’intérêt de la communication, peut rejeter la demande d’information notamment lorsqu’elle entre dans la catégorie des informations non communicables prévues par l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, parmi lesquelles figurent les avis du Conseil d’Etat et les documents portant atteinte au secret des délibérations du Gouvernement.

Le Conseil d’Etat en déduit d’une part que « si les avis du Conseil d’Etat ne sont pas communicables, les informations relatives à l’environnement qu’ils pourraient le cas échéant contenir sont quant à elles communicables », et d’autre part qu’il appartient au Premier ministre « d’apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication ». Enfin, dès lors que les avis du Conseil d’Etat sont examinés par le Gouvernement pour l’adoption de ses textes, le secret des délibérations du Gouvernement pouvait faire obstacle à la communication des informations relatives à l’environnement contenues dans ces avis.

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « Communication sous réserve des informations relatives à l’environnement contenues dans les avis du Conseil d’Etat », Philippe Graveleau. 

Responsabilité publique

Obligation du juge administratif de rechercher si l’illégalité d’une procédure de promotion a entrainé une perte de chance d’être promu. 

CE, 25 mars 2016, n° 386199, Mme A. 

Une professeure de première classe à l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris (ESPCI) a demandé au tribunal administratif de Paris, à ce qu’il lui soit allouée, par la ville de Paris, une indemnité de 250 000 euros en réparation des préjudices qu’elle aurait subis du fait des décisions illégales de refus de promotion à la classe exceptionnelle du corps des professeurs de cette même école. La cour administrative d’appel de Paris, saisie par la requérante suite au rejet de ses prétentions en première instance, annule le jugement du tribunal administratif de Paris pour irrégularité, et rejette se demande.

La cour administrative d’appel de Paris a jugé que la requérante était fondée à soutenir que la procédure de promotion était entachée d’une illégalité fautive en ce qu’elle méconnaissait le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur, duquel il ressort notamment que les mérites de ces enseignants ne peuvent être jugés que par leurs pairs. Néanmoins, la cour a prononcé le rejet de la demande indemnitaire au motif que le préjudice allégué ne pouvait être regardé comme la conséquence du vice entachant les décisions de refus de promotion.

Prononçant l’annulation de l’arrêt, le Conseil d’Etat considère que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en n’ayant pas recherché si l’irrégularité de la procédure de promotion qu’elle avait relevé n’avait pas entraîné pour la requérante une perte de chance sérieuse d’être promue.

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « Irrégularité de la procédure de promotion dans la fonction publique : perte de chance sérieuse en résultant », Philippe Graveleau. 

Urbanisme

Abus du droit d’agir en justice et mise en œuvre du mécanisme reconventionnel indemnitaire prévu par l’article L. 600-7, C. urb. 

TA Lyon, 17 novembre 2015, n° 1303301. 

Issu de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme permet au titulaire d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de présenter des conclusions reconventionnelles aux fins de dommages et intérêts pour citation abusive dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir exercé à l’encontre de son permis. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 17 novembre 2015 est le premier à condamner en dommages et intérêts les auteurs d’un recours pour excès de pouvoir sur ce fondement. Le tribunal a ainsi été amené à examiner, comme les dispositions de l’article L. 600-7 l’y invitent, si les circonstances de l’espèce traduisaient un recours mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes des requérants.

Appréciant l’intérêt à agir de ces derniers, le tribunal a relevé d’une part, que ne présentaient pas un intérêt à agir les requérants qui n’avaient pas justifié être propriétaires d’un bien situé sur une parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet, et qui bénéficiaient pas d’une vue sur le projet ; d’autre part, que la circonstance que certains résident le long de la même route est insuffisant pour leur conférer un intérêt à agir. Néanmoins, justifiaient d’un intérêt à agir les propriétaires d’un terrain situé à moins de 40 mètres et les nus-propriétaires d’un terrain voisin du projet, qui invoquaient des risques d’inondation que les travaux pourraient entrainer ainsi qu’une perte d’intimité.

Pour faire application de l’article L. 600-7, le tribunal, qui a conclu en l’existence d’une pratique dilatoire, relève que les requérants recevables à agir avaient produit tardivement la pièce justifiant leur intérêt, ce qui avait donné lieu au renvoi de l’affaire, et ce, alors même que la partie adverse avait présenté ses fins de non recevoir deux ans auparavant. En outre, ils ne justifiaient d’aucun moyen sérieux de nature à démontrer l’illégalité du permis en présentant un nombre importants de moyens qui se trouvaient être soit « inopérants (…), soit manifestement infondés, soit irrecevables, soit seulement assortis de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ». Enfin, pour considérer le recours comme abusif au sens de l’article L. 600-7, le tribunal relève que la requête entrait dans un contexte de conflit politique médiatisé et « qui excède largement son cadre ».

Source : AJDA, 9 mai 2016, n° 16, p. 914, « Combien peut coûter l’abus du droit d’ester en justice ? », conclusions de Henri Stillmunkes. 

Premier rapport de l’ONPV et cartographie des quartiers prioritaires. 

Le 3 mai 2016, l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) publie son premier rapport annuel, et décrit la situation des 1 436 quartiers prioritaires (contre 2482 auparavant), nouvellement définis par la loi Lamy n° 2014-173 du 21 février 2014 relative à la programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Ce rapport dresse une cartographie des quartiers prioritaires, avec un constat alarmant de disparités accrues entre quartiers, confirmant la nécessité de recentrer la politique de la ville sur la réduction des écarts socio-économiques au sein de la population. Les quartiers prioritaires y sont caractérisés comme ayant des taux plus importants en comparaison aux unités urbaines environnantes, pour ce qui est de la population étrangères (+ 10 points), de la population des 0 à 14 ans (+ 6 points) et des familles monoparentales (+ 8 points). Enfin, la population scolarisée des 16- 24 ans est inférieure de 11 points par rapport à la moyenne nationale avec un taux de 52,9 % contre 63,9 %.

Source : AJDA, 9 mai 2016, n° 16, p. 881, « Une première cartographie des nouveaux quartiers prioritaires », Jean-Marc Pastor. 

La délibération arrêtant le dossier définitif d’un projet d’aménagement n’est pas susceptible de recours. 

CE, 30 mars 2016, n° 383037, M. B. 

Un projet d’aménagement entrant dans la procédure de concertation prévue par l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, a été mené par la communauté urbaine de Bordeaux pour le développement du réseau de transports en commun. Le dossier définitif du projet a été arrêté à l’issue de la concertation par une première délibération du 6 novembre 2009. Une seconde du même jour prévoyait des mesures d’aménagement en compensation de la suppression de places de stationnement du fait de la réalisation d’une nouvelle ligne de tramway. Ces deux délibérations ont fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, lequel a été rejeté par ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux, confirmée en appel.

Saisi en cassation, le Conseil d’État précise la nature des délibérations litigieuses, en considérant d’une part, que la délibération arrêtant le projet d’aménagement constitue une mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, dès lors que le dossier définitif ne permet pas en lui-même la réalisation des opérations d’aménagement. D’autre part, que n’est pas susceptible de recours en annulation la délibération portant sur les mesures de compensations des effets négatifs du projet sur les riverains, en ce qu’elle revêt le caractère d’une simple déclaration de principe dépourvue d’effets juridiques.

Source : La Gazette du Palais, du 19 avril 2016, n° 15, « Définition de la délibération arrêtant le dossier définitif d’un projet d’aménagement », Philippe Graveleau. 

< Illégalité des prescriptions, même environnementales, d’un PLU étrangères à la législation d’urbanisme. 

TA Grenoble, 10 décembre 2015, n° 1406875, « Ass. Préserver Montélimar Nord et a. » 

Dans cet arrêt, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération approuvant le PLU de Montélimar en ce que son règlement prévoyait des prescriptions étrangères à la législation d’urbanisme, ainsi que pour non respect des dispositions législatives relatives aux destinations des constructions et à la constructibilité en zone naturelle.

Le règlement d’un PLU prescrivait dans une zone AU, l’interdiction de la plantation de prunus, pour lutter contre un virus. Considérant que cette prescription, de nature purement environnementale, est étrangère à la législation sur l’urbanisme, le Tribunal administratif de Grenoble juge qu’elle ne peut être légalement prévue dans un document d’urbanisme. Le tribunal relève par ailleurs, que les auteurs du PLU peuvent préciser le contenu des catégories de destination, mais que toutefois ils ne sauraient en créer de nouvelles même pour prévoir des règles spécifiques au sein d’une catégorie législative de destination. En conséquence, le règlement ne pouvait imposer des conditions de stationnement pour les seules constructions à usage de restauration en affectant cette destination à une catégorie indépendante de celle des commerces, services et loisirs, pour y appliquer des règles spécifiques. Enfin, a été jugé contraire à la législation, la disposition du règlement qui excluait dans un sous-secteur de la zone N toute règlementation de hauteur et de densité des constructions, alors que l’article l. 123-5, 14° en vigueur du code de l’urbanisme impose de préciser les règles de hauteur et de densité dans les zones naturelles quand des constructions peuvent y être autorisées

Source : Droit de l’environnement, n° 244, avril 2016, p. 153, « Un PLU ne peut aménager les prescriptions du Code de l’urbanisme, même pour des raisons environnementales », Hélène Bras.