Michel HUET 

Marchés publics 

CE 5 mars 2014, Société Eiffage TP c/ région Réunion : 

Dans la course que se livrent les maîtres d’ouvrages aux fins de valider leur contrat et les candidats évincés qui veulent suspendre ou annuler un marché qu’ils jugent illégal, il y a un virage qu’il ne faut pas manquer, c’est celui de la notification de la saisine du juge du référé précontractuel par le demandeur au défendeur. C’est faute d’y avoir songé que le Conseil d’Etat punit le doux rêveur qui ne pense pas au défendeur, trace sans doute d’un léger penchant du droit public à ne pas avoir les réflexes du droit civil quant à la communication de pièces et parfois le respect du principe du contradictoire.

Droit de l’architecture 

De l’action directe contre l’assureur de l’architecte 

Cass civ 3ème ch 18 décembre 2013, note Corinne Bléry : un an de contentieux des assurances (mars 2013-mars 2014) Revue Procédure avril 2014 p.7 et s.

Le maître d’ouvrage est-il obligé de passer par l’Ordre des architectes pour assigner l’assureur de l’Architecte ?
La réponse à la question est double selon la Cour de Cassation. Oui pour la mise en cause de la responsabilité de l’architecte si le contrat le prévoit. Non s’il s’agit de la mise en cause de l’assureur car l’action directe vis-à-vis de la MAF, en l’occurrence, ne nécessite pas le passage par l’Ordre des architectes, nonobstant les dispositions contractuelles.

Des bienfaits et des méfaits des contrats types pour la sous-traitance 

Dans un excellent article (RDImmobilier avril 2014 p.194 et s.), Séverin Abbatucci, le directeur des affaires juridiques et fiscales de la Fédération française du Bâtiment (FFB), à propos de l’édition 2014 du « contrat type de sous-traitance du BTP » souligne les bienfaits de ce contrat type :

– Palier aux carences des contrats de sous-traitance élaborés par les entreprises
– Assurer une forme de promotion du droit
– Donner un caractère officiel du fait de la recommandation des pouvoirs publics.

L’auteur reconnait néanmoins que ce document n’a pas de réelle valeur normative et fait appel au droit souple émanant d’une étude du Conseil d’Etat de 2013 permettant de modifier ou d’orienter les comportements.
Cet appel généralisé au droit souple soulève quelques réserves et relève justement les méfaits d’un emploi systématique et non raisonné des contrats types. En effet, par essence, toute opération est spécifique : le contexte, les acteurs, les montages sont différents. Vouloir faire rentrer de force la réalité diversifiée des opérations dans un contrat type abstrait risque de ne pas répondre aux vrais rapports entre les maîtres d’ouvrage et les entreprises de sous-traitance.
Pour notre compte, nous préférons la construction de contrats spécifiques pour chaque opération. Cela n’exclut pas de s’inspirer des contrats types existants, mais lorsqu’ils émanent d’un ordre ou d’une profession comme celle d’entrepreneur, il n’est pas certain que les intérêts légitimes des maîtres d’ouvrage soient totalement respectés. Nous aurions préféré un guide pratique certes avec des exemples de clauses commentées, ne serait-ce que dans un souci pédagogique, pour inciter les entrepreneurs à prendre la plume et maîtriser leurs contraintes.

Propriété Intellectuelle 

Divergences sur la notion d’originalité d’une œuvre architecturale ou Attention, les crocodiles sont dans la serre ! : 

Cass civ 1ère ch 22 janvier 2014 RLDI 3378 Droit de l’immatériel

Dans le marigot du droit d’auteur, sont engloutis les grandes heures de la présomption d’originalité en matière de protection de l’œuvre architecturale.

En l’espèce, il s’agissait de savoir si la serre aux crocodiles, au cœur d’un complexe architectural inscrit dans un marché « conception-réalisation », avait ou non été l’objet d’une contrefaçon, du fait de sa reproduction sur une brochure et sur un site internet.
De ce fait se posait inéluctablement le problème de l’originalité de l’œuvre.

La Cour d’Appel condamne le contrefacteur à 80 000 € estimant que la forme du bâtiment était incontestablement originale. Mais elle décrit, certes avec précision, en quoi la forme est originale, sans toutefois écrire la petite phrase magique qui a fait réagir le Cour de Cassation lui reprochant de n’avoir pas recherché si cette forme « portait l’empreinte de la personnalité de l’auteur. »

Le caractère nouveau des matériaux choisis par l’architecte ne suffit pas à démontrer l’originalité de l’œuvre. C’est exact. Que l’assemblage d’éléments organisés selon un agencement particulier doive traduire un parti esthétique, c’est étrange, lorsque l’on sait que le Beau est exclu du champ de la loi, même si la Haute Cour énonce que le parti esthétique doit refléter la personnalité de l’auteur.

Cela nécessite une immense rigueur pour les avocats lorsqu’ils rédigent leurs requêtes et une certitude : le résultat d’un contentieux en droit d’auteur sur l’architecture n’est pas certain !

Droits patrimoniaux sur un logiciel de bases de données : 

CE 22 mai 2013 Dendier conclusions Gaële Dumortier rapporteur public Revue Juridique de l’Economie Publique avril 2014 p.26 et s. 

L’ingénieur du CNRS qui a conçu le moteur de recherche Stella pour l’information du dictionnaire « Trésor de la langue française », commercialisé par le CNRS a droit à une prime d’intéressement.