Michel HUET avec la collaboration de Clémence Desplancke 

PROPRIETE INTELLECTUELLE 

L’éventuel exercice électronique du droit par un non-avocat 

Le site « demanderjustice.com » propose un service en deux étapes pour les procédures dépourvues de l’obligation de ministère d’avocat. Cette activité a fait l’objet d’une relaxe du tribunal correctionnel de Paris le 13 mars 2014. Le parquet a interjeté appel au motif que cette activité constituerait un exercice illégal de la profession d’avocat.
Au stade précontentieux, le site en question propose la mise en forme et l’envoi automatisé au contradicteur d’une mise en demeure.

Le professeur Pierre-Yves Gautier s’est prononcé sur la qualification de cette activité. Afin de déterminer si l’activité de ce site relève de l’exercice réglementé du droit, il convient de s’interroger sur la nature de la prestation proposée : elle sera assimilée à l’exercice réglementé si elle constitue une forme de consultation juridique. La consultation juridique est, selon la jurisprudence, « une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée à la fourniture d’un avis ou conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision ». En l’espèce, le site ne délivre aucun avis juridique personnalisé, mais propose seulement un fondement juridique très général. Selon le professeur Pierre-Yves Gautier, cette activité relève du domaine du contrat d’entreprise.

Concernant la phase contentieuse, le site propose la saisine du tribunal par l’envoi en lettre recommandée avec avis de réception d’une déclaration au greffe signée électroniquement. Cette prestation semble constituer une représentation et une assistance au sens des articles 411 et 412 du code de procédure civile. En outre, l’article 416 du même code impose au prestataire de justifier d’un mandat préalable lorsqu’il entend assister ou représenter une partie. Si tel n’est pas le cas, la déclaration au greffe pourrait être entachée d’un vice de fond entraînant sa nullité.

Il découle de cette analyse du professeur Pierre-Yves Gautier que tous les prestataires et notamment les architectes doivent être particulièrement prudents dans la manipulation de bases de données et autres « BIM » et analyser ou faire analyser au-delà du risque du droit d’auteur, celui des prestations juridiques.

Recueil Dalloz, 190ème année, 8 mai 2014, n°17/7598, L’éventuel exercice électronique du droit par un non-avocat, Entretien avec Pierre-Yves Gautier, p.1032

Dire l’authenticité d’une œuvre d’art 

Dire l’authenticité revient à certifier l’origine de tel ou tel objet.

Dire l’authenticité en-dehors d’un procès : 

• En vue d’une vente : les vendeurs engagent leur responsabilité en affirmant l’authenticité d’une œuvre à l’égard à la fois de leur cocontractant et des tiers.
La cour de cassation juge, depuis 1995, que « l’expert qui affirme l’authenticité d’une œuvre sans assortir son avis de réserves, engage sa responsabilité sur cette affirmation » (Civ. 1ère, 7 nov. 1995), de même lorsque l’expertise judiciaire conclut au faux. On s’achemine donc vers une sorte de garantie des professionnels « dispensant d’établir la faute du commissaire-priseur et de l’expert dès lors que les mentions sont jugées inexactes. »

Cependant, la première chambre civile est revenue, en 2013, à une idée plus traditionnelle de la faute en matière de responsabilité contractuelle (Civ. 1ère 10 juillet 2013).
Il s’agissait en l’espèce d’une action en nullité de la vente d’un tableau. Le vendeur a demandé au commissaire-priseur réparation de son propre préjudice, moral et financier, dû à l’annulation. La cour d’appel a rejeté cette demande au motif qu’ « aucune faute n’était établie à l’encontre du commissaire-priseur, qui, eu égard aux données acquises au moment de la vente, n’avait aucune raison de mettre en doute l’authenticité de l’œuvre, ni par conséquent de procéder à des investigations complémentaires ». La même chambre, en 2003, avait déjà statué dans ce sens.
Il convient donc de se demander si la différence d’appréciation dans ces arrêts ne réside pas dans la différence entre responsabilité délictuelle et contractuelle. En effet, la jurisprudence n’établit, en général, pas d’obligation de résultat en matière de relations contractuelles.

• En qualité de sachant : Il n’est possible de condamner les proches à des dommages et intérêts lorsqu’ils refusent de délivrer un certificat que lorsque l’agissement constaté est empreint de mauvaise foi ou de légèreté blâmable (Civ. 2ème, 10 nov. 2005). Cela est toutefois susceptible de changement en raison du récent assouplissement de la jurisprudence qui a écarté la responsabilité civile des auteurs de catalogues raisonnés, en faveur de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En revanche, dès lors qu’une personne accepte de délivrer un certificat, elle engage sa responsabilité, qu’elle agisse en qualité d’expert professionnel ou non (Paris, 1ère ch., sect. A, 22 mars 2005, Lambert c/ Marcade et autres). Il est cependant possible pour les experts de s’exonérer en démontrant qu’il ne s’agit que d’un simple avis et non d’un certificat. Cela sera toutefois difficilement admis lorsque l’expert agit dans le cadre d’une vente.

La responsabilité de l’auteur d’un catalogue raisonné est plus difficile à mettre en œuvre car elle soulève la question de la liberté d’expression. La plupart des cas litigieux porte sur l’omission d’une œuvre ou sur son classement en « catégorie douteuse ».
Un revirement de jurisprudence a récemment été opéré par la première chambre civile de la cour de cassation qui a estimé, dans un arrêt du 22 janvier 2014, « que la liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ». Le juge ne se fonde ni sur l’article 1382, ni sur la légèreté blâmable comme il le faisait auparavant. Cet arrêt se trouve dans la lignée de l’arrêt rendu par cette même chambre le 10 avril 2013.
L’auteur soulève alors deux interrogations à ce sujet :

– quel serait le texte nécessaire pour engager la responsabilité d’un auteur qui refuse de croire à l’authenticité d’un tableau ?
-est-ce que l’on doit mettre sur le même registre le refus d’accorder un certificat en tant que titulaire du droit moral ?

Dire l’authenticité lors d’un procès : 

• L’expertise judiciaire : l’expert a pour rôle d’éclairer le juge « sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien » (art 232 code de procédure civile), il détient ainsi un rôle fondamental dans l’affirmation ou la négation par le juge de l’authenticité d’une œuvre.
La tâche de l’expert s’avère plus difficile lorsqu’il s’agit de déterminer l’authenticité d’œuvres d’art ou d’antiquités qui dépend des techniques scientifiques et du savoir qui sont en constante évolution et qui repose sur une certaine subjectivité de la part de l’expert.
Si la jurisprudence y a été hostile pendant longtemps, l’expert peut désormais engager sa responsabilité civile, il ne bénéficie plus de l’immunité applicable aux magistrats.

• Le juge : Deux vérités se distinguent : la vérité scientifique (dite par un sachant, historien ou spécialiste) et la vérité judiciaire (relevant d’un jugement). En matière d’art, la vérité scientifique n’est pas absolue étant donné qu’elle est tributaire de l’évolution des techniques et connaissances historiques. De surcroît, elle ne s’impose au juge que lorsqu’elle « se révèle apte à justifier la solution qu’il estime la plus juste ». Seule la vérité judiciaire est obligatoire car elle est dotée de l’autorité de chose jugée.

Toutefois, en matière d’œuvre d’art, la décision rendue va dépasser les parties et aller au-delà de l’autorité de la chose jugée puisqu’elle va avoir des répercussions sur le terrain du marché de l’art.

Recueil Dalloz, 190ème année, 15 mai 2014, n°18/7599, Dire l’authenticité d’une œuvre d’art par Françoise Labarthe, p.1047 à 1053

Œuvres protégées 

Originalité

Cass. 1ère civ., 22 janvier 2014, n°11-24273 Sté X c/ Sté Japac 

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 janvier 2014 a trait à la distinction entre l’originalité et la nouveauté en matière de droit d’auteur.
En l’espèce, la société Japac architecture aux droits de laquelle se trouve la société Octant architecture a fait appel à un architecte pour la réalisation d’un complexe architectural et pour la conception d’une serre à crocodiles. L’architecte a présenté des photographies de chacune de ces œuvres sur une brochure et sur un site internet sous son nom ainsi que sous celui de la société L’Atelier du moulin. La société Octant les a donc assignés en contrefaçon et en concurrence déloyale.

La cour d’appel a apprécié la contrefaçon de l’architecte et de la société en retenant que l’aménagement intérieur de la serre à crocodiles comporte des aménagements très particuliers qui diffèrent des aménagements classiques de zoo.

La première chambre civile a cassé l’arrêt de la cour d’appel et a souligné que le caractère nouveau des choix opérés pour la conception de ces bâtiments ne saurait justifier la raison pour laquelle ces choix « portaient l’empreinte de la personnalité de leur auteur ». La cour d’appel a donc méconnu les dispositions des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. En effet, comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’originalité et la nouveauté sont deux notions distinctes donc la cour d’appel ne peut se contenter de constater les différences entre différents aménagements pour en déduire l’originalité. Jean-Michel Bruguière remarque également que la Cour de cassation continue à utiliser le critère de «l’empreinte de la personnalité » de l’auteur pour définir l’originalité alors que la Cour de Justice de l’Union européenne se réfère désormais à la notion de libres choix créatifs, critère qui semble plus proche d’une vision anglo-américaine.

Assignation en justice

TGI Rennes 2ème ch. 18 mars 2014 Jurasivonic c/ Préfet de l’Orne et agent judiciaire de l’Etat RG n°13/05573 

Il s’agit en l’espèce d’une assignation en annulation d’une vente pour dol. L’avocat qui a délivré cette assignation constate qu’elle est intégralement publiée sur le site internet de la préfecture. Il en demande le retrait. Le sous-préfet répond qu’il ne peut déférer à cette requête, selon les dispositions de l’article R. 123-21 du Code de l’environnement.

L’avocat assigne en contrefaçon le préfet et l’agent judiciaire de l’Etat. Il considère que cette assignation ne constitue pas un simple acte technique mais une « véritable œuvre littéraire dont les styles et la forme sont particulièrement soignés et tout à fait propres à l’auteur » alors que l’agent judiciaire soutient qu’une assignation n’est pas une œuvre de l’esprit « présentant un caractère original et empreinte de la personnalité de son auteur. » Or, le tribunal a estimé que le seul fait que l’assignation soit un acte de procédure ne suffit pas à l’exclure du champ d’application de la protection.

Il a cependant rejeté la demande au motif que « pour constituer une œuvre de l’esprit susceptible de protection » l’assignation « doit revêtir un caractère original, c’est-à-dire refléter la personnalité de son auteur », ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, l’assignation en question ne reflétait que le savoir-faire de l’avocat dans le cadre de sa profession et non sa personnalité. Selon André Lucas, cette solution révèle une confusion entre deux notions qui sont souvent mélangées en jurisprudence : la notion d’œuvre de l’esprit et celle de l’originalité.

Les écritures des avocats et leurs plaidoiries peuvent être considérées comme des œuvres originales lorsqu’elles sont empreintes d’un « style particulier qui permettrait de reconnaître de façon certaine l’auteur de l’acte ». Il s’agissait aussi de prendre en compte l’objectif pour lequel cet acte a été mis en ligne. En l’espèce, le représentant de l’Etat a entendu assurer l’information la plus complète du public comme l’exige la règlementation en vigueur, ce qui, selon l’auteur, a pu jouer dans l’appréciation par le tribunal de l’absence de caractère original de cet acte.

Propriétés intellectuelles, n°51, avril 2014, Droits d’auteur et droits voisins par André Lucas et Jean-Michel Bruguière

DROIT DE L’URBANISME 

Le plan local d’urbanisme peut-il édicter des règles de protection des haies ? 

Conformément à l’article L.123-1-5 du code l’urbanisme, les auteurs du PLU peuvent identifier des éléments paysagers, parmi lesquels figurent les haies, qui nécessiteront une protection particulière consistant à soumettre à déclaration préalable en mairie tous travaux, installations ou aménagements ayant pour effet de modifier ou de supprimer un de ces éléments identifiés. L’absence de dépôt d’une telle déclaration constitue une infraction aux règles d’urbanisme. Il appartient au maire de dresser le procès-verbal d’infraction et d’en assurer la transmission au procureur de la République. Cependant, l’imposition de sanctions ainsi que le prononcé de mesures en conformité ou de réaffectation du sol relèvent du juge.

La Gazette des communes, n°20/2222, 19 mai 2014, Le plan local d’urbanisme peut-il édicter des règles de protection des haies ?, Question écrite de Marie-Jo Zimmermann, n°45978, JO de l’Assemblée nationale du 6 mai 2014.

La loi Alur décryptée ; Le renforcement du rôle intégrateur du Scot 

Amélioration de la hiérarchie des normes d’urbanisme :
La loi Alur affirme le principe de l’absence d’opposabilité directe des normes de rang supérieur au PLU ou à la carte communale en présence de Scot. Cependant, le schéma de mise en valeur de la mer, le programme local de l’habitat ainsi que le plan de déplacements urbain continuent à s’imposer directement au PLU.

Le principe d’urbanisation limitée en l’absence de Scot a été renforcé par la loi Alur qui interdit les communes non couvertes par un Scot d’ouvrir à l’urbanisation les zones naturelles mais également les zones agricoles et forestières (article L.122-2 du code de l’urbanisme), l’objectif étant d’encourager les collectivités à se doter d’un Scot.

La loi Alur contient cinq mesures destinées à favoriser l’élaboration des Scot :

– nécessité d’élaborer un Scot à l’échelle de deux EPCI au moins
– extension de la compétence aux syndicats mixtes ouverts pour élaborer un Scot:cela permet de ne pas recourir à la création d’un établissement public lorsque le périmètre envisagé se superpose avec le territoire couvert par un syndicat mixte ouvert.
– Conséquences de l’évolution du périmètre des EPCI sur les périmètres des Scot : l’établissement public de Scot d’accueil dispose désormais d’un choix entre deux solutions : il peut étendre, dès l’intégration de la commune ou de l’EPCI, le Scot à la commune ou l’EPCI ou alors il peut bénéficier d’un délai pour modifier son Scot, l’étendre au nouvel entrant et couvrir l’intégralité du territoire.
– La charte de parc naturel valant Scot : une telle charte peut valoir Scot à condition qu’elle comporte un chapitre comprenant les documents constitutifs d’un Scot. Son périmètre doit faire l’objet d’une approbation par le préfet.
– Suppression de la possibilité d’élaborer des schémas de secteur : les schémas de secteurs venaient détailler le contenu du Scot. La loi Alur les a supprimés mais ceux qui ont été approuvés avant la date de publication de la loi, soit avant le 26 mars 2014, continuent à produire leurs effets.

Intégration de l’aménagement commercial :

– Le document d’aménagement commercial est remplacé par le document d’orientation et d’objectifs qui précise les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal.
– Suppression des zones d’aménagement commercial au profit d’une « localisation préférentielle du commerce ».
– Renforcement de la densité des aires de stationnement : la surface d’une aire de stationnement ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce.

La Gazette des communes, n°20/2222, 19 mai 2014, La loi Alur décryptée ; Le renforcement du rôle intégrateur du Scot par Arnaud Gossement et Marie Renouf, p.58

MARCHES PUBLICS 

Pénalités de retard : finalités et mise en œuvre

Les pénalités de retard sont prévues par les cahiers des clauses administratives générales (CCAG). Elles trouvent leur fondement dans l’article 12 du code des marchés publics qui prévoit que la durée d’exécution du marché est stipulée dans les pièces contractuelles.

Les pouvoirs adjudicateurs n’ont pas d’obligation de renvoyer à un CCAG (CE 30 déc. 2009, Sté Aquitaine Bio, req. n°319343) mais s’ils décident de l’appliquer, il leur est possible d’y déroger ou d’aménager certaines clauses.

La mise en œuvre des pénalités, dépourvue de tout formalisme
La seule constatation du dépassement du délai d’exécution entraîne l’application de la pénalité de retard (CE 15 nov. 2012, Hôpital de l’Isle-sur-la-Sorgue, req n°350867). L’administration n’a pas à mettre en demeure le cocontractant, à moins que cela soit prescrit par les stipulations contractuelles, ni à l’avertir de l’application de ces pénalités ou des modalités de calcul.
L’administration est tout de même assujettie à un formalisme consistant à préciser les pénalités de retard lors de l’établissement du décompte général.

Limites posées par la jurisprudence
Le juge administratif a un pouvoir de modulation des pénalités de retard. Sont ainsi sanctionnées celles qui atteignent un montant excessif ou dérisoire. La contestation du montant des pénalités de retard ne peut avoir lieu qu’au stade de la contestation du décompte général du marché.
L’administration doit prendre en compte à la fois le montant du marché et l’importance que revêtent les délais d’exécution. C’est sur la base de ces critères que se fera le contrôle du juge, le montant le plus communément admis étant de 10% du montant du marché (CAA Nantes 23 sept. 2011, Sté Plastic Omnimium, req. n°10NT02043).

La justification des pénalités
Si les pénalités de retard constituent un moyen d’assurer le respect des obligations contractuelles, elles permettent également de garantir la bonne exécution des marchés futurs. En effet, les pouvoirs adjudicateurs peuvent écarter un opérateur économique de l’attribution d’un marché lorsqu’ils démontrent que des pénalités ont été infligées du fait de manquements contractuels lors d’un précédent marché.

La Gazette des communes, n°18/2220, 5 mai 2014, Pénalités de retard : finalités et mise en œuvre par Carole Bontemps-Hesdin et Grégory Tachon, p.46-47

L’obligation de pondération des critères ne s’applique pas à la procédure de concours 

CAA Bordeaux 18 mars 2014 Groupe d’architecture Ellipse n°11BX03387, Jurisdata : n°2014-007709 

Une commune, un office public et une communauté d’agglomération ont lancé un avis d’appel à candidature pour un concours d’architecture et d’ingénierie organisé en vue de la rénovation urbaine d’un quartier.
Le jury, lors d’une première réunion, a classé en premier l’offre du groupe d’architecture Ellipse. Par une délibération ultérieure, le conseil municipal a choisi le projet qui était en deuxième position. La commune a avisé le groupe Ellipse du rejet de son offre et l’a informée par courrier des motifs du rejet de cette offre. Le groupe d’architecture ainsi que deux autres sociétés ont saisi le tribunal administratif, notamment de conclusions tendant à l’annulation des actes de la procédure de passation et à ce qu’il soit ordonné à la commune d’Agen la résolution amiable du marché ou à défaut de saisir le juge du contrat afin qu’il constate la nullité du marché.
Le tribunal administratif a rejeté ces demandes. Le groupe d’architecture a interjeté appel.

Les requérants ont notamment soulevé l’absence de pondération des critères de sélection des candidatures. Or, le II de l’article 53 du code des marchés publics prévoit que la pondération est exigée pour les « marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus ». En l’espèce, il s’agit d’une procédure de concours restreint de maîtrise d’œuvre. Par conséquent, les critères de sélection n’ont pas à être pondérés. La commune n’a donc pas manqué à ses obligations de mise en concurrence en s’abstenant de pondérer ces critères.
La cour administrative d’appel de Bordeaux a donc confirmé le jugement du tribunal administratif.

Les revues JurisClasseur, 15ème année, mai 2014, L’obligation de pondération des critères ne s’applique pas à la procédure de concours, p. 29

DROIT DE L’ARCHITECTURE 

Le contrat de performance énergétique 

Le contrat de performance énergétique (CPE) fait partie des dispositifs institués dans l’objectif de satisfaire l’engagement de la France constituant à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. En droit français, aucune définition légale ni réglementaire du CPE n’existe. L’objectif du CPE est, selon l’auteur de l’article, « la réalisation d’économies d’énergie par l’accomplissement d’un certain nombre d’actions, identifiées contractuellement et permettant d’atteindre des niveaux d’amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment ou de l’ouvrage concerné par ce contrat. »

Le recours à la forme des contrats existants de la commande publique : si l’article 5 de la loi « Grenelle I » recommande le recours au contrat de partenariat et au marché global, le recours à des marchés publics de travaux n’est pas à exclure sous réserve de garanties contractuelles prévoyant des niveaux d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Le contrat de partenariat public-privé : ce contrat présente certains avantages comme le fait, pour la personne publique, de rembourser le préfinancement des investissements nécessaires à la réalisation d’économies d’énergie tout au long de l’exécution du contrat de performance énergétique au moyen du paiement d’un loyer. En revanche, le contrat de partenariat se voit limité par le coût financier qu’il présente pour la personne publique. Le recours au bail emphytéotique apparaît alors plus judicieux pour les projets de plus petite envergure.

Le marché global permet de confier à un seul prestataire soit des missions de réalisation, d’exploitation ou de maintenance d’un bâtiment, soit de conception, de réalisation et d’exploitation ou de maintenance d’un bâtiment tout en lui assignant le respect d’engagements d’amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment. Les marchés globaux ne peuvent pas prévoir de clause de paiement différé.

Les CPE poursuivent une finalité à la fois environnementale et économique. Ils comportent des clauses relatives à des engagements de performance énergétique dans le cadre desquelles sont déterminées les méthodes utilisées ainsi que les sanctions appliquées par les collectivités publiques en cas de sous-performance ou de surconsommation énergétique. Les économies d’énergie ainsi réalisées doivent en principe permettre de rembourser les investissements réalisés pendant la durée du contrat. Mais en pratique, la totalité des investissements est rarement couverte pas les économies générées c’est pourquoi il est intéressant de recourir au mécanisme du « tiers investissement ».

Il faudrait ajouter à l’analyse de Nathalie Ricci le fait que les assureurs, en l’état, ne couvrent pas la responsabilité des architectes ou bureaux d’étude et préconisent vivement, comme la Mutuelle des Architectes français, d’insérer dans leur contrat la clause suivante :

Pour les travaux neufs :
D’une part,
« L’opération est réalisée dans le cadre de la réglementation thermique ou du label mentionné à l’article P 3 du CCP.
L’architecte s’emploie, dans le cadre de son obligation de moyen, à mettre en œuvre les solutions architecturales et techniques pour obtenir les performances thermiques visées ci-dessus.
Les résultats de consommations théoriques, obtenus à partir des logiciels de calculs, ne peuvent en aucun cas engager la maîtrise d’œuvre sur des consommations réelles dans la mesure où, dans ces consommations réelles, sont incorporées des consommations qui ne sont pas intégrées dans les réglementations et modèles de calcul et sont sujettes au comportement des occupants et aux conditions climatiques qui peuvent s’écarter notablement de la moyenne.
Les éventuelles contraintes particulières formulées par le maître d’ouvrage ne pourront en aucun cas introduire un lien entre les performances théoriques et les consommations réelles. »

Et d’autre part,
la définition de la consommation conventionnelle d’un bâtiment figurant à l’Annexe 1 de l’arrêté du 11 octobre 2011 : « La consommation conventionnelle d’énergie primaire d’un bâtiment, au sens de la réglementation thermique, est un indicateur exprimé en kilowattheure d’énergie primaire par mètre carré et par an [kWhep/(m².an)].

Elle prend en compte uniquement les consommations de chauffage, de refroidissement, de production d’eau chaude sanitaire, d’éclairage, des auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d’eau chaude sanitaire et de ventilation, déduction faite de la production d’électricité à demeure.

Elle est calculée selon les modalités définies par la méthode de calcul th-BCE 2012, en utilisant les données climatiques conventionnelles pour chaque zone climatique, et pour des conditions d’utilisation du bâtiment fixées, représentant des comportements moyens et s’appuyant sur des études statistiques. Les valeurs réelles de ces paramètres étant inconnues au moment de la réalisation du calcul réglementaire. Il peut apparaître des écarts entre les consommations réelles qui seront observées pendant l’utilisation du bâtiment et la consommation conventionnelle calculée. »

On le complètera par la mention suivante :
« la consommation conventionnelle est calculée pour un bâtiment dans sa globalité et non par appartement ou pour une partie de l’immeuble précisément désignée. »

En revanche, la MAF ne pourra garantir l’architecte des engagements en termes de performance énergétique allant au-delà des exigences de la RT 2012, exception faite du label.

Pour les RT de bâtiments existants, la MAF renvoie à la réglementation en vigueur des articles L111.10 et R131-28 du code de la construction.

La Gazette des communes, n°19/2221, 12 mai 2014, Le contrat de performance énergétique par Nathalie Ricci, p.50-52

La déclaration de risques en questions 

Cour de cassation, ch. Mixte, 7 févr. 2014, n°12-85.107 

La chambre mixte de la Cour de cassation a eu l’occasion, le 7 février 2014, de trancher une question qui a fait l’objet de divergences entre la deuxième chambre civile (Civ., 2ème, 16 déc. 2010, n°10610.859) et la chambre criminelle (Crim. 18 sept. 2007, n°06-84.807).

Cette question est relative au contentieux des assurances, lorsque l’assureur oppose une fausse déclaration de risques à l’assuré et sollicite une sanction qui en découle à savoir la nullité du contrat lorsque la déclaration est intentionnellement inexacte ou bien la résiliation du contrat ou réduction proportionnelle de l’indemnité en cas de simple erreur ou omission.
Il s’agissait en l’espèce d’un accident de la circulation. Le conducteur d’un des deux véhicules impliqués a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires aggravées. Les parties civiles ont mis en cause l’assureur du conducteur qui a opposé la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle. Afin de pouvoir mettre en œuvre ces sanctions, l’assureur doit être capable de démontrer l’inexactitude de la déclaration de l’assuré.

C’est sur cette démonstration que les points de vue de la deuxième chambre civile et de la chambre criminelle divergent. En effet, la deuxième chambre civile estime que cette démonstration peut se faire par différents moyens notamment par téléphone avec consignation ultérieure des réponses de l’assuré sur un document signé de sa main alors que la chambre criminelle n’accepte que le questionnaire de déclaration de risques.

La chambre mixte a adopté la position de la chambre criminelle, à savoir l’exigence de production du questionnaire de déclaration de risques. Elle a en effet considéré, en combinant les textes des articles L. 113-2, 2°, L. 112-3, al. 4 et L. 113-8 du code des assurances que « l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées auxdites questions ». Cette solution a notamment pour conséquence de déresponsabiliser l’assuré qui, bien qu’ayant apposé sa signature, peut échapper à toute sanction dès lors que l’assureur n’a pas produit le questionnaire de déclaration de risques. Elle pose également la question de son adaptation aux contrats en cours. En effet, la seule solution qui s’offre aux assureurs est la conclusion d’un nouveau contrat, ce qui est économiquement impossible.

Recueil Dalloz, 190ème année, 15 mai 2014, n°18/7599, La déclaration de risques en questions par Anne Pélissier, p. 1074 à 1081

DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 

Le vendeur doit informer l’acquéreur de la pollution du terrain 

Cass 3ème civ ; 11 mars 2014, n°12-29556, « Société Prodeco c/ société Le Clos des artistes et a. » 

La Cour de cassation, par cet arrêt, vient préciser la portée de l’obligation d’information pesant sur le vendeur d’un terrain.

En l’espèce, une société a vendu un terrain à une autre entreprise qui en a cédé une partie à une SCI. La première société a déclaré ignorer que l’immeuble vendu avait été le siège de l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) et a refusé de prendre à sa charge les frais de dépollution apparus nécessaires. L’entreprise ainsi que la SCI l’ont donc assignée en indemnisation sur le fondement de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement.

La Cour de cassation a estimé que la seule circonstance que la société n’ait pas eu connaissance de telles installations n’est pas de nature à l’exonérer de l’obligation d’information pesant sur tout vendeur d’un terrain sur lequel a été exploitée une ICPE. Cette obligation d’information est une obligation de résultat. De surcroît, la déclaration inexacte n’a reposé sur aucune investigation ce qui permet de caractériser la mauvaise foi du vendeur que ne peut donc se prévaloir de la clause d’exonération de garantie.

Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°5763, 9 mai 2014, Le vendeur doit informer l’acquéreur de la pollution du terrain, p13.