ACTUALITES JURIDIQUES

Novembre 2012
Michel Huet avec la collaboration de Lucie Cocito

– Urbanisme – Collectivités territoriales et ingénierie en matière d’urbanisme.
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. 

Par M. Pierre JARLIER, Sénateur

La règle de répartition de compétence en matière d’urbanisme est la suivante. Le Maire, au nom de la commune est compétent pour instruire et délivrer les autorisations d’occupation des sols si la commune est couverte par une carte communale ou un PLU.
A défaut d’existence d’un tel document, les décisions individuelles seront délivrées par le Maire au nom de l’Etat avec l’accord du service de l’Etat chargé de l’urbanisme.
L’Etat conserve toujours un droit de regard, notamment à travers la possibilité qui lui ait offerte d’obliger les communes à inscrire dans leurs documents d’urbanisme des projets d’utilité publique ou grâce au contrôle de légalité effectué par le préfet.
La répartition des compétences est relativement stable et s’inscrit dans le mouvement de décentralisation.
Il faut néanmoins mettre en lumière une contradiction qui pose des difficultés. Les communes qui ont la responsabilité de la gestion des sols, ne se sont pas vues transférer les moyens ni les services de l’Etat assurant cette mission.

Parallèlement, les communes doivent également faire face à l’augmentation des contraintes techniques notamment environnementales alors même qu’il y a une réduction progressive de l’ingénierie de l’Etat en matière d’urbanisme.
Cette évolution est notamment liée au droit européen de la concurrence qui a fait entrer certaines prestations d’ingénierie publique dans le secteur concurrentiel, les soumettant ainsi au code des marchés publics.
Cette disparition de l’ingénierie territoriale de l’Etat est controversée. D’un côté, cela peut apparaitre comme l’aboutissement de la décentralisation du droit de l’urbanisme, mais des effets pervers peuvent se faire ressentir notamment dans les petites collectivités.

Plusieurs solutions sont envisagées pour pallier ce recul de l’Etat.
Ainsi, le recours à l’ingénierie privée est proposé, tout en précisant que cela doit rester le complément de l’ingénierie publique, car cette solution n’est pas forcément adaptée notamment aux petites collectivités rurales.

Le recours à l’intercommunalité est recommandé car il permet une mutualisation des moyens humains et budgétaires.

Il est important de mettre en place une véritable reconnaissance du statut d’urbanisme qui doit passer par l’octroi d’un statut légal.

Le manque de moyen des collectivités pour se substituer à l’Etat est problématique, plusieurs solutions peuvent être néanmoins envisagées.
Ainsi, pour pouvoir subvenir aux couts d’une ingénierie qualifiée, il est proposé de recourir à une part de la taxe d’aménagement qui permettra de financer un fonds national d’aide à la réalisation des documents d’urbanisme.
Cette possibilité est ouverte étant donné que la taxe n’est pas affectée à la réalisation d’une opération déterminée.
L’éventualité de recourir à la taxe fiscale des CAUE est également envisagée, le Conseil général a la possibilité dans la limite du plafond fixé par la loi de doter le territoire départemental d’une ingénierie d’accompagnement à hauteur des enjeux locaux de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement.

La Gazette, cahier détaché n°2- 34/2140- 10 septembre 2012

– Marchés publics

Première chambre civile de la Cour de cassation 17 octobre 2012 11-18638

Un architecte a conçu un immeuble à usage de bureaux dont il n’a réalisé qu’une partie du projet initial correspondant à la 1ère tranche.
Puis, mitoyen à cet immeuble est construit un immeuble de bureaux.
L’architecte initial considère que cette nouvelle construction porte atteinte au droit moral d’auteur dont il est titulaire sur l’œuvre d’architecture qu’il a conçu.
La Première chambre civile de la Cour de cassation, dans cet arrêt en date du 17 octobre 2012 considère qu’en l’espèce l’architecte n’avait pas renoncé à son droit moral, mais celui-ci ne fait pas obstacle à l’édification d’un bâtiment mitoyen dont l’architecture s’affranchissait du projet initial.

-Urbanisme 

Cour de cassation 3ème chambre civile 4 juillet 2012 n°11-17832

Des époux propriétaires de deux parcelles voisines ont vendu l’une d’entre elles, en précisant que l’acquéreur ne pouvait pas édifier une maison en mitoyenneté.
L’acquéreur construit malgré tout une maison à deux centimètres de la limite de la propriété.
Il fallait donc s’interroger sur la notion de mitoyenneté en l’espèce.
Il est précisé que l’interdiction de mitoyenneté était liée au fait que la maison bâtie sur la parcelle voisine devait conserver un dégagement nécessaire pour éviter une dépréciation de sa valeur.
Ainsi la Cour d’Appel s’est livrée à une appréciation souveraine en considérant qu’en l’espèce le terme « mitoyenneté » ne devait pas être entendu par référence à l’article 657 du code civil, « mais devait être compris comme prohibant explicitement une implantation en retrait de deux centimètres par rapport à la ligne séparative des fonds, de telle sorte qu’elle était suffisamment accolée à la maison d’habitation voisine pour ne pas laisser de dégagement nécessaire »

– -Urbanisme – Les effets d’un plan d’alignement à l’épreuve d’une mesure de suspension

Conseil d’Etat 26 mars 2012, Association des habitants des quartiers sud et maraîchers de Colmar et autres, requête n°350834

En l’espèce, le Conseil Municipal de la commune de Colmar a adopté par délibération un plan d’alignement.
En application de l’article L112-2 du code de la voirie routière, un plan d’alignement a pour effet d’incorporer définitivement dans le domaine public routier le sol des propriétés non bâties dans l’emprise de l’alignement.
Une association demande l’annulation de la délibération. Le juge des référés accueille dans un premier temps la demande de suspension d’exécution de la délibération, puis dans une ordonnance postérieure a mis fin aux effets de la précédente ordonnance.
L’association exerce un recours devant le CE à l’encontre de cette ordonnance.
Le CE rappelle les effets qu’entraine l’adoption d’un plan d’alignement, et souligne que ce dernier épuise ses effets à compter de la prise de possession de la commune des biens situées sur le plan.
Une suspension du plan d’alignement par le juge des référés fait obstacle à la prise des biens par la collectivité publique.
Dans cet arrêt le CE a du se prononcer sur l’effet de cette suspension dès lors que la prise de possession des biens était déjà effectuée.
Le CE dans cet arrêt pose le principe que dès lors que la prise de possession des biens est antérieure à la mesure de suspension, la collectivité publique peut obtenir la fin de la suspension de son plan d’alignement en s’appuyant sur l’article L521-4 CJA. Cette solution apparait pertinente étant donné le principe d’inaliénabilité des biens du domaine public.

AJDA Septembre 2012 n° 21/2012 Page 1741

– PROPRIETE INTELLECTUELLE Image des biens : Du droit exclusif au trouble anormal. 

Cour de cassation 1ère chambre civile 28 juin 2012 (n°10-28.716)

L’arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation en date du 28 juin 2012 illustre un trouble anormal qui peut justifier que le propriétaire d’une chose même s’il ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci puisse s’opposer à son utilisation par un tiers.

En l’espèce, la société Château Marie du Fou a cherché à engager la responsabilité de la société Jard Chiais Mareuillais sur le fondement de la concurrence déloyale pour avoir commercialisé des bouteilles de vin avec une étiquette comportant une représentation du château de Mareuil dont elle est propriétaire. Les deux sociétés commercialisent du vin sous la même appellation d’origine.
La cour d’appel considère que le trouble anormal est caractérisé par l’utilisation de l’image du château de Mareuil étant donné la concentration de la production de vin litigieuse sur un territoire très limité et très proche de la commune de Mareuil.
La société Jard Chiais Mareuillais forme un pourvoi en cassation au motif que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci et ne peut s’opposer à son utilisation par un tiers que lorsqu’elle lui cause un trouble anormal.
La cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

Il convient de préciser que la juridiction administrative et plus précisément le Tribunal Administratif d’Orléans (n°1102187) adopte une position opposée, en considérant que le bien et son image ne se confondent pas.
L’arrêt en date du 6 mars 2012 pose le principe que la photographie d’un bien du domaine public immobilier, qui n’est pas par elle-même affectée ni à un service public ni à l’usage direct du public et ne constitue pas un accessoire indissociable de ce bien, ne constitue pas un bien du domaine public.
Par suite, l’utilisation de la photographie par un tiers ne peut être considérée comme une occupation ou une utilisation du domaine public susceptible de donner lieu au versement d’une redevance.

Recueil Dalloz 27 septembre 2012 n°33/ 7526, page 2218
– Urbanisme 

Cet arrêt du Conseil d’Etat en date du 6 juin 2012 (n°341534 « Commune de Murviel-lès-Montpellier c/ Mme A et a ») précise l’office du juge dans le contrôle de la mise en œuvre d’un droit de préemption urbain.
Le juge doit se limiter à vérifier l’existence d’un projet précis, dès lors tout autre élément ne doit pas être pris en compte.
En l’espèce, le Conseil d’Etat sanctionne la cour d’appel pour avoir annulé pour excès de pouvoir la décision du Maire exerçant le droit de préemption urbain en tenant compte notamment de l’inadéquation entre le prix retenu et le projet.

Il convient de citer un autre arrêt du Conseil d’Etat (n°342328 « Société RD Machines Outils c/ Communauté de communes du Genevois ») rendu à la même date qui contribue également à préciser l’office du juge en la matière.
Le contrôle du juge de l’excès de pouvoir ne doit pas se borner à l’erreur manifeste d’appréciation.
En effet, il doit vérifier que la décision de préemption soit justifiée par la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date. D’autre part la décision de préemption doit faire apparaitre la nature de ce projet.
Puis, le juge doit exercer un entier contrôle sur l’intérêt général suffisant « eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière ».

Le moniteur 31 aout 2012 n°5675, page 4

– MARCHES PUBLICS Le candidat irrégulièrement évincé 

Les voies de recours d’un candidat irrégulièrement évincé d’une procédure de passation de marché public :

– Les procédures de référé :

Le référé précontractuel : demande l’annulation de la procédure de passation du marché

Le référé contractuel : demande l’annulation du marché

– Les recours au fond

Recours en contestation de validité du marché : demande l’annulation du marché et le cas échéant de condamner le pouvoir adjudicateur à lui verser une indemnité

Requête indemnitaire : demande la condamnation de l’acheteur public à réparer les préjudices subis du fait de son éviction de la procédure de passation.

Pour obtenir la condamnation du pouvoir adjudicateur à verser une indemnité, le requérant doit apporter la preuve d’une faute qui peut être tout manquement à l’une des obligations de publicité et mise en concurrence. De plus, il doit y avoir un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

Si le juge considère que le manquement commis à l’obligation de publicité et mise en concurrence a fait perdre au candidat évincé une chance de remporter le marché, celui-ci peut demander le remboursement des frais engagés pour présenter son offre.
Si la chance perdue de remporter le marché est considérée comme « sérieuse », le candidat évincé pourra également obtenir une indemnité d’un montant égal au manque à gagner.
Le manque à gagner correspond à une marge nette qui aurait dû être dégagée du fait de l’exécution du contrat. C’est au requérant de justifier du montant de ce manque à gagner en fournissant des documents et des calculs appropriés au marché litigieux.
On peut également envisager que le requérant sollicite la réparation du préjudice commercial, mais en pratique le juge la refuse.
Par compte, il ne peut pas prétendre au remboursement de la quote-part des frais généraux qui aurait été affectée au marché.

L’indemnité est une créance prescrite dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivante celle au cours de laquelle le rejet de la candidature a été notifié.

En principe, le candidat évincé doit d’abord présenter une demande indemnitaire au pouvoir adjudicateur avant de saisir le tribunal. Par compte, il n’est pas lié par cette demande, ainsi il peut solliciter devant le tribunal une indemnité d’un montant supérieur.
Cette règle de recevabilité est écartée lorsqu’il s’agit d’un marché qui a pour objet l’exécution de travaux publics.
Le moniteur 12 octobre 2012 n°5681, page 57 : La requête indemnitaire du candidat irrégulièrement évincé.

Cession de créance : Loi Dailly

Dispositions applicables : L313-23 et suivants du code monétaire et financier.
Organise un mode de cession de créances simplifié entre professionnels : il est possible pour un professionnel personne morale de droit privé ou de droit public ou personne physique, de céder à un établissement de crédit les créances qu’il a sur ses clients en signant un bordereau qui comprend les caractéristiques de ces créances, en contrepartie d’un crédit.

– Domaine d’application : 

-La transmission par bordereau est utilisable qu’à l’occasion d’une opération de crédit(pas d’exigence quant à la nature du crédit)

-Seul un établissement de crédit peut être bénéficiaire d’un bordereau

Limitation de l’usage du bordereau à certaines catégories de cédant :

que les crédits consentis à personne morale de droit privé ou droit public et à personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle.
La relation avec l’activité professionnelle n’est requise que pour les personnes physiques, mais la notion « d’activité professionnelle » est entendue largement = activité commerciale, profession libérale, agricole ect….

-Il doit s’agir de créances détenues par le bénéficiaire du crédit sur des tiers : donc pas possible d’utiliser la transmission de bordereau pour réaliser un cautionnement réel.

-Il doit s’agir de créances sur personne morale de droit public ou privé ou sur personne physique nées à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur.

Les conséquences d’une utilisation du bordereau en dehors du domaine défini par la loi :

Est nul un bordereau émis pour des opérations autres que celles prévues à L313-23.
MAIS n’implique pas forcément la nullité de l’opération (Cour de cassation chambre commerciale 19 décembre 2006 n°05-16.395)
L’opération est valable et opposable si les formes prévues aux articles 1690 et 2356 du code civil sont observées.

Formes du bordereau:

Forme écrite + certaines mentions obligatoires + il doit être daté car conditionne l’opposabilité aux tiers.

Les mentions obligatoires (L313-23) :
– Dénomination obligatoire de l’acte
– Référence aux textes pertinents du code monétaire et financier
– Désignation de l’établissement cessionnaire
– Identification des créances cédées ou nanties : pas d’exigence que les créances soient directement désignées, il suffit que le bordereau contienne des moyens permettant de les identifier (exemple : nom du débiteur, lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et échéance). Insuffisance d’identification des créances = cause de nullité d’un bordereau

L313-23 En cas de contestation portant sur l’existence ou la transmission d’une des créances, le cessionnaire pourra prouver par tous moyens que la créance objet de la contestation est comprise dans le montant global porté sur le bordereau

L313-25 Le bordereau doit ê signé par le cédant
Si le bordereau est émis par une société ou une autre personne morale : le signataire doit être une personne ayant qualité pour céder une créance ou consentir un nantissement.
Bordereau signé par une personne non habilitée n’est pas nul mais frappé d’inopposabilité ne pouvant ê invoquée que par le cédant.

Les conséquences d’irrégularités du bordereau :

si formes légales n’ont pas été respectées, cession ou nantissement n’est valable et opposable aux tiers que si les formes de droit commun ont été respectées.
L313-23 si une mention fait défaut cela ne vaut pas comme un acte de cession ou nantissement de créances professionnelles.

Concernant l’inexactitude d’une mention du bordereau :

Chambre commerciale de la cour de cassation 13 octobre 1992 : cela peut compromettre l’identification des créances cédées et entrainer la nullité du bordereau.
Mais de telles inexactitudes ne vicient pas par elles-mêmes le bordereau ? Elles seraient à traiter selon les principes applicables à la simulation (article 1321 du code civil).
ATTENTION l’insertion de fausses indications dans un bordereau ou dans les factures qui y sont annexées peut être constitutive de délit d’escroquerie.

L313-25 datation du bordereau par le cessionnaire : c’est à la date portée sur le bordereau lors de sa remise que l’acte produit ses effets entre les parties et vis-à-vis des tiers.
Chambre commerciale 26 novembre 2003 n°01-03.685 l’effet translatif du bordereau = datation du bordereau et non à la notification faite au débiteur.

Cession
Le régime ordinaire de la cession de créance est en principe applicable à la cession réalisée par remise d’un bordereau.

Possible de transmettre au moyen d’un bordereau une ou plusieurs créances sur un ou plusieurs débiteurs.

Possibilité de créance future

: le bordereau permet de céder ou de nantir des créances liquides et exigibles, même à terme et « des créances résultant d’un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés ».
Par compte l’existence des créances futures ne doit pas ê purement hypothétique, ne reposant sur aucune donnée objective.

Cession de créance future en cas d’ouverture d’une procédure collective

du cédant si l’exécution du contrat générateur s’est poursuivie après le jugement d’ouverture.
Il avait été jugé que le cessionnaire de créance, comme le factor subrogé dans les droits du fournisseur ne peut prétendre recouvrer que la partie de la créance correspondant à des prestations exécutées avant l’ouverture de la procédure (Chambre commerciale 26 avril 2000)
Une expertise était en pratique nécessaire pour déterminer l’état d’avancement de l’exécution à la date du jugement.
La Cour de cassation a pris une position opposée en se fondant sur les articles L. 313-23, L. 313-24 et surtout sur l’article L313-27 d’où il résulte qu’une une cession ou un nantissement de créance effectué par bordereau prend effet à la date de remise du bordereau au bénéficiaire du bordereau même si le contrat générateur de la créance n’est pas exécuté ou ne l’est que partiellement. La créance sort du patrimoine du cédant dès cette remise et le paiement de la créance n’est pas affecté par l’ouverture postérieure d’une procédure collective de ce cédant (chambre commerciale 7 décembre 2004 n°02-20.732)

Pas d’obligation concernant l’origine de la créance (contractuelle ou extra-contractuelle) dès lors qu’elle est née dans l’exercice par le débiteur de son activité professionnelle.

La possibilité de rejet par la banque de certaines créances :

dépend de la teneur des rapports contractuels existant entre la banque et le remettant. Si aucun engagement préalable n’a été contracté par la banque, le refus est évidemment possible et n’a même pas à être justifié. Si une convention cadre a été conclue prévoyant la mobilisation d’un certain volume de créances par cession au moyen d’un ou plusieurs bordereaux, la banque conserve sauf désignation précise et inconditionnelle, la possibilité d’effectuer un tri parmi les créances qui lui sont proposées, mais son refus doit être motivé soit par la qualité du débiteur, soit par la qualité d’une créance.
La banque peut aussi mettre fin à la convention cadre de crédit la liant à une entreprise et refuser en conséquence un bordereau en respectant les dispositions de l’article L313-12. Donc, si le crédit est à durée indéterminée, un préavis de soixante jours doit être observé.

-Les effets de la cession dans les rapports entre cédant et cessionnaire :

La remise du bordereau à l’établissement de crédit et sa datation par celui-ci, sont des formes imposées, même entre parties. Le paiement du cessionnaire ne peut être obtenu sans la présentation d’un bordereau ou si le bordereau présenté n’est pas signé et daté et, par conséquent, inopposable aux tiers. Ainsi, la présentation d’une simple copie du bordereau n’est pas suffisante (Cour de cassation chambre commerciale 20 mars 2007 n°06-13.552)

Droits du cessionnaire :

il acquiert la créance avec toutes ses caractéristiques et ses accessoires. A compter de la date de la cession, le cédant ne peut plus, sans l’accord de l’établissement cessionnaire, modifier les droits attachés aux créances représentées par le bordereau.
Les conditions et modalités de la cession peuvent être librement aménagées comme dans la cession réalisée selon les formes du droit commun, soit dans une convention de crédit distincte du bordereau, soit dans le bordereau lui-même.

Objectifs de la cession :

la réalisation d’un paiement, la transmission définitive de créances à un établissement de crédit à l’occasion d’un crédit de mobilisation ou cession de créance à titre de garantie d’un crédit.
Les parties doivent clairement préciser dans leur convention (éventuellement dans le texte du bordereau) que la cession est faite seulement à titre de garantie et il est indispensable qu’elles désignent avec suffisamment de précisions la ou les dettes garanties. Il peut s’agir de dettes présentes ou futures (solde d’un compte courant)

Garantie due par le cédant :

article L313-24 alinéa 2 « sauf convention contraire, le signataire de l’acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement » 

Pour être admis à agir contre le cédant/garant, le cessionnaire n’a pas à discuter les biens du débiteur cédé. C’est la conséquence de la solidarité établie par la loi. Il lui suffit d’établir que le débiteur n’a pas acquitté la dette (CA Paris, 3e ch. B, 17 avr. 1992 : JCP E 1992, pan. p. 706) : MAIS peut ê exclu par convention ou ne couvre pas une disparition de la créance cédée postérieure à la cession (chambre commerciale 1er février 2011 n°09-73.000

La mise en œuvre par le cessionnaire de la garantie du cédant est subordonnée à la preuve par le cessionnaire de la défaillance du débiteur cédé. La Cour de cassation a facilité cette preuve en imposant seulement au cessionnaire de justifier soit d’une démarche amiable auprès du débiteur ayant reçu une notification soit d’événements rendant impossible le paiement. Le cessionnaire n’a pas à justifier préalablement des exceptions qui lui ont été opposées lorsqu’il a présenté au paiement les créances cédées (cour de cassation chambre commerciale 18 septembre 2007 n°06-13.736)

Droits du cessionnaire à l’égard du débiteur cédé
La cession réalisée par bordereau ne modifie pas le contenu de l’obligation ni celui de l’acte juridique qui en est la source. À moins qu’il ait donné son acceptation dans les formes prévues par la loi, il incombe au bénéficiaire du bordereau de prouver, si elle est contestée, l’existence de la créance et ceci, même si la cession a été notifiée.
Le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu faire valoir à l’encontre du cédant.
En revanche, le débiteur cédé ne pourrait opposer à une banque cessionnaire le fait que celle-ci connaissait à la date de la cession les difficultés financières du cédant et la circonstance que la cession n’a servi qu’à rembourser une dette antérieure
Le débiteur est fondé à se prévaloir à l’encontre du cessionnaire du paiement qu’il a effectué entre les mains du cédant (Cass. com., 20 févr. 1996 : RTD com. 1996, p. 309, obs. M. Cabrillac) mais c’est à lui qu’incombe, alors, la charge de la preuve
-Si le débiteur cédé conteste l’existence de la créance, c’est au cessionnaire qu’il incombe d’en prouver l’existence (chambre commerciale 3 janvier 1996 Société Coca Cola c/ Banque Joire Pajot et Martin) En revanche, c’est le débiteur qui doit établir la réalité de l’exception dont il se prévaut.
-Le débiteur ayant accepté la cession ne peut opposer à l’établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins qu’en acquérant ou en recevant la créance, l’établissement de crédit n’ait agi sciemment au détriment du débiteur.
Notification de la cession au débiteur :

Au regard du débiteur cédé comme au regard des autres tiers, le cessionnaire est investi de la créance dès que le bordereau lui a été remis et qu’il a été daté par lui (L.313-27). Dès cet instant, le débiteur peut faire entre les mains du cessionnaire un paiement libératoire. Toutefois, le cessionnaire paie valablement le cédant tant que cession ne lui a pas été notifiée.

-Opposabilité aux tiers de la cession :
La cession devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau par l’établissement de crédit cessionnaire, ce qui suppose la remise préalable du bordereau à cet établissement
La Cour de cassation a tiré les conséquences de cette opposabilité immédiate aux tiers de la cession par bordereau en cas d’ouverture d’une procédure collective du cédant postérieurement à la date du bordereau. Saisie par la banque cessionnaire d’une action en remboursement de la créance cédée dont le montant avait été encaissé pour le compte de la procédure, la Cour juge fondée cette demande alors même que la cession n’avait pas été notifiée au débiteur (Cass. com., 4 janv. 2005, SMC c/ Ets Chabran : RTD com. 2005, p. 391, obs. M. C.). 
-Le nantissement