Michel HUET 

Droit de l’architecture et de la construction : 

Cass. civ. 3ème ch. 18 décembre 2013 : Société Casa Ambrosino / MAF et société PDGA 

Ordre ou pas Ordre ?

Encore une fois, le passage par le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes peut poser problème si la procédure est mal orientée.
Dans un litige qui opposait un architecte à son maître d’ouvrage, ce dernier saisit le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes du Languedoc Roussillon. Celui-ci n’étant pas compétent territorialement, entraîna la sanction de la Cour d’appel estimant que l’action à l’encontre de l’architecte et de son assureur était irrecevable.
La Cour de Cassation cassa l’arrêt de la Cour d’appel, uniquement pour ce qui concernait l’assureur, considérant que le maître d’ouvrage, en vertu de l’article L. 124-3 du Code des assurances est bien fondé à agir directement à l’égard de l’assureur, sans passer par la case de l’Ordre des Architectes.

Note A. Dauger ; Opérations immobilières mars 2014 p.36

CA Pau 24 octobre 2013 

Confusion des genres et légèreté des acteurs d’une copropriété dans l’attribution d’une étude de maîtrise d’œuvre : 

Le Conseil Syndical est censé donner un avis sur une commande. Le Syndic est censé présenter la commande à l’Assemblée Générale qui doit délibérer pour l’accepter.
En cas d’urgence, le Syndic peut passer commande.

Dans cette espèce, le Conseil Syndical avec légèreté, prenant simplement acte que le maître d’œuvre n’avait pas chiffré le coût de son travail, alors qu’il n’est pas mandaté par l’AG des copropriétaires, décide de missionner le prestataire et le Syndic exécute.

Qui est responsable ?

En fait le syndic et le Conseil Syndical ! La facture est d’environ 119 000 euros ! Les magistrats limitent à 40 000 euros la part du préjudice subi par la copropriété qui devra en régler le solde, le Conseil Syndical étant l’émanation de la copropriété.

On peut s’interroger aussi sur la légèreté de la maîtrise d’œuvre qui, dans un premier temps, n’avait pas produit un devis ou qui n’avait pas demandé au Conseil Syndical les éléments permettant de le faire.

La leçon de cette espèce : architectes et bureaux d’études, même s’ils sont trop souvent sollicités en dehors de tout formalisme ont intérêt à rappeler les règles du jeu et poser les questions leurs permettant de ne pas mettre les copropriétés devant le fait accompli. Quant aux syndics, ils ont intérêt à respecter scrupuleusement les textes sur la copropriété. Quant aux Conseils Syndicaux, même s’ils sont des actifs bénévoles méritant le respect, ils ne sont pas la copropriété.
En tout état de cause à l’Assemblée Générale, les copropriétaires doivent rester vigilants et maîtriser leur conseil syndical et leur syndic.

AJDI avril 2014 p.288 et 289

Propriété intellectuelle 

CJUE 4ème ch. 27 mars 2014, question préjudicielle : affaire C-314/12 

L’éternel débat entre droit d’auteur et liberté d’entreprendre 

Si cette affaire concerne le cinéma, elle n’en est pas moins transposable en architecture et urbain, surtout depuis que les projets et études sont de plus en plus transmis par les routes de l’informatique.
Dans cette espèce soumise à la Haute Cour Européenne, des films, qui appartenaient à deux sociétés de production, sont mis à disposition, sans autorisation des producteurs, en « streaming » et en téléchargement sur un site internet. Le fournisseur d’accès à internet (FAI), devant les magistrats du premier degré, se voit enjoint de bloquer son site. En appel, les magistrats du second degré estiment qu’il appartient au FAI de prendre les mesures de blocage appropriées.
La Cour de Justice de l’Union Européenne est saisie (comme il est conseillé de le faire après analyse de la situation) d’une question préjudicielle relative à la directive européenne du 22 mai 2011 qui en son article 8 établit que :

« Les Etats membres veillent à ce que les titulaires des droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. » 

Ce dispositif a été transposé en France à travers l’article L. 336-2 du CPI.
Mais ce qui est intéressant, c’est la réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne préconisant un juste équilibre entre droit d’auteur et liberté d’entreprise.

Note Philippe Allaeys, avocat associé cabinet Twelve ; Rec. Dalloz 10 avril 2014 p. 823

Droit de l’urbanisme et de l’aménagement urbain 

Cass. civ. 3ème ch. 3 juillet 2013 : Commune de Biarritz / Syndicat des copropriétaires de la Maison Basque, note Nicolas Rudulier

Autorisation d’occupation du domaine public :

La guerre d’appropriation du domaine public par les particuliers ou les commerçants s’apparente à une guerre des tranchées qui se déploie de la cave au grenier en passant par les trottoirs.
Dans cette espèce particulière, la copropriété avait été autorisée par un arrêté de 1926 à édifier une passerelle surplombant une ruelle pour relier le bâtiment à une avenue. Injonction lui est faite de remettre la passerelle aux normes.

La Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel, estimant que « l’autorisation d’occupation devenue caduque, ne pouvait s’interpréter comme un titre de propriété constitutif d’un droit de superficie au profit du syndicat. »

La leçon, pour les constructeurs et notamment pour les architectes, qui certes ne sont pas des juristes, mais doivent mettre en garde leurs clients maîtres d’ouvrages en vertu de leur devoir de conseil, est de les inviter à demander le déclassement en vertu de l’article L.2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.

Dans ce cas, soumis aux juridictions judiciaires, la copropriété aurait pu sortir l’espace au-dessus de la ruelle du domaine public.
A noter, pour approfondir cette délicate question des droits de superficie, de division en volume, la thèse de Nicolas le Rudulier de 2010 sur la « division en volumes ».

AJDI mai 2014 ; Nicolas le Rudulier : « Preuves de la propriété du dessus » 

Marchés publics 

CAA Paris 3 avril 2014 Association « la Justice dans la Cité » note Diane Poupeau 

De l’art de justifier la procédure des marchés globaux dits PPP à propos de l’affaire du futur Palais de Justice de la ZAC de Clichy Batignolles : 

L’opération « Nouveau Palais de Justice de Paris » accouche dans la douleur. Après l’opposition farouche d’un très grand nombre de magistrats et d’avocats parisiens, l’Etablissement Public du Palais de Justice de Paris (EPPJP) a dû suspendre l’opération, suite à une série de recours engagés par plusieurs associations dont l’Association « la Justice dans la Cité ». Le maître d’ouvrage restait confiant, après la décision du Tribunal Administratif de Paris qui avait rejeté la demande en annulation des requérants, mais suspendu à celle que devait prendre la Cour d’appel administrative de Paris. Soulagement, puisque, le 3 avril 2014, les magistrats d’appel confirment le jugement du Tribunal Administratif. La question récurrente en matière de Partenariat Public Privé (PPP) est celle de la justification de ce mode opératoire, depuis les restrictions qui ont été faites tant au niveau du Conseil Constitutionnel que du Conseil d’Etat. Les défendeurs du système du marché global plaident pour une plus grande rapidité, une meilleure cohérence entre financements, entreprises, architectes et bureaux d’études. Les détracteurs soulignent que ce système est un mirage, laissant croire que les établissements publics n’auront rien à dépenser pour engager l’opération ou beaucoup moins. Mais le coût final de l’opération pourra être colossal, allant parfois jusqu’à être multiplié par dix ! En outre le maître d’ouvrage perd toute maîtrise de l’opération. Quant aux architectes, ils ont été, il y a quelques années, jusqu’à défiler dans la rue avec les PME, faisant valoir que le projet architectural devenait, dans un contexte purement privé, la dernière roue du carrosse. L’argumentaire retenu par les juridictions administratives, à l’occasion de cette chaude affaire, tient en trois parties :

1. La dispersion géographique des services du Tribunal de Grande Instance sur neuf sites et la vétusté du Palais de Justice actuel ne permettent pas un fonctionnement normal du service public et même commence à poser un sérieux problème de sécurité des personnes

2. Il y a « urgence à mettre fin à une situation particulièrement grave et préjudiciable à l’intérêt général… »

3. Le montage est justifié par une « particulière complexité ».

Le groupement d’entreprises porté par l’entreprise Bouygues voit donc son marché consolidé. Un questionnement juridique : s’agit-il d’un véritable marché global se rapprochant des PFI anglais ? La réponse est énigmatique lorsque l’on sait l’attachement profond du responsable de la maîtrise d’ouvrage pour le service public. On imagine les contraintes qu’il a dues imposer aux entreprises pour garder la maîtrise de l’ouvrage dans le marché, laissant loisir aux entreprises de sacrifier la qualité architecturale de ce bâtiment public. Espérons que la lumière de Pierre Riboulet et la mémoire de l’hôpital Debré l’emportent sur une approche purement économique et financière pour autant légitime… Ce serait justice !

CE 4 avril 2014 ; Département du Tarn et Garonne 

Ouverture et fermeture des voies de recours à tous les tiers lésés : 

L’ouverture, c’est la possibilité, désormais, donner à tous les tiers, justifiant d’un dommage, de mettre en cause un marché public ou un contrat administratif. Le fameux arrêt Tropic (CE 16 juillet 2007 : Société Tropic travaux signalisations) n’ouvrait jusqu’à lors cette possibilité qu’aux candidats évincés.

La fermeture

Le magistrat doit rechercher :

1. Si l’irrégularité constatée avait été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la délibération.
Ou de priver d’une garantie les personnes publiques susceptibles d’être concernées par l’indication des procédures de recours contentieux.
En l’espèce, il n’y avait pas la mention obligatoire des voies de recours possibles dans l’appel d’offre en cas de contestation. Mais, le Conseil d’Etat, considérant que ce dispositif ne concerne pas les personnes publiques, sanctionne la Cour d’appel de Bordeaux qui avait retenu cet argument.

2. Si le demandeur subit un dommage du fait d’un tel manquement.
La requête ayant été portée par un élu, le Conseil d’Etat sanctionne une seconde fois la Cour d’appel.

3. Si le dépassement du délai de remise des offres est un vice substantiel.
Or le dépassement d’un jour pour la remise des offres prévue 52 jours d’après n’est pas suffisante à ce que ce dépassement soit considéré comme un « vice substantiel » estime le Conseil d’Etat qui frappe une troisième fois la Cour d’appel.

La leçon à retenir, pour tous ceux qui n’étant pas candidats à un marché public seraient tenter d’engager un recours est simple : ils peuvent le faire, mais la porte est étroite.

Jérôme Michon : « Extension des voies de recours » La Gazette 21 avril 2014 p. 54 et s. 

Simplification : choc ou flop ? 

Qui n’aspire à une simplification de toutes les procédures administratives, qu’elles touchent le droit de l’urbanisme ou celui des marchés publics ? Mais qui est donc responsable de cette complexité ? Bruxelles bien sûr, avec ses monstrueuses normes, ses directives illisibles, cette technomanie insupportable… Et pourtant, divine surprise, comme le soulignent François Llorens et Pierre Soler-Couteaux, c’est la décriée Commission de l’Union Européenne qui soufflerait le vent d’une réforme inattendue et inciterait des pays de l’Union à simplifier les procédures de la commande publique !
La France a entendu le message, mieux elle l’aurait anticipé :
– en remettant de l’ordre dans les PPP, les baux emphytéotiques, les autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public, et l’ordonnance du 6 juin 2005 concernant les mesures de publicité pour les entreprises non soumises au CMP
– en rendant plus accessibles les PME aux marchés publics.

S’agit-il d’un véritable choc ou d’un effet d’annonce qui va faire flop ?
Ne désespérons pas, les textes apparaissent plus lisibles et plus sensés. C’est déjà un progrès pour éviter les contentieux, mais le droit fut-il communautaire, n’a pas le pouvoir de simplifier la complexité des rapports économiques et sociaux.

François Llorens et Pierre Soler-Couteaux : « Le choc de simplification et la commande publique » Revue Contrats et Marchés publics avril 2014 p. 2 et s.

CAA Paris 18 mars 2014 Société Axcess / Ecole du Louvre 

Toujours plus de souplesse ? 

La commande publique est basée sur deux grands principes : celui du moins disant (ou du mieux disant) et celui de la négociation. On était en droit d’attendre, avec cette procédure adaptée, que les candidats soient soumis à la rude épreuve de la négociation. C’est ce que pensait la société Axcess qui engageait un recours pour voir annuler le marché souscrit par l’Ecole du Louvre et demander une indemnité.Elle fut déboutée par le Tribunal Administratif de Paris dont le jugement fut confirmé par la Cour Administrative d’Appel de Paris. Elle reproche à l’acheteur public d’avoir indiqué dans le règlement de la consultation qu’ « il se réservait la possibilité de négocier » or il n’y eut pas de négociation, l’Ecole du Louvre ayant été satisfaite par l’offre d’un des candidats, la société Alzane. On peut s’interroger sur la qualité de l’appréciation du décideur public au regard des critères figurant dans le dossier de consultation. Le critère du prix était le plus important, on aurait pu avoir quelques suspicions. Mais il en est rien apparemment, car le choix s’est opéré sur le mémoire technique jugé plus précis au regard de la réponse de la société Alzane notamment quant à son planning.

Mais, en tout état de cause, la requérante, ayant été classée cinquième, ne pouvait arguer d’une perte de chance.

Aussi, même si cette espèce semble laisser une plus grande souplesse au pouvoir adjudicateur, les conditions restent parfaitement encadrées et on ne peut en déduire que les acheteurs publics, peuvent, par principe, accepter une offre sans négocier.

CAA Lyon 2 janvier 2014, Conseil Régional de l’Ordre des Architectes d’Auvergne et Bouesnard 

Plongeon dans la complexité et plongeon de la complexité

Les philosophes et sociologues de l’urbain nous ont appris que la société dans laquelle nous vivons est un nœud de complexité bien difficile à défaire. Les juristes du droit public se sont emparés avec délectation du concept. Dans le domaine de l’urbanisme Valérie Pierra (la complexité et la taille des missions comme facteur de motivation ; La Gazette 3 juillet 2013 p.72 et s.) nous ouvre la porte dans laquelle se sont engouffrés doctrine et jurisprudence des marchés publics. Ainsi pour le dialogue compétitif un arrêt du Conseil d’Etat (CE 11 mars 2013 Assemblée des chambres françaises de Commerce et d’industrie / Mutuelle du personnel de la Chambre ; Moniteur des travaux publics 19 juillet 2013 p.34) nous invite à découvrir les nombreuses hypothèses que revêtent ce type de procédure. Les tribunaux restent vigilants et n’hésitent pas à rejeter le dialogue compétitif s’ils estiment que l’opération visée n’est pas complexe (TA Paris 29 novembre 2012, note Willy Zimmer ; Contrats et marchés publics avril 2013 p. 17 et s.).
Mais c’est avec les contrats globaux ou contrats de partenariat ou PPP que le Conseil Constitutionnel suivi par le Conseil d’Etat vont tenter de mettre le hola à la déferlante doctrinale qui voulait tout « pépéiser » !

L’arrêt de la Cour administrative de Lyon est un arrêt de bon sens. Ce n’est pas parce qu’elle doit être chauffée par un nouveau réseau de distribution de chaleur, qu’une piscine municipale est un projet complexe. La délibération ayant autorisé la conclusion du contrat global est donc annulée, mais le Conseil d’Etat ne s’en tient pas là. Il rappelle les pouvoirs du juge de l’exécution et, estimant l’irrégularité d’une particulière gravité, juge que le marché n’est pas régularisable. Adieu piscine en PPP. Bravo le CROA d’Auvergne ! Mais, comme le relève justement Gabriel Eckert, l’originalité de l’arrêt réside d’abord dans « l’intérêt à agir » accordé au Conseil Régional d’Auvergne. Le Conseil d’Etat considère en effet « qu’il résulte de ces dispositions que la passation d’un contrat de partenariat, qui modifie les conditions d’exercice de la fonction de maître d’œuvre, ne peut intervenir que dans des circonstances particulières définies par la loi ; que, dès lors, si ces circonstances ne sont pas établies, une telle passion est de nature à affecter les droits conférés aux architectes lorsque leur intervention est requise en application des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 susvisée ; que, par suite, l’ordre régional justifie d’un intérêt à agir contre les actes en litige. ». Le Conseil des Ordres Régionaux des Architectes ont désormais une base jurisprudentielle sérieuse pour s’opposer non plus à tous les PPP mais du moins à tous ceux qui ne portent pas un projet complexe. Le second intérêt de cet arrêt est le rejet des arguments développés par la Commune : exigences spécifiques aux équipements actuels, règlementation stricte, importante et en évolution (allusion à la loi MOP tant décriée par les tenants des PPP) aux préoccupations du développement durable et à la recherche de performance de l’ouvrage (second coup de butoir avec l’alibi du droit de l’environnement) , importance des investissements de la Commune (qui ne pourrait s’offrir une si belle piscine, comme si elle ne payait pas souvent dix fois plus cher en fin de course…). Les arguments concernant la maîtrise du projet et l’incohérence programmatique du Maître d’ouvrage l’ont emporté.

Pour autant cette belle bataille n’annonce pas la fin de la guerre des PPP et les requérants, pour les faire tomber, devront toujours faire une analyse sérieuse avant de s’engager dans une telle procédure dont les résultats restent aléatoires.

Contrats et Marchés Publics, mars 2014 Note Gabriel Eckert

TA Strasbourg ordonnance du 13 janvier 2012 et 5 novembre 2013, Association « des piscines pour tous » 

Une association trop zélée ? 

Encore une histoire de piscine mais sur l’intérêt à agir des associations.

La jurisprudence traduit la passion des maires pour faire réaliser des piscines dans leurs communes et celle des associations de défense pour engager des recours contre leurs décisions.
Encore faut-il que soit reconnu leur intérêt pour agir qui a été limité par la loi ENL du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. La règle est désormais que les associations ne peuvent engager un recours qu’après la date de leur agrément.

En l’espèce l’Association « des piscines pour tous » a voulu trop bien faire. Elle avait parfaitement déposée ses statuts dans les délais requis et leur objet était suffisamment large pour tenter un recours. Mais mal lui prit de vouloir les modifier postérieurement à l’affichage en mairie à la demande du pétitionnaire ! Elle fut déboutée !
Le Professeur Soler-Couteaux reste dubitatif et se demande (comme nous) si le tribunal n’aurait pas pu se poser « la question de savoir si les statuts de la requérante, tels qu’ils étaient rédigés à l’origine, n’étaient pas de nature à lui donner intérêt à agir et, le cas échéant, indiquer expressément pourquoi ils ne l’étaient pas. »

CE 6 novembre 2013, Région d’Auvergne : l’affaire du Vulcania 

Le Volcan lave le DGD de tout recours : la maîtrise d’œuvre en ébullition ?

Près de cinq millions d’euros ont été réclamés par le Conseil Régional d’Auvergne qui avait été gouverné par le Président Giscard d’Estaing à la maîtrise d’œuvre dont le mandataire commun était le célèbre architecte Hans Hollein, très récemment décédé.

Cette réclamation faisait suite à l’effondrement d’une des salles du Vulcania.
Devant les juges du premier degré seule la maîtrise d’œuvre est condamnée mais pour près d’un million d’euros. La mutuelle des architectes français, l’ensemble des assureurs et les cotraitants du groupement de maîtrise d’œuvre auraient pu être en ébullition. Mais leurs arguments furent entendu en appel par le Conseil d’Etat qui infirma la décision des premiers juges sur quelques principes qui renforcent le caractère central que revêt le décompte général définit pour toutes opérations immobilières soumises aux marchés publics.

1. Le principe d’unicité et d’invisibilité 

Comme l’a souligné le rapporteur public François Bourrachot :

« L’unicité et l’indivisibilité du décompte sont bien plus que des stipulations contractuelles. Le Conseil d’Etat en a fait de véritables principes du droit des marchés publics qu’il retient même sans se référer au cahier des clauses administratives générales. »

Tout doit figurer dans le DGD, l’avant et l’après réception et les problèmes de chantier, ce qui englobe aussi les conséquences financières prévisibles et éventuelles des dommages subis.

2. Le principe d’intangibilité 

Un DGD ne peut être modifié et selon l’arrêt du Conseil d’Etat « la maîtrise d’ouvrage ne peut réclamer au titulaire des sommes dont il n’a pas fait état dans le décompte ».

Arnaud Gallard dans sa note commentant cet arrêt insiste justement sur l’étendue et les limites du devoir ou de l’obligation de conseil du maître d’œuvre.
Il y a notamment, si un des cocontractants du groupement de maîtrise d’œuvre est chargé de la rédaction du décompte, de la lourde responsabilité qui en découle s’il a omis des éléments essentiels qui portent préjudice au maître d’ouvrage.

Revue Droit Immobilier, mars 2014 Note Arnaud Gallard p.164 et s.