Michel HUET
En collaboration avec Maeva FAUVE

N.B. : Pour un complément d’analyse de brèves du Droit de l’urbanisme, rejoignez cadredeville.com et consultez l’onglet « pratique juridique »

DROIT ADMINISTRATIF 

• Le silence de l’administration vaut acceptation : l’illusion d’une simplification 

La loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens a mis fin au principe selon lequel le silence de l’Administration à une demande vaut rejet.
Désormais, le nouvel article 21 de la loi 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dispose que « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut acceptation ». Par principe, l’absence de réponse de l’administration est donc créatrice de droits.

Cependant, l’apparente simplification de la loi cache une complexité menaçant la sécurité juridique.
D’une part, le principe selon lequel « le silence de l’administration vaut rejet » est maintenu dans certaines situations. Ces dérogations sont prévues à l’article 21 susmentionné ou listées par différents décrets publiés au Journal officiel du 1er novembre 2014.
D’autre part, le délai à l’expiration duquel la décision est acquise n’est pas toujours de deux mois. En effet, des décrets en Conseil d’Etat peuvent fixer un délai différent, supérieur ou inférieur à deux mois, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie.

La « révolution administrative » annoncée par le rapporteur du projet de loi est donc à relativiser.

Source : RLDI. Avril 2015, n°114, p. 58, L’adoption officielle du principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation : vers une simplification des relations entre l’administration et les administrés ?, Tiffanie TABEAU 

• Application des règles du code civil au bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente 

CE, 2 Avril 2015, n°364539 

Lorsqu’une commune consent à un bénéficiaire une promesse unilatérale de vente, ce dernier ne peut prétendre qu’aux droits prévus dans le code civil. Ainsi, conformément à l’article 1142 du code civil, le bénéficiaire ne peut obtenir la réalisation forcée de la vente lorsqu’il n’a pas levé l’option. La rétractation de la promesse par le promettant ne se résout qu’en dommages et intérêt, sauf disposition conventionnelle contraire.

Source : La gazette, N°18/19 – 2268/2269 4 Mai 2015, p.52

• La jurisprudence « Société Entreprise Peyrot » remise en cause : 

Tribunal des conflits, 9 mars 2015, Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du sud de la France, n° 3984 

Le Tribunal des conflits vient de mettre fin à la jurisprudence « Société entreprise Peyrot » datant du 8 Juillet 1963 dont il était le créateur. Cette jurisprudence avait consacré la nature administrative des contrats de travaux autoroutiers conclus entre une personne privée et une société concessionnaire d’autoroute.

La juridiction juge « qu’une société concessionnaire d’autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute ne peut, en l’absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l’État ». Désormais, ces contrats sont de droit privé et les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Toutefois, cette solution ne s’applique pas aux contrats conclus antérieurement par une société concessionnaire d’autoroute puisque « la nature juridique d’un contrat s’apprécie à la date à laquelle il a été conclu ». En l’espèce, le contrat reste de nature administrative et entraîne la compétence du juge administratif.

Source : Tribunal des conflits, 9 mars 2015, Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du sud de la France, n° 3984, AJDA 2015. 481 ; ibid. 601, tribune G. Clamour ; RFDA 2015 p. 265

Voir également Tribunal des conflits, 9 mars 2015, Société des Autoroutes du sud de la France c/ Garage des pins, n° 3992A, JDA 2015. 481

• Les conditions de subrogation de l’assureur DO 

CE, 15 Octobre 2014, Mutuelle des architectes français, n°372518
CE, 22 Octobre 2014, Société des Transports de l’agglomération de Montpellier, n°362635

Outre la subrogation légale de droit commun, l’assureur dommages-ouvrages bénéficie d’une action subrogatoire specifique prevue à l’article L 121-12 du code des assurances soumise à une prescription biennale. Les deux arrêts ont vocation à préciser les conditions de cette subrogation.

Il ressort de l’arrêt Mutuelle des architectes français que la subrogation de l’assureur DO est uniquement subordonnée au « paiement à l’assuré de l’indemnité d’assurance en exécution du contrat d’assurance ». Une indemnité versée à titre provisionnelle ne fait pas obstacle à cette subrogation, « il appartient seulement à l’assureur, pour en bénéficier d’apporter par tout moyen la preuve du paiement de l’indemnité ». La preuve de la réalité du paiement peut résulter d’extraits de comptes bancaires comportant l’indication de débit, de numéros de chèque et de la lettre d’acceptation d’une indemnité.

Dans la deuxième espèce, un maître d’œuvre délégué (MOE) avait pris à sa charge, et pour le compte de la communauté d’agglomération, des frais de réparation d’un ouvrage dont la communauté d’agglomération (CA) était propriétaire. L’assureur DO avait remboursé les sommes au maître d’œuvre délégué en exécution du contrat d’assurance le liant à la communauté d’agglomération. Etant donné qu’il n’avait pas versé les sommes à la CA, mais au MOE, la cour administrative d’appel avait considéré que l’assureur ne pouvait pas être subrogé dans les droits de la CA. Le Conseil d’état sanctionne la cour administrative d’appel pour erreur de droit. Le considérant de l’arrêt Société des Transports de l’agglomération de Montpellier est limpide : l’article L121-12 « n’implique pas que le paiement ait été fait entre les mains de l’assuré lui-même ».

Source : AJDA, n°15/2015, 4 Mai 2015, p.891, « Les conditions de la subrogation de l’assureur dommages-ouvrage », Arnaud Galland

• Retour sur la domanialité publique par contagion 

CAA Nancy, 23 Janvier 2014, SARL Cité des artisans, n°13NC00548

L’arrêt Commune de Val d’Isère semble avoir mis un terme à la théorie de la domanialité publique par contagion. Quelques mois plutôt pourtant, la cour administrative d’appel de Nancy était amenée à se prononcer sur son application.

Pour refuser l’application de la domanialité publique à un pont, la cour a, dans premier temps, vérifié l’existence d’un classement dans la voierie communale, puis son affectation « à la circulation générale du public ». Elle se prononce ensuite sur la domanialité par accessoire qu’elle rejette, le pont n’étant pas l’accessoire indispensable de la place publique. Elle aborde, en dernier, la question de la contagion et relève que le pont « ne saurait davantage être considéré comme appartenant à la même unité foncière que celle de la place de l’Abattoir et relevant, du fait de cette appartenance, du même régime de la domanialité que celle-ci. ». En dissociant l’accessoire et la contagion la cour semble insister sur la nécessité de ne pas confondre les deux notions, tout en soulignant que la contagion n’est qu’une extension de la théorie de l’accessoire.

Source : AJDA, 4 Mai 2015, n°15, 2015, p.884 à 886, « Rétrospective sur la domanialité publique par contagion », Norbert Foulquier ; et CE, Commune de Val d’Isère 28 Avril 2014, n°349420, AJDA 2015.1258. 

MARCHES PUBLICS 

• Les négociations sont possibles pour les MAPA 

CAA Lyon, 5 Mars 2015, Société montluçonnaise de travaux publics et bâtiments, N°14LY01532 

La cour administrative d’appel admet qu’un pouvoir adjudicateur puisse recourir à la négociation ou se reverser la possibilité de négocier dans le cadre d’un marché à procédure adaptée. Toutefois, le principe de transparence des procédures impose que les candidats potentiels en soient informés, dès le début de la procédure, dans l’avis public d’appel à la concurrence ou dans les documents de consultation.

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur n’avait pas mentionné sa décision de recourir à la négociation ou de se réserver cette faculté dans l’avis d’appel à la concurrence ni dans les documents de consultation. Dans ces conditions, le recours à la négociation entache d’irrégularité la procédure d’attribution de marché.

Pour autant, ce vice n’ouvre pas droit à l’indemnisation du manque à gagner d’une société évincée dès lors qu’elle ne démontre pas avoir été privée d’une chance sérieuse d’obtenir le marché en cause.

Source : AJDA, 4 Mai 2015, n°15-2015, p851, L’annonce possible de négociations en procédure adaptée, Aline Samson-Dye

URBANISME

• Publication d’un décret d’application de la loi ALUR 

Le décret n° 2015-482 du 27 avril 2015 contient plusieurs mesures d’application de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, et tend à simplifier les règles d’occupation des sols.

Une règle importante est posée : il est interdit aux services instructeurs de demander des pièces qui ne figurent pas au nombre de celles prévues par le code de l’urbanisme pour constituer le contenu d’une demande d’autorisation d’urbanisme. Toutefois, dans le cas de projets d’immeubles de logements collectifs, le Maire pourra demander que le plan intérieur soit joint au dossier.
A noter que la liste des pièces exigibles concernant les projets faisant l’objet d’une convention de projet urbain partenarial (PUP) ou situés dans le périmètre d’un PUP a été revue.

Le décret introduit une deuxième mesure phare : la compétence du préfet pour délivrer les autorisations d’urbanisme dans les communes placées en état de carence lorsqu’elles n’ont pas atteint le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application de l’article L. 302-8 du code de construction et de l’urbanisme.

En outre, il modifie les lieux dans lesquels les habitations légères de loisirs et les résidences mobiles de loisirs peuvent être installées. Il les distingue des « résidences démontables constituant l’habitat permanent de leur utilisateur ». Aux termes du nouvel article R. 111-46-1., ces résidences démontables se définissent comme des « installations sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs et pouvant être autonomes vis-à-vis des réseaux publics. Elles sont destinées à l’habitation et occupées à titre de résidence principale au moins huit mois par an. Ces résidences ainsi que leurs équipements extérieurs sont, à tout moment, facilement et rapidement démontables ». Par ailleurs, les formalités d’urbanisme concernant les terrains destinés à recevoir les résidences mobiles des gens du voyage, tels que les aires d’accueil, sont rationnalisées.

Enfin, les installations de stockage de déchets inertes (ISDI) sont dispensées d’autorisation d’urbanisme. Cette règle vaut également pour l’installation de dispositifs de publicité, enseignes ou pré-enseignes, régie par les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement.

Les dispositions du décret sont applicables à compter du 1er juillet 2015.

Source : Décret n° 2015-482 du 27 avril 2015 portant diverses mesures d’application de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et relatif à certaines actualisations et corrections à apporter en matière d’application du droit des sols

• Illégalité du refus à une demande de prorogation du permis de construire 

CE, 15 avril 2015, n°371309 

Le maire ne peut fonder le refus à une demande de prorogation de la validité d’un permis de construire en invoquant que le bénéficiaire n’était pas devenu propriétaire de la parcelle et ne disposait plus d’un titre l’habilitant à construire.

La prolongation de la validité d’un permis de construire est conditionnée par l’absence d’évolution négative des prescriptions d’urbanisme et des servitudes administratives. Ce n’est que lorsque celles-ci ont évolué, postérieurement à la délivrance du permis, dans un sens défavorable que l’autorité compétente peut légalement refuser la prorogation.

La haute juridiction précise également qu’ « aucune disposition n’impose qu’une demande de prorogation soit accompagnée d’une attestation du demandeur selon laquelle il continue de remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 » du code de l’urbanisme.

Source : Gazette du Palais, Mercredi 6, Jeudi 7 Mai, nos 126 à 127, p.38

• La constitution d’un projet d’intérêt général 

CE, 6e et 1re sous-sect., 30 Mars 2015, n°375117, Sté SITA Ile-de-France 

Le Conseil d’Etat précise les règles entourant la constitution d’un projet d’intérêt général.

Dans un premier temps, il indique la possibilité de créer un PIG sans expropriation. Il suffit seulement que la personne ayant décidé du PIG ait la capacité d’exproprier sans qu’il soit nécessaire qu’elle décide de mettre en œuvre cette faculté.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat considère que la décision de qualifier de PIG l’installation d’un centre de stockage des déchets ne relève pas d’une décision prise dans le domaine de l’élimination des déchets au titre de l’article L541-15 du code de l’environnement.

Il se prononce sur la nécessité d’inscrire le projet dans un des documents de planification. Elle rappelle, qu’en effet, la qualification d’un projet d’intérêt général « a pour seul objet sa prise en compte dans un document d’urbanisme et doit conduire à la révision ou la modification du document existant ». Or, en l’espèce, le plan d’élimination des déchets n’avait pas été élaboré. Cette circonstance est sans incidence. La haute juridiction précise que « ni l’article l 541-15 ni aucune autre disposition « ne s’opposent à ce que l’Etat décide, au vu d’une évaluation des nécessités en matière d’élimination des déchets, d’un projet d’intérêt général concernant un centre de stockage de déchets alors même que le plan d’élimination des déchets n’aurait pas été édicté ».

Source : Gazette du Palais, mercredi 22, jeudi 23 avril, nos 112 à 113, p 30

N’ hésitez pas à consulter la brève sur le site cadredeville.com/pratique-juridique

• Les rapports Duport 

La ministre de l’écologie a reçu 3 rapports visant à réformer le droit de l’urbanisme et de l’environnement.

Le premier rapport concerne principalement l’objectif de délivrer les autorisations d’urbanisme dans un délai inférieur à cinq mois. Une grande réforme sur la dématérialisation des procédures et des documents est mise en avant. Par ailleurs, est avancée l’idée d’augmenter les pouvoirs du juge administratif afin de lutter contre les refus de permis de construire illégaux des maires : dès lors qu’un des motifs de refus est erroné, le juge pourrait avoir la capacité d’enjoindre à l’administration la délivrance de l’autorisation.
A noter que le rapport intéresse également les architectes des bâtiments de France. En effet, il propose la collégialité des avis dans le but d’éviter qu’un pétitionnaire ayant élaboré sont projet avec ABF le voit ensuite rejeté en raison de la nomination d’un nouveau titulaire.

La simplification des procédures environnementales fait l’objet d’un deuxième rapport. Des solutions sont proposées pour éviter la répétition des évaluations environnementales.

Le dernier rapport est axé sur la modernisation de la participation du public dans le processus décisionnel. Il en appelle à une participation plus en amont et envisage d’imposer aux maîtres d’ouvrage l’élaboration d’un document expliquant les raisons pour lesquelles les observations du public ont, ou n’ont pas, été prises en compte.

Affaire à suivre !

Source : Dalloz actualité, 14 avril 2015, Trois nouveaux rapports sur la simplification des droits de l’urbanisme et de l’environnement, Rémi Grand et MTP Expert cahier détaché n°1 les 3 rapports de Jean-Pierre Duport in extenso Mai 2015

• Application de la loi dans le temps et valeur constitutionnelle du principe de sécurité juridique 

CE, 21 Janvier 2015, EURL 2B, n°382902

La haute juridiction est amenée à se prononcer sur l’application dans le temps de l’article L 111-3 du code de l’urbanisme reconnaissant le droit de reconstruire à l’identique un bâtiment détruit. Depuis la loi de simplification du droit du 12 Mai 2009, le droit à une reconstruction à l’identique est enserré dans un délai de 10 ans à compter de la destruction du bâtiment.

Dans les faits, la nouvelle version de l’article L 111-3 est entrée en vigueur entre la demande de permis de construire tendant à une reconstruction à l’identique et la réponse de refus donnée par le Maire. La Cour administrative d’appel avait considéré que la prescription de 10 ans instaurée par la loi nouvelle était applicable dès son entrée en vigueur et « quelle qu’ait été la date de destruction » du bâtiment. Cette erreur de droit est censurée par la haute juridiction. Pour les bâtiments détruits antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, la prescription du droit à la reconstruction ne commence à courir qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, non à compter de la date de destruction du bâtiment.

Le raisonnement de la Cour administrative d’appel avait amené la requérante a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité. Selon elle, l’application de la prescription « quelle que soit la date du sinistre à l’origine de la destruction » portait atteinte au principe de sécurité juridique garanti par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen (DDHC). Dès lors que le Conseil d’Etat censure cette application rétroactive faite par la Cour, la question prioritaire de constitutionnalité est vidée de son contenu. Il n’y a donc aucune atteinte aux dispositions de la DDHC et aucune nécessité de saisir le juge constitutionnel. En ne s’opposant pas à ce que le principe de sécurité juridique soit garanti par la DDHC, le Conseil d’Etat semble lui reconnaître une valeur constitutionnelle sur le fondement de l’article 16 de la DDHC.

Source : AJDA, 4 Mai 2015, n°15, p880, « Principe de sécurité juridique et application dans le temps des règles relatives aux délais de prescription, Gweltaz Eveillard

ENVIRONNEMENT

• L’étude d’impact n’est pas toujours obligatoire pour les dossiers de permis de construire 

CE, 25 février 2015, Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines, n°367335 

La Haute juridiction précise l’étendue de l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue à l’article R 431-16 du code de l’urbanisme. Cette obligation ne concerne que les cas dans lesquels le code de l’environnement exige cette étude d’impact pour les projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme.

En l’espèce, la cour d’appel n’a pas recherché si le projet était soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme. Par conséquent, elle a commis une erreur de droit.

Source : Droit de l’environnement, n°233, Avril 2015, p.131, «L’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire n’est pas systématique» 

• Le non-respect des protocoles d’observation de la faune rend l’étude d’impact insuffisante 

CAA Marseille, 28 Novembre 2014, Société Parc Eolien du col de Brugues et autres, n°13MA00344 

La création de parcs éoliens est susceptible de porter atteinte aux oiseaux. Le Ministère de l’Ecologie et du Développement durable a donc réalisé un guide concernant l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens. Ce guide préconise l’étude de la faune selon un cycle qui prévoit des saisons optimales d’observation.

Dans les faits, l’étude d’impact ne respectait pas le guide puisque « seules des observations sur une partie réduite de ce cycle ont été effectuées ». Aussi, le recensement des espèces présentes périodiquement sur le site n’a pas pu être efficace et l’influence du fonctionnement des éoliennes sur les courants migratoires n’a pas pu être analysée de manière pertinente. L’étude d’impact est donc insuffisante. Ces insuffisances ont tant nui à l’information complète du public qu’empêché le Préfet de se prononcer en connaissance de cause lorsqu’il a délivré les permis de construire.

Source : Droit de l’environnement, n°233, Avril 2015, p.131

• Mesures de police pour motifs environnementaux et respect du contradictoire 

CAA Versailles, 5 Mars 2015, Commune de Clichy-la-Garenne, n°13VE00682 

Apres mise en demeure restée infructueuse, un maire peut user de ses pouvoirs de police afin d’entreprendre des travaux de remise en état d’un terrain au frais du propriétaire, sur le fondement de l’article L 2213-25 du Code général des collectivités territoriales.

Le Conseil d’Etat rappelle que les mesures de police adoptées sur ce fondement doivent être motivées. De plus, en l’absence de décret organisant les modalités d’une procédure contradictoire, ces mesures de police sont soumises à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000. Aussi, elles ne peuvent intervenir qu’après avoir mis en mesure la personne intéressée de présenter des observations préalablement à l’édiction d’un arrêté.

L’urgence de la situation, entendue comme une « aggravation imminente avérée » peut néanmoins justifier la méconnaissance du principe du contradictoire préalable, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Source : Droit de l’environnement, n°233, Avril 2015, p.130, « Les mesures de police adoptées sur le fondement de l’article L.2213-25 du Code général des collectivités territoriales doivent être motivées et faire l’objet d’une procédure contradictoire préalable » 

• Le décret du 8 Janvier 2015 encourage le recours à la géothermie 

« Réduction des émissions de gaz à effet de serre », « augmentation de la production d’énergie renouvelable », autant d’objectifs autour desquels la géothermie a un rôle à jouer. Dans un souci de favoriser l’essor de cette filière, le décret n°2015-15 du 8 Janvier 2015 procède à une simplification du droit encadrant l’activité géothermique.

Cette simplification commence d’abord par la consécration des définitions technologiques sur les différents échangeurs géothermiques. S’ensuit une liste des activités et installations géothermiques dites « de minime importance » qui ont une incidence réduite sur l’environnement ainsi que sur les intérêts protégés par le code minier. Par principe, les gîtes géothermiques de minime importance sont exclus du régime légal des mines.

Le décret procède également à une simplification des procédures par la modification du décret du 2 Juin 2006 relatif aux travaux miniers. La principale innovation concerne la substitution, au régime d’autorisation en vigueur, d’une déclaration de travaux effectuée par voie dématérialisée. En contrepartie de cette procédure de déclaration simplifiée, les conditions d’exploitation des gîtes de minime importance sont encadrées. Il est notamment prévu l’obligation d’obtenir une attestation de qualification pour les entreprises prestataires de forage réalisant des travaux. De plus, une carte du ministre en charge de l’environnement viendra délimiter les différentes zones d’implantation de la géothermie de minime importance, étant précisé que chaque zone sera soumise à des règles particulières concernant l’exploitation des gîtes.

Par ailleurs, des précisions sont données sur la procédure d’enquête publique pour les demandes d’autorisation de recherche. Le chef du service déconcentré chargé des mines établit un rapport et donne un avis sur la demande d’autorisation de recherches ainsi que sur les résultats de l’enquête. En cas de demandes concurrentes, son avis doit reposer sur des critères de sélection portant sur la bonne exploitation de la ressource du gîte géothermique, l’efficacité énergétique des procédés mis en œuvre, les considérations économiques et de coût de mise à disposition de l’énergie produite.

Le texte comporte enfin des modifications quant au régime de la géothermie basse température qui s’ouvre, elle aussi, à la dématérialisation des procédures.

Le projet de loi sur la transition énergétique et divers arrêtés viendront sûrement compléter le régime de la géothermie.

Source : Droit de l’environnement, n° 233, Avril 215, p.152, « Le décret du 8 Janvier 2015 relatif à la géothermie : une étape déterminante pour l’essor de la filière », Blanche Lormeteau

• L’atteinte à l’unité paysagère fonde le refus de créer une ZDE 

CAA Bordeaux, 4 Novembre 2014, Commune de Lüe, n°12BX01880 

La loi du 12 juillet 2010 modifie l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Selon cet article, le Préfet est tenu de « veiller à la cohérence départementale des zones de développement de l’éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages ».

Il résulte de cette disposition que la protection des paysages doit être prise en considération par le préfet lors de l’instruction d’une proposition de création de zone de développement éolien (ZDE).

Dans les faits, une commune souhaitait créer deux ZED au sein du massif forestier des Landes. Le préfet avait refusé considérant qu’il portait atteinte à l’unité paysagère de par ses dimensions disproportionnées.

La Cour précise que l’article 10-1, dans sa version issue de la loi de 2010, est applicable aux instructions faites par le préfet à compter du 14 Juillet 2010. Le fait que la proposition de la commune soit intervenue avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 ne fait pas échec à son application dès lors que l’instruction est postérieure au 14 juillet.

Elle se prononce ensuite sur l’appréciation du projet faite par le préfet. Elle constate que le projet aboutit à un défrichement d’environ un hectare à l’intérieur du massif forestier et nécessitait l’implantation d’éoliennes ayant une hauteur nettement supérieure à celles des arbres du massif. Cette totale disproportion est de nature à porter atteinte aux paysages du massif forestier des Landes. Dès lors, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant la proposition.

Source : Droit de l’environnement, n°233, Avril 2015, p.133

DROIT DE LA CONSTRUCTION

• Recherche des désordres apparents et faute du maître d’ouvrage 

CE, 15 avril 2015, Commune de Saint-Michel-sur-Orge, n°376229 

En l’espèce, la commune, maître d’ouvrage, avait engagé des travaux de réaménagement d’un groupe scolaire. L’ouvrage a été réceptionné avec réserves qui ont, par la suite, été levées. Cependant, les travaux de reprise en sous-œuvre des fondations de bâtiments n’ont pas été réalisés et des désordres ultérieurs sont apparus. La commune a donc recherché la responsabilité décennale des constructeurs. Or, en appel, sa propre responsabilité pour faute dans le contrôle de l’exécution du marché avait été engagée.

En effet, la cour d’appel avait considéré que les désordres étaient apparents au moment de la réception sur la simple constatation de la faute de la commune. Sans cette faute dans le suivi et le contrôle de l’exécution du marché, la commune aurait pu avoir connaissance de l’absence de réalisation des travaux litigieux.

Un tel raisonnement est sanctionné pour erreur de droit.

Le Conseil d’Etat rappelle que les désordres apparus dans le délai de dix ans à compter de la réception et qui sont de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination engagent la responsabilité des constructeurs. Cette solution vaut même si les désordres ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.

Il indique ensuite une méthodologie à la cour : il appartient à celle-ci « non de se prononcer sur une faute du maître de l’ouvrage mais de déterminer dans quelle mesure les désordres tenant à l’absence de réalisation de ces travaux étaient apparents lors de la réception de l’ouvrage ». En définitive, lorsque le bénéfice de la garantie décennale est invoqué, la cour doit effectivement rechercher si les désordres étaient apparents au moment de la réception avant de caractériser une faute du maître d’ouvrage.

Source : AJDA, 27 avril 2015, n°14-2015, p.780

• La nature des recours en cascade 

Cass. 3e civ., 26 Novembre 2014, n° 13-22.067, 13-22.505 

Des maîtres d’ouvrage ont confié à un constructeur la mission de construire une maison individuelle. Pour se faire, le constructeur a sous-traité le lot « couverture » à une société. Cette société sous-traitante a fait appel à un fournisseur pour qu’il lui livre des ardoises à poser. Un blanchissement des ardoises ayant été constaté par les maîtres d’ouvrages après la réception, ces derniers ont cherché à obtenir réparation de leur préjudice. Ils ont assigné le constructeur, le sous-traitant, le fournisseur et l’assureur dommage-ouvrage.

La Cour de cassation rappelle la nature des différents recours. L’action du maître d’ouvrage à l’égard du sous-traitant est de nature délictuelle et le fournisseur de ce sous-traitant doit répondre de ses actes sur le même fondement. Toutefois, lorsque le fournisseur manque à son obligation contractuelle en livrant au sous-traitant une chose non conforme aux prévisions contractuelles, le maitre d’ouvrage peut rechercher directement sa responsabilité contractuelle. Par ailleurs, la Troisième chambre civile confirme que le constructeur dispose d’une action contractuelle directe contre le fournisseur de son sous-traitant et vendeur intermédiaire.

Source : Gazette du Palais, Dimanche 26 au mardi 28 avril 2015, n°os 116 à 118, p.24

PROPRIETE INTELLECTUELLE 

• Une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur 

Cass, 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-23-566 

L’absence de définition de la notion d’ « auteur » entraîne une interrogation sur la reconnaissance de cette qualité à une personne morale.

L’arrêt du 15 janvier 2015 a été l’occasion de répondre à cette question. En l’espèce, des associés d’une société avaient chacun apporté du capital en vue de la création d’un logiciel. Suite à des dissensions, ils se sont disputés les droits de création de cette œuvre. La société, détenue majoritairement par l’un des associés, souhaitait être reconnue seule titulaire des droits d’auteur.

La solution, rendue au visa de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, est claire : une personne morale une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur. La Cour de cassation maintient ainsi la conception personnaliste du droit d’auteur français selon laquelle seule une personne physique créatrice d’une œuvre peut revêtir la qualité d’auteur.

La nécessité de cette éviction est à relativiser. Dans un contexte où la personne morale est admise à demander réparation d’un préjudice moral ainsi qu’à engager sa responsabilité pénale pour complicité d’un délit commis par son représentant, le refus de reconnaître la qualité d’auteur à la personne morale peut apparaître comme dépassé. Il se justifie d’autant moins que la personne morale peut contribuer activement à créer une œuvre en contrôlant les étapes de la réalisation. Pierre-Dominique CERVETTI appelle ainsi à davantage de souplesse dans la détermination du titulaire des droits.

Source : RLDI, Avril 2014, n°114, p.15, La personne morale (encore) évincée de la qualité d’auteur, Pierre-Dominique Cervetti. 

• Preuve de l’atteinte aux droits d’auteur et aux droits du producteur de base de données 

CA Paris, Pôle 5, 20 Mars 2015, Sté Rouxel Secama c/ Sté Equipra, n°14/15400 

Les dispositions de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle permettent de protéger les œuvres de l’esprit par le droit d’auteur. Pour bénéficier de cette protection, la cour d’appel rappelle la nécessité de démontrer l’originalité des œuvres revendiquées. En l’espèce, elle considère qu’un « effort important de conception [d’un site] internet » ou « sur la présentation et l’architecture des bases de données » ne permet pas de démontrer l’originalité des œuvres ni de traduire « un parti pris esthétique et l’empreinte de [la personnalité de la société] ». Dès lors, les demandes formulées au titre de la contrefaçon des droits d’auteur sont rejetées.

Etait également invoquée la protection suis generis des bases de données, indépendante de celle du droit d’auteur. Cette protection spécifique est subordonnée à la preuve d’un investissement substantiel « financier, matériel ou humain ayant pour objet la constitution, vérification ou la présentation du contenu de la base ». Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes que les moyens consacrés à la création des éléments constitutifs du contenu de la base de données ainsi que ceux liés à des opérations de vérification au cours de la phase de création sont à distinguer des éléments d’investissements (CJCE, The British Horseracing Board Ltd/ William Hill Organization Ltd, 9 novembre 2004). Dès lors, les factures d’assistance ou relatives à des prestations informatiques ne peuvent pas être des éléments de preuve démontrant l’existence d’investissements substantiels. En conséquence, la société ne peut bénéficier de la protection dont est titulaire le producteur de base de données.

Source : RLDI, Numéro 114, Avril 2015, p.20, « Charte graphique d’un site internet : contrefaçon de droits d’auteur et atteinte aux droits du producteur de base de données non démontrées »