Michel HUET
En collaboration avec Lucie ROBERT
URBANISME
• Le bénéfice des adaptations mineures au PLU
CE, 6e et 1re sous-sect. 11 février 2015, n°367414, Mme D.
En vertu du premier alinéa de l’article L.123-1-9 du code de l’urbanisme, « les règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme ne peuvent faire l’objet d’aucune dérogation, à l’exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ». Dans cette décision, le Conseil d’Etat estime que l’administration doit étudier spontanément si le permis de construire peut bénéficier d’adaptations mineures prévues à cet article. Ainsi, à l’appui de sa contestation du refus de délivrance du permis de construire, le pétitionnaire peut se prévaloir de l’exigence d’adaptations de son projet aux règles d’urbanisme applicables même s’il n’en n’a pas fait état dans sa demande à l’autorité administrative.
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 8, 23 Février 2015, act. 195, L’adaptation mineure n’est plus une option, veille par Lucienne Erstein
• La délimitation des pouvoirs du syndic lors de la demande d’une autorisation d’urbanisme
CE, 5e et 4e sous-sect. 11 février 2015, n°366296, Syndicat des copropriétaires du 12 rue de Tournon
Les articles 25 et 26 de la Loi du 10 juillet 1965 définissent les règles de majorité, au sein du syndicat, pour réaliser des travaux comportant transformation, aliéner des parties communes, autoriser des copropriétaires à réaliser des travaux affectant les parties communes… La décision du 11 février 2015 rappelle les compétences dévolues au syndic pour déposer une demande d’autorisation. En effet, l’assemblée délivre à « certains copropriétaires l’autorisation d’effectuer à leur frais des travaux affectant les parties communes, la délibération, si elle permet aux intéressés de déposer une demande de permis de construire ou de démolir, ne saurait être interprétée comme donnant mandat au syndic pour déposer une demande d’autorisation pour leur compte ». Ainsi, le syndic sera habilité à demander le permis que si les copropriétaires concernés lui délivrent un mandat pour présenter une telle demande en leur nom.
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 8, 23 Février 2015, act. 192, Habilitation de fait du syndic de copropriété, veille par Lucienne Erstein
• Appréciation de la conformité au PLU lors de l’extension d’un bâtiment situé sur 2 zones
CE, 6e et 1re sous-sect., 11 février 2015, n°366809
Au regard des faits, le maire a délivré à la société requérante un permis de construire en vue de régulariser les travaux d’extension effectués sur un bâtiment à usage industriel. Cette extension était à cheval sur deux zones, dont l’une où les constructions à usage industriel sont interdites (selon le PLU). Le 11 février 2015, la Haute juridiction administrative retient, à juste titre, que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. En effet, « pour apprécier la conformité du projet aux articles du règlement du plan local d’urbanisme relatifs aux affectations et utilisations du sol interdites dans les différentes zones, de se référer à la destination de la construction faisant l’objet de l’extension litigieuse, et non de se fonder sur l’usage auquel devaient être affectés les locaux abrités par cette extension ».
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 8, 23 Février 2015, act. 194, L’extension ne cache pas l’existant, veille par Lucienne Erstein
• L’encadrement de la revente d’un bien préempté
CAA Lyon 27 janvier 2015, n°13LY01579, Sté Félix transports c/ Cne Chaponnay
Au regard des faits, la commune avait préempté un bien en vue de le céder à une entreprise nommément désignée dans la décision de préemption. Le cessionnaire initial ne pouvant pas payer le terrain, la commune peut le céder à une autre entreprise. Dans la mesure où le nouvel acquéreur justifie d’un projet permettant de répondre à l’objectif de la commune, à savoir permettre le développement de l’activité économique (« promouvoir l’emploi et l’attractivité de la zone industrielle où se trouve la parcelle »), la décision de préemption est validée.
Depuis 2006 , la jurisprudence du Conseil d’Etat admet qu’un terrain puisse être préempté dans le seul but d’être revendu à une entreprise qui souhaite développer son activité, dès lors que l’action ou l’opération qui fonde la préemption répond bien à l’un des objectifs figurant dans ces dispositions. Puis, dans une décision du 27 janvier 2015, la Cour administrative d’appel de Lyon applique strictement cette faculté dès lors que la cession du terrain à des entreprises répondait à l’un des objectifs mentionnés, à savoir le développement économique. Ainsi, la délibération approuvant la cession, à une autre entreprise que celle indiquée dans la DIA, ne retirait pas la décision de préemption initiale.
Source : Construction – Urbanisme n° 3, Mars 2015, comm. 34, Conditions de réaffectation et de revente d’un bien préempté, commentaire par Xavier COUTON
• Le principe d’égalité au regard d’un permis délivré à titre précaire
CE, 18 février 2015, n°385959, Association de valorisation du quartier Maillot Dauphine
La Haute juridiction a statué sur la compatibilité du principe d’égalité et de l’autorisation, à titre exceptionnel, de délivrer une autorisation précaire ne respectant pas les prescriptions d’urbanisme (art. L433-1 Code de l’urbanisme). Ainsi, elle applique les règles dégagées par la jurisprudence Union des chambres syndicales de l’industrie du pétrole (CE 31 octobre 1990 n°82793) : des règles différentes peuvent être appliquées à des personnes se trouvant dans des situations différentes, sous réserve d’un rapport direct avec l’objet de la Loi qui établit l’exception.
En l’espèce, les conditions du respect du principe d’égalité sont remplies. D’une part, le titulaire d’un tel permis est placé dans une situation différente de celle du titulaire d’un permis ou d’une autorisation d’urbanisme de droit commun. D’autre part, la différence de traitement, instituée entre le titulaire d’une autorisation précaire et celui d’une autorisation de droit commun, est en rapport direct avec l’objet de la Loi qui l’établit. En effet, elle autorise « à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l’ensemble de la règlementation d’urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d’ordre économique , social, culturel ou d’aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d’urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d’assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet ». En définitive, l’atteinte au principe d’égalité, figurant parmi les droits et libertés garantis par la Constitution, n’est pas disproportionnée.
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 9, 2 Mars 2015, act. 219, La précarité de l’autorisation ne rompt pas l’égalité, veille par Lucienne Erstein
• L’éolienne domestique : un régime administratif favorable face à la nuisance sonore
Réponse ministérielle n° 42793 : LOAN Q 16 décembre 2014, p. 10546
L’installation d’une éolienne domestique peut être avantageuse. D’une part, un dispositif de soutien basé sur l’obligation d’achat de l’électricité, par EDF ou par les entreprises locales de distribution, s’applique aux éoliennes domestiques. Toute installation éolienne bénéficie de cette obligation d’achat, sans condition d’implantation. D’autre part, les éoliennes domestiques installées par des particuliers sont éligibles au crédit d’impôt dédié au développement durable. Ainsi, les éoliennes domestiques bénéficient d’un régime administratif favorable : l’article R421-2 du code de l’urbanisme dispense de toute formalité au titre du code (sauf si elles sont implantées dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé), les éoliennes dont la hauteur est inférieure à 12m et certains ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire. Toutefois, les nuisances provoquées par ces éoliennes peuvent donner lieu à des litiges devant l’ordre judiciaire, voire des poursuites pénales.
Le Ministre de l’écologie soutient que l’ensemble des outils juridiques existants permet de maîtriser le développement du petit éolien à proportion des enjeux d’urbanisme, sans qu’il apparaisse nécessaire d’alourdir le droit applicable à ce type de projet. L’implantation d’une éolienne domestique échappe à tout contrôle au titre de la procédure dans la législation sur les installations classées. Toutefois, la commune ou l’EPCI compétent a la possibilité de définir des règles opposables à l’implantation des ces éoliennes dans leur document d’urbanisme.
Source : Construction – Urbanisme n° 3, Mars 2015, alerte 21, Régime juridique applicable au « petit éolien », Focus par David GILLIG, avocat au barreau de Strasbourg, associé de la SELARL Soler-Couteaux/Llorens.
• La recevabilité de la demande d’annulation des prescriptions d’une autorisation d’urbanisme
CE, 13 mars 2015, n°358677
La Haute Juridiction renverse une ancienne jurisprudence (CE, 12 oct. 1962, n°55655) en admettant la recevabilité du recours du titulaire d’une autorisation d’urbanisme contre les prescriptions dont elle était assortie. Au regard des faits, la requérante conteste un arrêté assortit de prescription concernant des éléments de peinture.
Selon le Conseil d’Etat, l’administration peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions à condition que celles-ci entrainent des modifications sur des points précis et limités, sans qu’il soit nécessaire de présenter un nouveau projet. Ces modifications doivent assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et règlementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect. Par ailleurs, le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est recevable à demander l’annulation d’une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie au regard du bien fondé des prescriptions en cause. Suite à son appréciation, le juge peut annuler certaines prescriptions illégales sans pour autant remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme. En définitive, « ces prescriptions ne forment pas avec elle (l’autorisation d’urbanisme) un ensemble indivisible ».
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 12, 23 Mars 2015, act. 276, le titulaire affronte la prescription illégale, veille par Lucienne Erstein
• La définition des objectifs lors de la délibération ouvrant une concertation préalable
Cour d’appel administrative de Lyon, 27 janvier 2015, n° 14LY01961, Commune de Saint-Bon-Tarentaise
En l’espèce, la Commune a approuvé la révision du POS et sa transformation en PLU suite à la délibération. Les requérants font valoir que les objectifs n’ont pas été clairement définis, au regard de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, et que le vice est substantiel. La délibération contestée prescrit la révision du PLU établissant une liste de « grands enjeux » sans réelle consistance. Or, la Cour administrative d’appel soutient que « l’absence de définition des objectifs de la révision relevée ci-dessus met en cause, non pas la procédure d’adoption de la délibération, mais son contenu même, s’analysant ainsi comme un vice de légalité interne ». Finalement, la méconnaissance de cette obligation, qui affecte le contenu même de la délibération, est de nature à entraîner l’illégalité du document d’urbanisme approuvé.
Cependant, l’article L.600-1 du code de l’urbanisme, limitant la possibilité d’invoquer un vice de forme ou de procédure d’un document d’urbanisme par voie d’exception, s’applique également à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme à l’égard de la délibération approuvant ledit document. Renommer le vice affectant la délibération en vice de légalité interne constitue le seul moyen de mettre de côté la jurisprudence Commune de Laffrey du 23 décembre 2014 (n°368098). En effet, l’article L.600-1 ne permet pas d’apprécier le caractère substantiel ou non du vice. Toutefois, cette décision est critiquable puisque, dans le cadre de l’élaboration d’un document d’urbanisme, la qualité de la rédaction de la délibération prescrivant l’élaboration du PLU, s’agissant des objectifs de la concertation n’apparaît que pouvoir être qualifié d’obligation formelle et ainsi se rattacher à un vice de légalité externe, à l’égard de la décision approuvant le PLU.
Source : Construction – Urbanisme n° 3, Mars 2015, comm. 33, Concertation préalable, la série s’offre une nouvelle saison, Commentaire par Laetitia SANTONI
• Rappel sur le déclassement d’un bien appartenant au domaine public
Rép. min. n° 60794 : JOAN Q 6 janv. 2015 et rép. min. n° 13979 : JO Sénat Q 8 janv. 2015
La domanialité publique est un régime fonctionnel destiné à protéger une affectation et non un régime foncier. Selon l’article L. 2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, les biens doivent en principe être désaffectés puis déclassés pour sortir du domaine public. Dans ce cadre, une question est posée au ministre de l’Intérieur lors de la réhabilitation d’une caserne de gendarmerie par une commune, en vue d’y permettre l’aménagement de commerces et de logements destinés à l’accession à la propriété. De plus, la commune souhaite soumettre cet ensemble immobilier au régime de la copropriété.
Toutefois, le ministre rappelle que le régime de la copropriété est incompatible tant avec le régime de la domanialité publique qu’avec les caractères des ouvrages publics. Ainsi, pour qu’un bien appartenant au domaine public soit placé sous le régime de la copropriété, il doit être préalablement déclassé. Ce déclassement doit être exprès. En effet, celui-ci ne peut être implicite ou tacite, étant précisé qu’une désaffectation de fait d’une dépendance ne suffit pas à la faire basculer dans le domaine privé (CE 15 Février 2012).
Source : Construction – Urbanisme n° 3, Mars 2015, alerte 26, Rappel utile sur le régime de la copropriété et du déclassement d’un bien appartenant au domaine public, veille par David GILLIG
• Le détournement de pouvoir lors de la modification d’un document d’urbanisme
Cour administrative d’appel de Lyon, 19 novembre 2014, n°14LY00659
Une société (SCI l’Hôtel-Dieu) a conclu une promesse de vente unilatérale avec un centre hospitalier universitaire (CHU), dans le cadre du renouvellement urbain de l’Hôtel-Dieu. Les jours suivants, la municipalité décide de modifier le POS, réduisant de moitié les droits à construire sur la parcelle et consacrant le tiers du site à la réalisation d’espaces verts, est en contradiction avec le parti d’urbanisme retenu. Or, avant la modification, le règlement applicable était conçu dans le sens d’une densification du secteur
Finalement, la Cour d’appel a rendu un arrêt estimant que la modification litigieuse du POS avait « pour effet une réduction de moitié des droits de construire contraire au parti d’urbanisme antérieurement adopté, incompatible avec l’orientation prioritaire du SCOT du grand Clermont et soustrayant l’aménagement du site à la procédure de révision en cours, n’a eu d’autre finalité que de faire échec à la transaction immobilière conclue entre le CHU et la SCI Hôtel-Dieu, dont l’obtention d’un permis d’aménager un ensemble immobilier d’une surface de plancher équivalente à … m2 constituait l’une des conditions suspensives ». Donc, elle annule la délibération ainsi que le jugement du tribunal administratif rejetant la requête des acquéreurs pour erreur de droit, erreur manifeste d’appréciation et détournement de pouvoir.
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 4, 26 Janvier 2015, act. 80, L’atteinte à l’économie générale d’un plan d’occupation des sols, veille par Lucienne Erstein
• Obligation de joindre une étude d’impact au dossier de demande de permis de construire
CE, 25 février 2015, n°367335
Selon la procédure, la cour administrative d’appel a annulé deux permis de construire relatifs à la modernisation d’une station d’épuration, au motif tiré de l’absence d’étude d’impact relative à ce projet. Or, la haute juridiction administrative casse l’arrêt de la cour d’appel. Elle estime que « en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R.431-16 du code de l’urbanisme ».
En effet, le Conseil d’Etat déduit, des articles L.421-6 et R.431-16 du code de l’urbanisme et R.122-5 et suivants du code de l’environnement, que l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire « ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ».
Source : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 10-11, 9 Mars 2015, act. 244 ,Une étude d’impact, vraiment ?, veille par Lucienne Erstein
DROIT DE L’IMMOBILIER
• Précisions sur le droit réel de jouissance spéciale
Cass°, 3e Civ. 28 janvier 2015, n°14-10.013, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble 11 rue de la Halle aux Toiles c/ ERDF
La reconnaissance de droit réel de jouissance spéciale, illustration de la souplesse du droit de propriété, permet au propriétaire d’un bien de le valoriser en en attribuant, moyennant un certain prix, une jouissance particulière et au bénéficiaire de celle-ci d’en tirer profit. Ce type de droit réel peut avoir pour objet toute sorte d’utilisation ou d’exploitation de meubles ou immeubles. Reste à savoir si ces démembrements de la propriété peuvent être perpétuels ou s’ils sont nécessairement temporaires.
La Cour de Cassation soutient que le droit réel de jouissance spéciale d’un bien « s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du Code Civil ». Autrement dit, il ne dure que 30 ans, comme l’usufruit accordé à une personne morale.
Ainsi, elle affirme implicitement qu’une stipulation de perpétuité serait nulle. Cependant, cet arrêt reste critiquable puisque la Haute Juridiction laisse une latitude aux parties pour définir elles mêmes le terme de leur droit réel de jouissance spéciale. Donc, en l’absence de texte fixant une durée maximale, les parties pourraient convenir que leur droit réel de jouissance spéciale soit héréditaire, stipulé pour une durée anormalement longue ou même pour la durée de vie d’une personne morale (cf arrêt La Maison de Poésie) qui peut présenter une vocation à la perpétuité.
En définitive, au fond, la Cour de cassation a justement fermé la porte de la perpétuité de droit, mais elle a curieusement laissé ouverte celle qui peut s’apparenter à une perpétuité de fait.
Source : RDI 2015, p.175, Le « droit réel de jouissance spéciale » ne peut pas être perpétuel, par Jean-Louis Bergel, Professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille.
DROIT DE LA CONSTRUCTION
• Confirmation de la jurisprudence récente : un élément dissociable « non destiné à fonctionner » relève de la responsabilité de droit commun, sauf impropriété à la destination.
Cass., 3e civ., 27 janvier 2015, n°13-25.514
Cette décision est une confirmation de la récente jurisprudence. L’objectif est de réduire la catégorie des éléments d’équipement et plus encore le domaine de la garantie biennale. Du côté législatif, depuis l’ordonnance du 8 juin 2005, l’article 1792-7 décide que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage, au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ». Du côté de la jurisprudence, ont été écartés de la biennale les travaux de peinture, les enduits, les moquettes et les tissus tendus. Il s’agissait d’une jurisprudence au cas par cas jusqu’à l’arrêt du 11 septembre 2013 qui a posé le principe général que « les désordres ne compromettant pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendant impropre à sa destination, affectant un élément dissociable de l’immeuble, non destiné à fonctionner relèvent de la garantie de droit commun ».
Finalement, la solution est avantageuse pour la victime dans la mesure où elle dispose d’une garantie plus longue que les deux ans de la biennale.
Source : Confirmation : le carrelage, élément dissociable « non destiné à fonctionner », relève de la responsabilité de droit commun, sauf impropriété à la destination, article de P. Malinvaud, RDI 2014, p.185
RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS
• L’immixtion fautive du maître de l’ouvrage.
Cass., 3e civ., 21 janvier 2015, n°13-25.268
En l’espèce, un marchand de biens avait pris l’initiative de la construction d’une maison d’habitation et avait confié la réalisation du gros œuvre et du second œuvre à une société. Le marchand s’était réservé la réalisation des certains travaux, dont les cloisons. Or, une fois la maison vendue, constatant un défaut sur les cloisons, les acheteurs ont recherché la responsabilité du vendeur (le marchand de biens) et de la société.
La Cour de cassation affirme que les juges du fond « ont pu déduire que M.P. n’avait pas commis d’immixtion ou de faute ayant concouru à la réalisation des dommages ». Elle souligne que l’exercice de la profession de marchand de biens ne confère pas de compétence notoire en matière de construction. En outre, la pose des cloisons, fraction limitée de l’ensemble des travaux réalisés par le marchand de biens, n’était pas la cause directe des désordres.
En réalité, l’intérêt principal de l’arrêt tient à ce qu’il décide que l’assurance de garantie décennale pour les opérations de construction neuve de maisons individuelles s’étend à toute l’activité du constructeur de maisons individuelles, et notamment comme en l’espèce à la réalisation de travaux selon marchés.
Source : Conditions de l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage notoirement compétent, par P. Malinvaud, RDI mars 2015, p. 137
MARCHES PUBLICS
• Le référé provision pour lutter contre les impayés
Pour faire face aux impayés dans les marchés publics, les opérateurs économiques ne sont pas tenus d’attendre le décompte général. Ils peuvent d’emblée solliciter du tribunal administratif la condamnation de l’acheteur public. Le référé provision leur garantit une réponse rapide.
Le recours au référé provision a cinq avantages : le jugement est rapide (cinq à six mois en moyenne), il peut être accompagné d’un recours au fond, il peut être déposé par le représentant légal de la société sans justifier d’un habilitation à agir en justice (donnée par l’organe collégial), préalablement à la saisine du juge l’entreprise n’et pas tenue de mettre en demeure l’administration de régler la somme demandée, enfin la recevabilité du référé provision n’est subordonnée à aucune demande préalable.
Le rôle du juge est immuable, il doit vérifier que la créance de l’entreprise sur l’administration est incontestable dans son principe.
Source : Revue La Gazette, mars 2015,le référé provision pour lutter contre les impayés, par d’Etienne Colson, avocat au barreau de Lille.
MARCHES PRIVES
• L’effectivité des clauses de conciliation préalable dans le contrat d’architecte
Cour de Cassation, ch. Mixte, 12 décembre 2014, n°13-19.684, Sté Proximmo c/ Sté Arnal-lafon-Cayrou
Les modes alternatifs de règlement des litiges ont le vent en poupe. La Cour de Cassation, sur le fondement de la force obligatoire du contrat, souhaite redonner toute la vigueur aux clauses de conciliation préalable.
Au regard des faits, un promoteur signe un contrat avec une société d’architecture dans lequel les parties contractantes ont inclus une clause de saisine préalable du conseil régional des architectes avant tout contentieux. Souhaitant engager la responsabilité de l’architecte, le promoteur assigne la société d’architecture en paiement de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1146 et suivants du code civil. Alors que le tribunal de grande instance accepte l’action du promoteur, en revanche, la cour d’appel la déclare irrecevable pour ne pas avoir respecté la clause contractuelle qui oblige les contractants à saisir, préalablement à toute action en justice, le conseil régional des architectes. La Cour de Cassation devait décider si la mise en œuvre d’une telle clause en cours d’instance vaut régularisation de la situation, le but étant d’échapper à la fin de non recevoir. Elle répond par la négative.
Souhaitant garantir l’effectivité des clauses qui instituent une procédure de conciliation préalable à toute saisine du juge, la chambre mixte refuse paradoxalement leur mise en œuvre en cours d’instance. Par le recours à la fin de non recevoir, elle oblige les contractants à respecter le caractère obligatoire et préalable de ces clauses. La violation d’une clause de conciliation préalable ne se solde pas par des dommages et intérêts, mais par une fin de non-recevoir entraînant l’irrecevabilité de l’action en justice. En définitive, la fin de non recevoir a ceci de paradoxal qu’elle permet d’exiger l’avantage que le contrat permettait d’espérer.
Source : L’effectivité des clauses de conciliation préalable dans le contrat d’architecte, par Karine De la Asuncion Planes, RDI avril 2015 p. 179
DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
• Le régime de l’éco-PTZ
L’éco-PTZ, crée en 2008, est la dénomination usuelle de l’avance ne portant pas d’intérêt ou remboursable sans intérêt, destiné à financer les travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements anciens. Si ce projet participe de l’objectif initial ambitieux, résultant du Plan bâtiment grenelle de l’environnement, visant à réduire la consommation énergétique, en particulier des logements, de 38% à l’horizon de 2020, il s’intègre au volet énergétique du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte dans dimension financement.
La distribution de l’éco prêt à taux zéro (éco-PTZ), dont le régime est attractif sur plusieurs points (bénéficiaires non soumis à des plafonds de ressources, simplification du montant maximal et de durée du prêt, aide non limitative de l’Etat et, pour les prêteurs, modalités de l’aide calquées sur celle au PTZ) a vu essentiellement l’obstacle de la justification de l’éligibilité des travaux transféré des prêteurs, qui n’ont pas de compétence en la matière, aux entreprises pour ce qui relève de leur compétence, par la loi de finances rectificative du 8 août 2014.
Au-delà de l’obligation d’information et de conseil du prêteur, qui n’est pas simple pour l’éco-PTZ, se pose la question de respect de la « norme » de performance énergétique, et dont la réponse pourrait affecter sa distribution.
Pour s’assurer du respect de la règlementation relative aux travaux et pour en permettre concrètement le contrôle, le dispositif impose à tout emprunteur de joindre au dossier de prêt différents formulaires à compléter, fonction de la qualité des emprunteurs et de la nature des travaux éligibles. La sanction de l’éligibilité des travaux transférée des prêteurs aux professionnels précise que « lorsque le devis ou la facture visant tout ou partie des travaux financés ne permettent pas de justifier des informations figurant dans le descriptif, l’entreprise réalisant des travaux est redevable d’une amende égale à 10% du montant des travaux non justifiés.
Source : L’éco-PTZ, vecteur opérationnel de la rénovation énergétique des logements anciens, par Henri Deugas-Darraspen,, RDI avril 2015 p. 165
DROIT DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES
• L’action en indemnisation exercée par un architecte
Tribunal des conflits, 7 juillet 2014, n°3955
Aux termes de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle, « les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, déterminés par voie règlementaire ». Dès lors, les actions intentées par les architectes contre les maîtres d’ouvrage public afin de respecter leur droit moral ne relèvent plus du juge administratif. Or, l’absence de toute disposition législative contraire relative aux ouvrages publics ne devrait pas encourager le Tribunal à introduire une exception à ce bloc de compétences judiciaires.
Les conséquences de cet arrêt ne seront pas anodines en matière de travaux publics. Il convient de rappeler que l’architecte d’un ouvrage public peut s’opposer à sa destruction ou à sa modification, mais son droit n’est pas absolu puisqu’il doit composer avec les nécessités du service public. En outre, depuis quelques années, le juge administratif n’a pas hésité à se reconnaître compétent pour statuer sur le recours pour excès de pouvoir contre la décision du maître d’un ouvrage public de le détruire ou encore pour statuer sur l’action en indemnité de l’architecte dont l’œuvre avait été soit altérée soit détruite par son propriétaire public. Désormais, il faudra probablement dissocier les deux contentieux.
Source : RDI avril 2015 p.180, L’action en indemnisation de l’architecte d’un ouvrage public, de N. Foulquier.