Michel HUET
En collaboration avec Lucie ROBERT 

N.B. : Pour un complément d’analyse de brèves du Droit de l’urbanisme, rejoignez cadredeville.com et consultez l’onglet « pratique juridique »

URBANISME

• La popularisation du PLU intercommunal (PLUI) depuis la Loi « ALUR » 

A l’origine, la Loi « ALUR » entendait rendre le PLUI de principe sauf opposition de 25% des communes représentant 20ù de la population. En réalité, elle a rendu ce sujet sensible récurrent pour les élus soucieux de conserver la maîtrise de leur territoire. Dans la continuité, la Loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a prévu des mesures, et surtout des délais, afin d’inciter les communes à faire le saut vers le PLUI.

Cependant, malgré l’ambition gouvernementale de moderniser les documents d’urbanisme, le risque de contentieux inquiète. Si un PLUI est annulé, c’est tout le territoire intercommunal qui est bloqué. A tel point que certains élus préfèrent d’abord établir un PLU puis un PLUI, afin d’avoir une solution de rechange en cas d’annulation du second. Cependant, face à cette critique, il faut rappeler que désormais le juge administratif a de nombreux moyens pour éviter l’annulation totale du document.

Source : Le PLUI à un tournant, de D. Gerbeau et S. Brouillet, La Gazette, 6 avril 2015

• L’avis de l’ABF dans une opération de démolition-reconstruction 

Conseil d’Etat, 16 mars 2015, n°380498 

La cour d’appel annule l’avis de l’ABF au motif que ce dernier ne pouvait être regardé comme s’étant prononcé sur le volet démolition (seul le volet construction était expressément mentionné). Le Conseil d’Etat infirme ce raisonnement car « lorsque la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et sur la construction et que les documents qui y sont joints présentent de manière complète les deux volets de l’opération, l’avis de l’ABF […] doit être regardé comme portant sur l’ensemble de l’opération projetée, sans qu’il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition ».

Finalement, la haute juridiction administrative consacre une présomption d’examen complet par l’ABF d’un dossier de permis de construire impliquant une démolition préalable.

Source : De l’art de faire d’une pierre deux coups en matière d’avis de l’ABF, veille par Aurélie Virot-Landais

• Les nouveautés Loi ALUR : l’habitat participatif

En France, l’idée que le bonheur passe nécessairement par la propriété est illustrée par une propriété strictement individualiste. Le législateur a l’intention d’effacer cette logique au profit d’une autre, de partage et de solidarité visant à mutualiser un projet et des espaces communs : l’habitat participatif émanant d’une démarche volontaire des particuliers.

La Loi ALUR a matérialisé cet habitat participatif à l’article L.200-1 et suivants du CCH autour de deux types de sociétés : les sociétés coopératives d’habitants et les sociétés d’attribution et d’autopromotion. Concernant plus particulièrement les sociétés d’autopromotion, leur esprit consiste à offrir certaines prestations aux membres et contrôler les acquéreurs et les locataires qui doivent signer la charte de l’immeuble (les sanctions du non respect de celle-ci ne sont pas précisées par la Loi). Cependant, aux antipodes de l’habitat participatif, les espaces communs sont présentés comme facultatifs.

Un « atout » de cette société est aussi source d’une immense insécurité juridique : il s’agit de faciliter les opérations de construction sans passer par le contrat de promotion immobilière (source de sécurité juridique instaurée par le législateur dans la société d’attribution). Ainsi, pour faciliter le financement, la société peut se porter soit caution solidaire, soit caution hypothécaire des associés pour garantir les emprunts ou les acquisitions de parts ou pour faire face aux appels de fonds. Ces garanties seront en partie illusoires notamment pour les projets de groupes ne disposant pas ou de peu d’apport, le patrimoine initial de la société étant dans ce cas faible.

Sources : Les nouvelles sociétés de construction, Mélanie Painchaux, RDI 2014 p.282

• Une illégalité peut en entraîner une autre 

Conseil d’Etat, 20 mars 2015, n°371895

Au regard des faits, par un premier arrêté, le préfet a déclaré un immeuble insalubre à titre irrémédiable, après l’avis contesté d’une commission. Par un second arrêté, il déclare d’utilité publique le projet d’acquisition de cet immeuble et en a prononcé la cessibilité. La cour d’appel a annulé le jugement du tribunal et, par conséquent, l’arrêté du préfet portant sur la déclaration d’utilité publique (DUP) de l’acquisition de l’immeuble. Elle estime que l’avis ne comportait pas toutes les indications exigées et, par son appréciation souveraine, elle affirme qu’il y avait des moyens de mettre fin à l’insalubrité, ainsi elle n’était pas irrémédiable.

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la cour d’appel et souligne que « la requérante était recevable à exciper de son illégalité à l’appui d’un recours contre l’arrêté de déclaration d’utilité publique d’acquisition de l’immeuble et prononçant sa cessibilité » . Le Conseil d’Etat justifie cette décision par le fait que l’ensemble des arrêtés , et le but de réaliser de nouvelles constructions, constitue une « opération complexe ». 

Source : Rapports complexes entre DUP et insalubrité, Veille par Lucienne Erstein, Lexis Nexis

• Précisions sur le droit réel de jouissance spéciale 

Cour de Cassation , 3e Civ. 28 janvier 2015, n°14-10.013, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble 11 rue de la Halle aux Toiles c/ ERDF

Les juges de cassation affirment deux principes : la reconnaissance de droits réels de jouissance spéciale (postulat né de la jurisprudence La Maison de poésie du 31 octobre 2012, résultant des articles 544 et 1134 du Code Civil) et celle du caractère non perpétuel de ces droits.

La reconnaissance de droit réel de jouissance spéciale, illustration de la souplesse du droit de propriété, permet au propriétaire d’un bien de le valoriser en en attribuant, moyennant un certain prix, une jouissance particulière et au bénéficiaire de celle-ci d’en tirer profit. Ce type de droit réel peut avoir pour objet toute sorte d’utilisation ou d’exploitation de meubles ou immeubles. Reste à savoir si ces démembrements de la propriété peuvent être perpétuels ou s’ils sont nécessairement temporaires.

La privation de jouissance du propriétaire fonde le caractère temporaire des droits réels de jouissance. Ainsi en atteste la décision de la Cour de Cassation, contrairement à la Cour d’appel, en arguant que le droit réel de jouissance spéciale d’un bien « s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du Code Civil ». Autrement dit, il ne dure que 30 ans, comme l’usufruit accordé à une personne morale.

Ainsi, elle affirme implicitement qu’une stipulation de perpétuité serait nulle. Cependant, cet arrêt reste critiquable puisque la Haute Juridiction laisse une latitude aux parties pour définir elles mêmes le terme de leur droit réel de jouissance spéciale. Donc, en l’absence de texte fixant une durée maximale, les parties pourraient convenir que leur droit réel de jouissance spéciale soit héréditaire, stipulé pour une durée anormalement longue ou même pour la durée de vie d’une personne morale (cf arrêt La Maison de Poésie) qui peut présenter une vocation à la perpétuité.

En définitive, au fond, la Cour de cassation a justement fermé la porte de la perpétuité de droit, mais elle a curieusement laissé ouverte celle qui peut s’apparenter à une perpétuité de fait.

Source : RDI 2015, p.175, Le « droit réel de jouissance spéciale » ne peut pas être perpétuel, par Jean-Louis Bergel, Professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille. 

• L’erreur matérielle vue par le Conseil d’Etat

Conseil d’Etat du 27 mars 2015, n°386887

Au niveau de la procédure, les requérants ont formé un recours en rectification d’erreur matérielle contre le refus du Conseil d’Etat d’admettre leur pourvoi. En l’espèce, ils avaient soulevé, dans un mémoire additionnel, un moyen tiré de la méconnaissance de certaines dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Or, ce moyen n’avait pas préalablement été soulevé devant la Cour d’appel administrative.

La Haute juridiction estime « que l’omission de répondre à un moyen constitue en principe, […], une erreur matérielle susceptible d’être rectifiée par la voie du recours prévu à l’article R833-1 du code de justice administrative ; que toutefois, dans le cas où le moyen oublié est inopérant, l’omission d’y répondre ne peut avoir exercé d’influence sur le jugement de l’affaire et ne saurait, par suite, être corrigée par la voie du recours en rectification d’erreur matérielle ». 

Ainsi, l’omission d’y répondre et de ne pas se prononcer sur le caractère sérieux du moyen inopérant n’a pas exercé d’influence sur la décision.

Source : AJDA 2015, p. 667, Précisions sur la notion d’erreur matérielle, par Carine Biget

• La régularisation d’une construction après transformation

Conseil d’Etat 1er et 6e sous sect., 16 mars 2015, n°369553, Epoux B. 

La Haute juridiction administrative, dans la lignée jurisprudentielle, affirme qu’il appartient au propriétaire, envisageant de nouveaux travaux, de déposer une nouvelle demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction. Il en va ainsi même lorsque les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisé sans autorisation. L’autorité administrative statuera sur la nouvelle demande d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision. En outre, si l’ensemble des éléments de la construction ne peuvent être autorisés au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la nouvelle demande, l’autorité administrative peut autoriser, parmi les travaux demandés (et sous conditions), ceux nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes.

En définitive, malgré les possibilités de régularisation, le maire était en l’espèce tenu de refuser le permis, au motif qu’il incombait aux requérants de présenter une demande portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu pour effet de transformer le bâtiment tel qu’il avait été autorisé par le permis de construire initial.

Source : Gazette du Palais, 2 avril 2015, n°92, p.30, Construction ayant fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises : régularisation

• Comment s’applique l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme ? 

Cour d’appel administrative de Marseille, 4 février 2015, n°13MA03801

La cour a rendu un arrêt affirmant que l’application de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme, au motif qu’elle n’est pas écartée par le document d’urbanisme, permet de détacher 10 terrains à bâtir, pourvu que la superficie minimale requise soit respectée, mais seulement en ce qui concerne le terrain loti et non les lots issus du lotissement.

Il semble que les juges se réservent la faculté de décider si la dérogation résultant du texte s’applique ou non en fonction de l’équilibre de tout le règlement de la zone. Ainsi, la finalité de la règle, écartée par l’effet du texte, gouvernerait l’application de ce dernier, ou au contraire, conduirait à ne pas lui donner d’effet.

Source : Construction –Urbanisme n°4, avril 2015, comm.48, Comment s’applique l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme ?, commentaire par Patrice Cornille

• Les vices de la DIA et la légalité de la préemption

Conseil d’Etat, 12 février 2014, n°361741, Société Ham Investissement

En l’espèce, une commune a exercé son droit de préemption puis a refusé de signer l’acte authentique constatant le transfert de propriété. Dès lors, le vendeur l’a assigné devant le juge judiciaire pour qu’il constate la vente par la voie juridictionnelle. Dans ce cadre, le juge administratif a été saisi d’une question préjudicielle portant sur la validité de la préemption.

Ce dernier indique que les informations figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner (le prix, les conditions de l’aliénation, la consistance du bien cédé) peuvent être prises en considération pour apprécier la validité de la vente. Ainsi, il n’est pas exclu que le juge judiciaire, même en présence d’une décision légale, ne constate pas la vente si, par exemple, les erreurs contenues dans la déclaration affectent le consentement de la collectivité publique.

Finalement, le juge rappelle que ces erreurs substantielles ou le caractère incomplet du formulaire de DIA n’altèrent pas la décision de préemption, en revanche cela justifie une prorogation du délai.

Source : La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales n°9, mars 2014, act. 210, Les vices de la DIA et la légalité de la préemption, veille par Lucienne Erstein. 

• Le bénéfice d’adaptations mineures dans un permis de construire 

Conseil d’Etat, 11 février 2015, n°367414, Commune Gretz-Armainvilliers

Le Conseil d’Etat admet clairement que, même si le pétitionnaire n’a pas fait la demande expresse de bénéficier d’une ou plusieurs adaptations mineures dans son dossier de demande, il appartient à l’autorité compétente, à sa seule initiative, d’instruire le projet en prenant elle-même en considération la faculté de les accorder. Désormais, l’administration est en quelque sorte en situation de compétence liée de devoir rechercher si une adaptation peut justifier de ne pas refuser l’autorisation demandée. Toutefois, si l’autorité doit prendre l’initiative d’instruire afin de découvrir la possibilité d’une adaptation mineure, elle doit la motiver expressément en fonction des critères fondamentaux : il doit s’agir d’adaptations mineures, strictement énumérées par la loi et rendues nécessaires par certaines particularités du projet.

Source : On doit pouvoir bénéficier d’adaptations mineures, même sans les demander !, commentaire par Patrice Cornille, revue construction-urbanisme n°4, avril 2015. 

• L’illégalité purgée par un permis modificatif 

Conseil d’Etat, 30 mars 2015, n°369431, Société Eole-Res

En l’espèce, le juge est informé qu’un permis de construire modificatif est intervenu, postérieurement à la clôture de l’instruction, pour régulariser le permis initial entaché d’illégalité. En outre, il comporte avis requis du ministre de l’aviation civile, mais signé d’une personne n’ayant pas reçu délégation régulière. Le permis modificatif corrige l’anomalie en étant précédé d’un avis régulièrement signé.

Le Conseil d’Etat juge que, s’il est produit après la clôture de l’instruction du recours formé contre le permis initial, le permis modificatif régularisant l’illégalité dont ce dernier est entaché contraint le juge à rouvrir l’instruction. Au regard des éléments nouveaux intervenus postérieurement, il estime qu’ils étaient susceptibles d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, ainsi « en s’abstenant d’en tenir compte et de rouvrir en conséquence l’instruction, la cour a statué au terme d’une procédure irrégulière ». 

Source : Un permis in extremis, veille par Lucienne Erstein, La semaine juridique administrations et collectivités territoriales n°15, 13 avril 2015

• Précisions sur la demande de pièces complémentaires à une dossier d’autorisation d’urbanisme 

Conseil d’Etat, 8 avril 2015, n°365804

La haute juridiction précise « qu’une demande de pièces complémentaires faisant naître une décision tacite de refus en l’absence de production de pièces demandées constitue une décision faisant grief ». Ainsi, la demande de pièces complémentaires par l’autorité instruisant une demande d’autorisation d’urbanisme est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

En outre, le Conseil d’Etat affirme que « lorsqu’une décision de demande de pièces complémentaires a été annulée par le juge de l’excès de pouvoir, cette annulation contentieuse ne rend pas le demandeur titulaire d’une décision implicite de non opposition ».Autrement dit, l’annulation de la demande de pièces complémentaires ne rend pas le pétitionnaire titulaire d’une autorisation tacite

Toutefois, l’arrêt énonce que « le pétitionnaire peut confirmer sa demande auprès de l’autorité compétente sans avoir à reprendre l’ensemble des formalités exigées lors de l’instruction de la demande initiale ». Dès lors, l’autorité compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de cette confirmation pour se prononcer sur la demande et, le cas échéant, retirer la décision tacite d’opposition.

Source : Contentieux relatif aux pièces complémentaires à un dossier d’autorisation d’urbanisme, AJDA n°13/2015 du 20 avril 2015, p.719

• Annulation d’un permis de construire et étude d’impact 

Conseil d’Etat, 25 février 2015, n°367335, Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines
L’objet du permis de construire est de vérifier la conformité du projet immobilier à toutes les dispositions législatives et règlementaires régissant l’utilisation des sols, l’implantation et la destination des constructions etc. En l’espèce, le juge d’appel a annulé le permis de construire pour absence d’étude d’impact, sans vérifier au préalable que les travaux de modernisation étaient bien inclus, par le code de l’environnement, dans le champ de cette formalité.

Or, une étude d’impact n’est pas systématiquement jointe au dossier de la demande de permis de construire. En effet, l’article R.431-16 du code de l’urbanisme, relatif à la composition du dossier, n’exige une étude d’impact que si elle est prévue par le code de l’environnement. Ainsi, en méconnaissant la portée de l’article R431-16, la cour d’appel a commis une erreur de droit.

Source : Article une étude d’impact, vraiment ? Veille par Lucienne Erstein, revue énergie environnement infrastructures n°4, avril 2015

DROIT DE LA CONSTRUCTION 

• Sous-traitant : les conditions restrictives de la police d’assurance s’appliquent 

Cour de Cassation, 3e Civ., 17 février 2015, n°14-13703
L’assureur du sous-traitant peut opposer les conditions restrictives de sa garantie ainsi que sa franchise contre l’assureur DO. La Cour de Cassation censure les juges du fond car ils n’avaient pas tenu compte des clauses de la police qui n’étendaient pas la couverture des désordres à la responsabilité délictuelle du sous-traitant à l’égard du maître d’ouvrage (dans les droits de qui l’assureur DO était subrogé).

En outre, la Cour rappelle que, s’agissant d’une assurance facultative, l’opposabilité de la franchise au tiers lésé, emporte le droit pour l’assureur de déduire son montant de l’indemnité versée. L’assureur DO, qui était aussi l’assureur de responsabilité du constructeur de la maison, aurait du vérifier que la police du sous-traitant comportait une garantie « tous fondements juridiques ».

Source : Article jurisprudence/marchés privés, par F.-X. ajaccio, A. Caston et R. Porte, Revue Le Moniteur, 24 avril 2015, p.97

RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS

• Le promoteur est garant des constructeurs 

Cour de Cassation, 3e Civ., 17 février 2015, n°13-18668
Un maître d’ouvrage confie à un promoteur le soin d’établir le projet d’aménagement et de faire réaliser clés en mains des restaurants situés à l’intérieur de centres commerciaux. Constatant des désordres après réception, le maître d’ouvrage recherche sans succès la responsabilité décennale de son cocontractant.

La Cour de Cassation affirme que le maître d’ouvrage peut exiger que le promoteur soit directement tenu au titre de la garantie décennale pesant sur le constructeur. Conformément à l’article 1831-1 du Code Civil, le promoteur est garant de l’exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître d’ouvrage. Dès lors, ce dernier, qui ne formait aucune demande contre les parties condamnées, pouvait prétendre obtenir la condamnation de son propre cocontractant, sachant qu’en l’espèce, l’assureur de l’entreprise responsable du dommage avait été mis hors de cause par les juges du fond. Ainsi est illustrée l’étendue des obligations (légale et contractuelle) du promoteur, qui répond des vices et non-conformité affectant l’ouvrage, à charge pour ce dernier de se retourner contre ses propres cocontractants.

Source : Article jurisprudence/marchés privés, par F.-X. ajaccio, A. Caston et R. Porte, Revue Le Moniteur, 24 avril 2015, p.97

• Un doute sur la cause du sinistre n’exonère pas le constructeur 

Cour de Cassation, 3e Civ., 27 janvier 2015, n°13-21945
Le fait de ne pouvoir démontrer l’imputabilité du désordre à l’un ou l’autre des constructeurs après avoir pourtant constaté que le dommage était bien survenu au cours du chantier sur lequel étaient intervenues ces sociétés, ne permettait pas d’écarter l’application de la garantie décennale. En effet, les constructeurs ne peuvent y échapper que s’ils prouvent une cause étrangère.

De même, le défaut d’imputabilité ne peut permettre d’éluder la responsabilité décennale que s’il est démontré de façon certaine, que le dommage est sans lien avec la participation effective des constructeurs aux travaux à l’issue desquels les désordres sont apparus.

Source : Article jurisprudence/marchés privés, par F.-X. ajaccio, A. Caston et R. Porte, Revue Le Moniteur, 24 avril 2015, p.97

MARCHES PUBLICS 

• La vigilance, face à une offre anormalement basse, est de mise 

L’article 55 du Code des marchés publics connait une actualité nouvelle dans un contexte de crise économique et de raréfaction de la commande et des finances publiques.

Les offres proposées à un prix notablement inférieur à l’enveloppe financière prévisionnelle, estimée par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de la définition de ses besoins, et aux offres des autres opérateurs doivent attirer l’attention des pouvoirs adjudicateurs et les amener à faire preuve de vigilance.

Source : Article Absence de complexité suffisante, par G. Eckert, revue contrats et marchés publics, avril 2015

CONTRAT PUBLICS 

• Mise en demeure dans le cadre d’une convention d’occupation du domaine public 

Conseil d’Etat, 27 mars 2015, n°372942, Gyurenka

Dans le cadre d’un programme d’aménagement, l’établissement public met en demeure l’occupant de procéder à la mise en valeur du terrain attribué par la convention d’occupation du domaine public. Cette décision doit être regardée comme une mesure d’exécution du contrat et non comme une résiliation. Quand bien même la mise en demeure peut conduire, si elle n’est pas respectée, à la résiliation du contrat.

En définitive, la résiliation d’une convention d’occupation du domaine public peut être discutée devant le juge du contrat. A l’inverse, une décision qui s’apparente à une mesure d’exécution de la convention demeure à l’abri du débat contentieux. Ainsi, le juge du contrat n’a pas le pouvoir d’en prononcer l’annulation.

Source : Article Mise en demeure inattaquable, veille par Lucienne Erstein, Revue La semaine juridique et collectivités territoriales n°14, 7 avril 2015. 

• Information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures 

Conseil d’Etat, 10 avril 2015, Société Automatismes Corses, n°387128

La haute juridiction a affirmé que le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer les candidats à un marché public sur les conditions de mise en œuvre des critères de sélection dans candidatures, sauf dans l’hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats.

Le Conseil d’Etat, dans la lignée jurisprudentielle, énonce que « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, il lui appartient d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats… ; que cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures ». Il ajoute que cette information devient obligatoire « dans l’hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats ». 

Source : Article Information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, par Diane Poupeau, AJDA 2015, n°13, p. 726

• Appréciation de la complexité dans le contrat de partenariat 

TA Bordeaux, 11 février 2015, n°1200574, Syndicat national des entreprises du second oeuvre

La réalisation d’une nouvelle cité municipale destinée à accueillir plusieurs centaines d’agents dans le cadre d’un bâtiment à énergie positive à construire dans une zone classée au patrimoine mondial de l’UNESCO ne présente pas une complexité suffisante pour justifier le recours au contrat de partenariat. L’annulation de la délibération autorisant la conclusion de ce contrat conduit le juge à enjoindre la résiliation de ladite convention.

Source : Article Absence de complexité suffisante, par G. Eckert, revue contrats et marchés publics, avril 2015

• Juge du référé précontractuel puis juge du référé-suspension : absence d’atteinte au principe d’impartialité 

Conseil d’Etat, 19 janvier 2015, n°385634, Société Ribière
En l’espèce, l’office public de l’habitat a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la construction d’un bâtiment (pôle de recherche). La société requérante a, dont l’offre a été rejetée, a saisi le juge des référés. Après reprise de la procédure au stade de l’analyse des offres, cette dernière a de nouveau été rejetée. La société a alors saisi le juge des référés d’une demande tendant à la suspension du marché signé. Le débat porte ici sur la question de savoir si le juge du référé précontractuel peut ensuite être le juge du référé-suspension.

Par cette décision du 19 janvier 2015, le Conseil d’Etat estime que le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le juge du référé précontractuel qui a annulé la procédure de passation d’un marché se prononce ensuite, en qualité de juge du référé-suspension sur la demande tendant à suspendre l’exécution du contrat signé après reprise de la procédure de passation.

Source : Article Juge du référé précontractuel puis juge du référé-suspension : absence d’atteinte au principe d’impartialité, par D. Conil, revue Petites affiches, 8 avril 2015, n°70

• L’erreur matérielle vue par le Conseil d’Etat 

Conseil d’Etat du 27 mars 2015, n°386887

Le recours en rectification d’erreur matérielle est ouvert en vue de corriger des erreurs de caractère matériel non imputables aux parties et ayant pu avoir une influence sur la décision. Selon le Conseil d’Etat, dans une décision du 27 mars 2015, tel n’est pas le cas lorsque le moyen omis est inopérant.

La Haute juridiction estime « que l’omission de répondre à un moyen constitue en principe, […], une erreur matérielle susceptible d’être rectifiée par la voie du recours prévu à l’article R833-1 du code de justice administrative ; que toutefois, dans le cas où le moyen oublié est inopérant, l’omission d’y répondre ne peut avoir exercé d’influence sur le jugement de l’affaire et ne saurait, par suite, être corrigée par la voie du recours en rectification d’erreur matérielle » . Ainsi, étant donné que le moyen était inopérant, l’omission d’y répondre et de ne pas se prononcer sur son caractère sérieux n’a pas exercé d’influence sur la décision. Le recours en rectification d’erreur matérielle est rejeté.

Source : AJDA 2015, p. 667, Précisions sur la notion d’erreur matérielle, par Carine Biget

• Précisions sur la constitution d’une voie de fait 

Cour de Cassation 11 mars 2015, n°13-24133, Sté de l’Avenir et a. c/ RTE et a. 

En l’espèce, les propriétaires estiment que la société aurait commis une voie de fait en pénétrant sur leur propriété, sans leur accord ni autorisation d’occupation temporaire, pour y effectuer des travaux sur une ligne électrique. Par ailleurs, ces travaux ont fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique et d’un arrêté préfectoral de mise en servitude. En contrepartie de celle-ci, le Code de l’énergie prévoit une juste indemnisation.

La Cour de Cassation affirme que l’action de l’autorité administrative, au regard du droit de la propriété reconnu par la Déclaration Universelle des droits de l’homme, n’emporte pas extinction du droit de propriété appartenant aux propriétaires et ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration. En définitive, la société n’a pas commis de voie de fait et les juridictions judiciaires, gardiennes du droit de propriété, sont incompétentes pour connaître du litige.

Source : La Gazette du Palais, 26 mars 2015, n°85, p.27, l’installation d’une ligne à haute tension n’est pas une voie de fait