Michel HUET
En collaboration avec Lisa DELOUM

Urbanisme

Appréciation de la compatibilité entre la destination des constructions et la destination assignée à l’emplacement réservé

CE, 20 juin 2016, n° 386978

Le maire de Saint-Denis a accordé à la société Logis Transports filiale immobilière de la RATP un permis de construire un immeuble de 20 logements et un poste de redressement électrique. Le projet a été contesté en ce qu’il occupe la totalité d’une parcelle qui avait été grevé d’un emplacement réservé uniquement pour la réalisation du poste de redressement électrique.

Le Conseil d’Etat, rappelle que le pétitionnaire et la personne bénéficiaire de l’emplacement réservé ne peuvent se voir délivrer un permis de construire qui ne respecterait pas la destination de l’emplacement réservé. Il juge « qu’en revanche, un permis de construire portant à la fois sur l’opération en vue de laquelle l’emplacement réservé a été réservé et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l’emplacement réservé » .

En l’espèce, le permis de construire autorisant la construction d’un immeuble comprenant le poste de redressement en vue duquel l’emplacement avait été réservé mais aussi des logements, est jugé compatible, dès lors « qu’aucune disposition [du POS] n’interdisait de réaliser sur la même parcelle d’autres projets compatibles avec la destination assignée à l’emplacement réservé ». .

Source : Gazette du Palais, 12 juillet 2016, n°26, p.38, « Condition de délivrance d’un permis de construire sur une parcelle grevée d’une servitude d’emplacement réservé », Philippe Graveleau

Environnement

Compétence géographique et agrément des associations de protection de l’environnement.

CE, 20 juin 2016, n° 389590 

Un préfet a refusé l’agrément d’une association prévu par l’article L. 141-1 du code de l’environnement afin d’obtenir le statut particulier d’ « association agréée de protection de l’environnement ». En première instance, le tribunal administratif prononce l’annulation de la décision de refus d’agrément ainsi que l’agrément de l’association. Suite à la confirmation du jugement en appel, le ministre de l’écologie a saisi le Conseil d’Etat pour obtenir la cassation de l’arrêt.

Le Conseil d’Etat fait droit à la demande d’annulation à la lumière des articles L. 141-1, R. 141-2 et R. 141-3 du code de l’environnement. Il juge qu’en vertu de ces textes, le préfet pouvait légalement tenir compte, pour refuser d’agréer l’association, de ce qu’elle n’exerçait pas son activité sur une partie significative du département :

« il incombe à l’autorité administrative, saisie d’une demande d’agrément, de déterminer s’il peut être délivré dans un cadre départemental, régional ou national ; que, si ces dispositions font obstacle à ce qu’elle exige que l’association exerce son activité dans l’ensemble du cadre territorial pour lequel l’agrément est susceptible de lui être délivré, elle peut légalement rejeter la demande lorsque les activités de l’association ne sont pas exercées sur une partie significative de ce cadre territorial et qu’elles ne concernent que des enjeux purement locaux ». .

Source : Gazette du Palais, 12 juillet 2016, n°26, p.35, « Champ géographique de l’agrément d’une association de défense de l’environnement », Philippe Graveleau. 

Précisions sur les critères à retenir pour la constatation de l’état de catastrophe naturel .

CE , 20 juin 2016, n° 382900 

Dans cette affaire la commune de Meudon a obtenu en appel l’annulation d’un arrêté interministériel du 13 décembre 2010. Celui-ci a refusé de reconnaître sur son territoire l’état de catastrophe naturelle défini par l’article L. 125-1 du code des assurances, au titre des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols en 2009. Pour opposer ce refus, l’arrêté se fondait sur des critères établis par Météo France, en vertu desquels il résultait que l’intensité anormale de l’agent naturel en cause n’était pas démontrée sur au moins 10% du territoire de la commune sur l’année 2009.

Saisi en cassation par le ministre de l’intérieur, le Conseil d’Etat confirme l’annulation en considérant d’une part, que le critère retenu par l’arrêté n’était prévu par aucun texte ; d’autre part, que ce critère est sans rapport avec la mesure de l’intensité de la sécheresse et la réhydratation des sols.

Source : Gazette du Palais, 12 juillet 2016, n°26, p.35, « Constatation de l’état de catastrophe naturelle : méthode et critères », Philippe Graveleau. 

Notion d’exploitation inséparable de plusieurs installations classées et pouvoirs de police du préfet en matière d’ICPE. 

CE, 18 mars 2016, n° 394439, Société Guy Dauphin Environnement 

Par arrêté du 25 septembre 2015, le Préfet de l’Orne a pris des mesures d’urgences visant un site comprenant plusieurs installations classées, à savoir un centre de tri et un centre de stockage de déchets. L’arrêté a interdit l’apport de déchets sur l’installation jusqu’à la levée des non-conformités. Celles-ci n’affectaient que le centre de stockage, et rendaient nécessaire la réalisation de travaux ce qui a eu pour effet d’empêcher la reprise du centre de tri. L’exploitant a obtenu par ordonnance la suspension de l’arrêté devant le juge des référés, et le ministre de l’écologie a saisi le Conseil d’Etat en vue d’annuler cette décision.

Prononçant l’annulation de l’ordonnance de référé, le Conseil d’Etat relève que l’exploitation de la plateforme de tri est inséparable de celle du centre de stockage de déchets, quand bien même leur fonctionnement n’est qu’en partie lié. Toutefois, il en déduit que si « l’activité de tri ne peut ainsi être poursuivie indépendamment de l’activité de stockage », il n’en reste pas moins que l’interruption de l’activité du site est la conséquence immédiate des travaux à réaliser sur l’installation de stockage et non de l’arrêté.

Source : Droit de l’environnement, mai 2016, n°245, p.188, « Exploitation inséparable de plusieurs installations classées : les enseignements du Conseil d’Etat au sujet du site de Nonant-le-Pin », Corentin Goupillier. 

Propriété intellectuelle 

Précisions sur le « domicile » du requérant personne physique au sens de l’article R. 411-21 du CPI. 

CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2016, n°15/05056, M. A c/ SARL MEM, INPI 

L’article R. 411-21 du Code de la propriété intellectuelle prévoit les conditions de forme à peine d’irrecevabilité prononcée d’office du recours contestant une décision de l’INPI. Parmi les mentions obligatoire figure le « domicile » du requérant.

En l’espèce, le domicile mentionné par le requérant correspondait à non seulement à son adresse professionnelle, mais aussi à une simple boite postale. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence juge irrecevable son recours en application de l’article R. 411-21 du CPI. Elle définit le domicile comme étant « uniquement le lieu où réside de manière effective et à titre personnel l’auteur du recours, ce qui exclut son adresse professionnelle ». Elle précise également qu’une boîte postale « est à l’évidence insusceptible de constituer un domicile ».

Source : Petites Affiches, 1er août 2016, n°152, « Du domicile de la personne physique au sens de l’article R. 411-21 du Code de la propriété intellectuelle », Sébastien CACIOPPO. 

Santé publique

L’employeur qui n’a pas pris des mesures de protection contre l’amiante commet une faute d’une particulière gravité. 

CAA Versailles, 10 mai 2016, n° 15VE00383 

Une société productrice d’amiante qui n’avait pas pris, en connaissance de cause, les mesures de protection nécessaires à la sécurité des salariés, a été condamnée sur le fondement de la faute inexcusable et en application des dispositions du code de la santé publique, à verser à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) la majoration de rente et l’indemnisation des salariés victimes. En première instance, le tribunal administratif a accueilli la demande de la société tendant à condamner l’Etat à lui reverser la moitié de la somme perçue par la CPAM, cette dernière alléguant que l’Etat en ayant tardé à établir une réglementation spécifique, a commis une faute permettant à la société co-auteur du dommage de rechercher sa responsabilité.

La Cour administrative d’appel de Versailles, saisie par un ancien salarié victime et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), rappelle d’abord qu’effectivement, le tiers co-auteur d’un dommage avec l’administration peut se retourner contre elle au titre de sa responsabilité pour faute, et ce, y compris lorsque ce tiers co-auteur a commis une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Elle ajoute que toutefois la circonstance que la société co-auteur du dommage, a délibérément commis une faute d’une particulière gravité, fait obstacle à ce qu’il se prévale de la faute que l’administration a elle-même commise. En l’espèce, l’Etat a bien commis une faute en n’ayant pris aucune mesure spécifique pour protéger les travailleurs des dangers de l’amiante avant le décret n°77-949 du 17 août 1977. La société productrice d’amiante a quant à elle commis deux fautes successives. D’abord une « faute de nature à engager sa responsabilité », pour la période antérieure au décret de 1977 durant laquelle elle n’a pas pris les précautions dont elle était tenue d’assurer contractuellement. Ensuite, postérieurement au décret, la société qui agissait alors en connaissance des dangers révélés, a commis non plus une faute inexcusable, mais une faute d’une particulière gravité, l’empêchant de se retourner contre l’Etat.

Source : AJDA, 25 juillet 2016, n° 27, p. 1510, « Amiante et faute d’une particulière gravité », Maryse Pestka. 

Informatique et sécurité intérieure 

Une commune ne peut être autorisée à installer un dispositif de vidéo-surveillance des plaques d’immatriculation en application de l’article L. 233-1 du CSI. 

CE, 27 juin 2016, n° 385091 

Un arrêté préfectoral a autorisé l’installation sur le territoire d’une commune d’un dispositif de vidéo-surveillance nécessitant une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). La commune a sollicité cette autorisation auprès de la CNIL qui a refusé par délibération du 22 mai 2014. Ce dispositif géré par la police municipale, avait pour but de collecter et conserver pendant 21 jours les données relatives aux plaques d’immatriculation, mises à disposition sur réquisition judiciaire de la gendarmerie nationale pour identifier les auteurs d’infraction.

Sur la question de savoir si la police municipale peut vidéo-surveiller les plaques d’immatriculation des véhicules, le Conseil d’Etat répond par la négative. D’une part, il relève que la finalité de collecte des données au profit de la gendarmerie nationale, était étrangère aux finalités visées à l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure (CSI), encadrant la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique.

D’autre part, en application de l’article L. 233-1 du CSI, seuls les services de douanes, de police et de gendarmerie nationales sont autorisés à mettre à œuvre les dispositifs de contrôle automatisés des données signalétiques des véhicules. La circonstance que les données soient transmises à la gendarmerie nationale pour ses missions de police judiciaire ne permet de regarder le dispositif comme mis en œuvre par la gendarmerie nationale, dès lors que la collecte des données est gérée par la police municipale. 

Source : Gazette du Palais, 12 juillet 2016, n°26, p.37, « Utilisation des données issues d’un dispositif de vidéoprotection urbaine », Philippe Graveleau.