DROIT DE L’ARCHITECTURE
L’irrévocabilité relative de l’acte unilatéral
L’acte unilatéral semble résister à l’élaboration d’une théorie générale. Les actes unilatéraux diffèrent par leur objet et par d’autres caractéristiques ; leur régime ne peut guère être déterminé qu’au vu de la situation sur laquelle ils portent. En particulier, leur révocabilité en dépend.
L’article 1134 du code civil ne permet pas d’établir un quelconque fondement au régime de l’acte unilatéral. Retenir le parallélisme des formes qui vaut pour les conventions paraît trop fragile.
Socialement, l’acte entraîne des attentes qui peuvent être légitimes et s’insère ainsi dans l’ordre juridique dont l’état ne saurait être bouleversé au caprice des uns et des autres. La référence à la volonté et à son autonomie encombre inutilement le raisonnement sur l’acte unilatéral. L’analyse de la situation dans laquelle il intervient devrait pouvoir guider la détermination de son régime.
Recueil Dalloz, 18 juillet 2013, n°26, « L’irrévocabilité relative de l’acte unilatéral » par Christian Atias, Agrégé des Universités, avocat, p.1765-1766
DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Invocabilité de la charte de l’environnement à l’encontre d’un texte réglementaire
L’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat, dans son arrêt du 12 juillet 2013, précise que le juge administratif peut vérifier la conformité à l’article 3 de la Charte de l’environnement d’un texte réglementaire pris pour l’application d’une loi.
En l’espèce, la Fédération nationale de la pêche en France avait demandé l’annulation du décret du 22 septembre 2010 relatif à la gestion et à la pêche de l’anguille, qui autorisait la pêche d’anguille de moins de douze centimètres et l’anguille argentée, en ce qu’il méconnaissait les dispositions de l’article 3 de la Charte de l’environnement.
Cependant, l’assemblée a estimé que les dispositions litigieuses « participent de la mise en œuvre de l’article 3 de la Charte » et qu’ainsi « le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu les exigences » qui en découlent.
AJDA, n°26 – 2013, « Invocabilité de la charte de l’environnement à l’encontre d’un texte réglementaire » par Diane Poupeau, sur l’arrêt : CE, ass., 12 juillet 2013, Fédération nationale de la pêche en France, req. n° 344522.
URBANISME
Plan d’urbanisme ou projet d’urbanisme : la planification urbaine à bout de souffle
Les outils de la planification urbaine ont énormément évolué, prétendant à l’exhaustivité et s’inscrivant dans une hiérarchie aux degrés multiples. Les SCOT, de niveau intermédiaire, sont subordonnés à divers projets et lois de protection et surtout divers documents supérieurs (SDAGE, chartes des parcs naturels…). Aussi, le document local se heurte aux principes d’élaborations associés (concertation, enquête publique…) qui alourdissent encore un peu plus sa confection.
Les autorisations d’urbanisme concernant d’importants projets sont soumises à un régime d’autorisation. Ainsi existe-t-il un certain double emploi entre planification urbaine et procédure d’autorisation. Le risque est donc d’aboutir à des incompatibilités entre le plan et le projet ; ne reste-t-il plus qu’à réviser ou mettre en compatibilité le plan. Au point de discréditer la notion même de planification.
Ne serait-il pas préférable de cantonner la planification urbaine au respect de grands principes dont les décisions inférieures (autorisations d’urbanisme) devraient se conformer quitte à accroître le nombre de projets soumis à des études d’impact sur l’environnement ?
AJDA, n°26 – 2013, « Plan d’urbanisme ou projet d’urbanisme : la planification urbaine à bout de souffle » par Fernand Bouyssou, Professeur agrégé de Droit public, avocat à la Cour de Toulouse, p.1493-1496
MARCHES PUBLICS
Faut-il indemniser le manque à gagner lors de la résiliation d’une délégation de service public en raison de sa durée excessive ?
CAA Nancy, 17 janvier 2013, Société Vivendi c/ Communauté d’agglomération de Reims, req., n° 11NC00809
La résiliation d’une convention de délégation de service public avant son terme est possible lorsque sa durée est devenue excessive au vu des règles actuelles. En l’absence d’investissement, la société cocontractante ne peut pas prétendre à l’indemnisation de son manque à gagner ni, en l’espèce, faute de justifications, à l’indemnisation de la perte subie.
AJDA, n°26 – 2013, « Faut-il indemniser le manque à gagner lors de la résiliation d’une délégation de service public en raison de sa durée excessive ? », Michel Wiernasz, p. 1501-1502
DROIT DE L’ARCHITECTURE
Archives privées, archives publiques : où passe la frontière entre propriété privée et domanialité publique ?
Tribunal des conflits, 9 juillet 2012, Ministre de la défense c/ M. Murat de Chasseloup-Laubat, req., n° 3857
Alors que le tribunal des conflits a confié au juge judiciaire le litige opposant le ministère de la défense à un particulier sur la propriété d’un fonds d’archives constitué par un général de Napoléon, le tribunal de grande instance a conclu que ce fonds avait un caractère privé.
AJDA, n°26 – 2013, « Archives privées, archives publiques : où passe la frontière entre propriété privée et domanialité publique ? », p. 1525-1526
PROPRIETE INTELLECTUELLE
La protection des créations esthétiques
Les créations relevant de l’esthétique industrielle peuvent être protégées conjointement selon trois systèmes.
Le droit d’auteur pose deux principales difficultés : celle de la preuve et de la titularité. Toute une série de procédures permettent aujourd’hui aux créateurs de constituer des preuves de leur processus créatif. Quant à la titularité, si elle ne pose pas de problème d’identification lorsque l’œuvre est établie dans un cadre « classique » (œuvres de collaboration, composition, collective…) ; en revanche, dans le cadre de l’entreprise, l’absence de régime général dans le droit français pose de nombreuses difficultés.
Dans le cadre du droit des dessins et modèles, la création doit alors avoir été, au préalable, enregistrée par l’INPI. Le droit communautaire prévoit cependant une protection pour les dessins et modèles non enregistrés lorsque ceux-ci sont divulgués dans l’Union européenne. Ainsi la Cour d’appel de Paris, le 8 février 2013, a appliqué la présomption de cession à l’employeur d’un dessin non enregistré au vu de la situation qui a accompagné sa création.
Aussi, on peut également protéger une création esthétique par le droit des marques étant « un signe susceptible de représentation graphique » (signe figuratif ou tridimensionnel). Toutefois cette protection reste fragile. Les offices d’enregistrement et les tribunaux remettent souvent en cause la légitimité du recours au cumul de protection. Notamment la CJUE est plutôt réticente à reconnaître le caractère distinctif aux marques tridimensionnelles.
Propriétés intellectuelles, n°48, « La protection des créations esthétiques » par Guillaume Marchais, avocat, et Philippe Martini-Berthon, avocat, p.326-330
PROPRIETE INTELLECTUELLE
Des news sur la loi applicable en matière de droit d’auteur
Dans cet important arrêt, la Cour de cassation se prononce enfin sur la portée de l’article 5-2 de la Convention de Berne : ce texte régit aussi la détermination du titulaire des droits d’auteur. Par conséquent, c’est la loi du pays de protection qui s’applique, et non la loi du pays d’origine.
Il s’agissait, en l’espèce, d’un reporter-cameraman pour une chaîne de télévision américaine affecté en France qui, après son licenciement, assigna la chaîne pour violation de ses droits d’auteurs. Alors que selon le régime juridique américain des works made for hire, l’employeur est titulaire des droits automatiquement, la première chambre civile décide ici d’appliquer la loi française qui confère le droit d’auteur au salarié.
Pour la première chambre, « la détermination du titulaire initial des droits d’auteur sur une œuvre de l’esprit est soumise à la règle de conflit de lois édictée par l’article 5-2 de la convention de Berne, qui désigne la loi du pays où la protection est réclamée ». La lex loci protectionis triomphe.
Gazette du Palais, n°195 à 199, « Des news sur la loi applicable en matière de droit d’auteur », Cass. 1ère civ., 10 avril 2013, n° 11-12508, p. 8-9
DROIT DE L’ARCHITECTURE
Construction
Cass. 3ème civ., 26 juin 2013, n° 12-18121
« La nullité du contrat de construction de maison individuelle pour violation des règles d’ordre public protectrices du maître de l’ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la remise en état du terrain sans indemnité pour le constructeur au titre des travaux réalisés. La démolition, ordonnée à la demande du maître de l’ouvrage, interdit au constructeur de solliciter le coût des travaux qu’il a réalisés ».
Gazette du Palais, n°195 à 199, p.16
PROPRIETE INTELLECTUELLE
Cass.com., 28 mai 2013, n° 12-19748
Les lois du 29 octobre 2007 et du 4 août 2008 ont conféré la compétence en matière de propriété intellectuelle aux tribunaux de grande instance alors qu’auparavant la majorité des litiges était portée devant les tribunaux de commerce.
La pratique a toutefois essayé de contourner cette évolution en renonçant à plaider sur le terrain de la propriété intellectuelle mais plutôt sur celui de la concurrence déloyale.
C’est ainsi que cet arrêt vient sanctionner cette pratique en rappelant la compétence exclusive du tribunal de grande instance pour toute action et demande impliquant une marque, y compris donc pour les actions en concurrence déloyale.
Gazette du Palais, n° 205 à 206, « Marques, dessins et modèles, droit d’auteur…la tentation du tribunal de commerce » par Marie-Hélène Fabiani, p. 8-11
DROIT DE L’ARCHITECTURE
Le tribunal des conflits redéfinit la voie de fait
T. confl., 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman, req. n° 3911
Le Tribunal des conflits redéfinit la voie de fait dans le sens d’une meilleure répartition du contentieux entre le juge judiciaire et administratif. A la définition classique de la voie de fait (« atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale »), est substituée la notion d’ « atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété ».
Cette définition semble renvoyer davantage aux fonctions traditionnelles du juge judiciaire, protecteur de la liberté individuelle et du droit de propriété. Laissant au juge administratif le soin de d’apprécier les atteintes graves à une liberté individuelle dans le cadre du référé-liberté (notion qui peut aussi inclure le droit de propriété).
AJDA, n° 22-2013, « Le tribunal des conflits redéfinit la voie de fait » par Marie-Christine de Montecler, p.1245
MARCHES PUBLICS
Marchés publics de travaux
TA Melun, 11 avril 2013, n° 1004765/2, « Société GAR Rénovation Vieux Edifices c/ commune de Bannost-Villegagnon »
En vue de l’attribution d’un marché de travaux portant sur la rénovation d’une église, une société qui s’est portée candidate a été informée que son offre n’avait pas été retenue. Elle demande alors l’annulation du marché et la condamnation de la commune à l’indemniser en réparation du préjudice financier résultant de son éviction qu’elle estime irrégulière.
Le tribunal administratif prononce l’annulation du marché pour passation irrégulière. En effet, le pouvoir adjudicateur a omis de porter à la connaissance des candidats le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avant le dépôt des offres. Cet oubli aurait ainsi exercé une influence sur la présentation des offres et est un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°5718, « Le pouvoir adjudicateur doit transmettre tous les documents utiles aux candidats », p.18
– MARCHES PUBLICS
Concession du stade Roland-Garros : absence de mise en concurrence et bilan économique global
TA Paris, 28 février 2013, Association du quartier du Parc des Princes pour la sauvegarde de ses caractéristiques, Association Boulogne patrimoine, req. n° 1200787/7
La passation d’une convention d’occupation du domaine public, concernant Roland-Garros, entre la FFT et la Ville de Paris, a été déclarée illégale par le juge administratif.
Celle-ci offrait des avantages non négligeables à la FFT : absence de concurrence, reconduction de l’autorisation d’occupation pour 99 ans ; extension dans l’espace, lui permettant ainsi de réaliser des travaux afin d’agrandir la capacité d’accueil et améliorer les installations sportives ; augmentation consécutive des taux de redevance etc… Or, la faible augmentation de la redevance payée en contrepartie, lors de la reconduction, n’a pas trompé le juge qui a censuré la convention.
Pourtant, on relève l’absence de procédure de publicité et de mise en concurrence ainsi que le risque économique et financier excessif pris par la ville en garantie d’emprunt (50%) et en clause indemnitaire en cas d’échec (20 millions d’euros). La passation d’une concession de travaux publics, certes plus contraignante, aurait surement permis une procédure objective qui aurait probablement rendu à la convention son équilibre économique.
AJDA, n°20/2013, « Concession du stade Roland-Garros : absence de mise en concurrence et bilan économique global » par Stéphane Braconnier, p. 1166 et s.