Michel HUET
En collaboration avec Marie THEBAULT
De l’importance du formalisme dans les contrats d’assurance
Cass. Civ., 2ème, 22 octobre 2015, n° 14-21909
Les polices d’assurance désignées par l’article R112-1 du Code des assurances doivent rappeler certaines dispositions relatives à la prescription des actions du contrat d’assurance qui figurent au sein des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances. Aux termes de ces dispositions, les actions qui dérivent d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans.
En l’espèce, une cour d’appel statuant à propos d’un contrat d’assurance, a considéré que celui-ci ne contenait pas de clause relative à la prescription biennale. La Cour de cassation juge que la cour d’appel avait souverainement apprécié la portée d’une clause de renvoi dans le contrat qu’elle avait considéré comme ambigüe et avait dès lors, retenu « qu’elle était insuffisante pour faire rentrer dans le champ contractuel les stipulations du contrat de première ligne relatives à la prescription biennale ». C’est donc à bon droit que l’inobservation par l’assureur du formalise prévu par le Code des assurances entraine, à titre de sanction, l’inopposabilité du délai de prescription biennale et ce, quelle que soit la qualité de l’assuré, y compris s’il s’agit d’un professionnel de l’assurance.
Source : La Gazette du Palais, du 13 au 15 décembre 2015, n° 347 à 349, « Clause de renvoi pour l’information sur la prescription et la déchéance, et questions claires et précises pour la déclaration du risque », par David Noguéro
Droits d’auteur
Actualité 2015 en matière de droit d’auteur dans l’économie numérique
L’actualité du droit d’auteur dans l’économie numérique a été, de juillet 204 à juillet 2015, particulièrement foisonnante. Il convient de citer plusieurs textes et décisions intervenus en cette matière.
Le nombre de textes concernant le droit d’auteur en matière numérique est relativement important. Premièrement, l’ordonnance n° 2014-1348 en date du 12 novembre 2014 a réformé le contrat d’édition des livres imprimés et des livres numériques, et introduit de nouvelles règles dans le code de la propriété intellectuelle. Parmi les nouvelles dispositions, on peut citer l’obligation d’insérer dans un contrat de cession une partie distincte pour la cession des droits numériques, pour les cessions intervenant à compter du 1er décembre 2014. De plus, les modalités de publication d’un livre numérique sont clairement encadrées et font l’objet de nouvelles dispositions. Par ailleurs, l’ordonnance du 12 novembre envisage « les conditions dans lesquelles un éditeur doit respecte son obligation d’exploitation permanente et suivie afin d’assurer une diffusion active du livre et lui donner toutes es chances de succès ». En outre, l’ordonnance prévoit la possibilité l’auteur ou l’éditeur d’un contrat d’édition conclu à partir du 1er décembre 2014 de résilier unilatéralement celui-ci, sous certaines conditions. L’ordonnance prévoit également des dispositions qui ne s’appliquent qu’aux livres numériques, concernant notamment les modalités de rémunération.
Deuxièmement, une loi n° 2015-195 du 20 février 2015 et un décret n° 2015-506 du 6 mai 2015 sont intervenus pour transposer les directives n° 2012/28/UE et 2011/77/UE relatives à la durée des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. Ces textes sont venu encadrer l’utilisation des œuvres orphelines ainsi que les droits dont sont titulaires les interprètes et producteurs sur les phonogrammes.
La jurisprudence a elle aussi été très abondante. Parmi les nombreuses décisions on peut citer la décision de la CJUE qui a décidé que la fourniture de liens internet vers des œuvres présentes sur un site internet ne doit pas être considéré comme un acte de communication au public (CJUE, 21 octobre 204, affaire C-348/13, BestWater International), ou encore un arrêt de la CJUE en date du 5 mars 2015 qui est venu apporter des précisions concernant la problématique de la copie privée (CJUE, 5 mars 2015, affaire C-463/12, Copydan Bandkopi c/ Nokia Danmark). Il a également été jugé par la cour de cassation qu’un site internet n’échappe pas aux droits exclusifs de l’auteur lorsque ce site reproduit des et représente des œuvres d’art, et qu’il propose des informations sur les cotations du marché de l’art, sans aucun lien exclusif avec l’actualité (Cass. Civ 1ère, 10 septembre 2014, n° 13-14.532).
Aussi, la CJUE a considéré que le droit de mise à disposition du public, prévu par l’article 3 de la directive n° 2001/29/CE « ne concerne que les transmissions interactives à la demande et non la diffusion d’émissions en direct sur un site Internet » (CJUE, 26 mars 2015, affaire C-279/13, C More Entertainment AB c/ Linus Sandberg).
Source : Droit & Patrimoine, novembre 2015, n° 252, « Juillet 2014-Juillet 2015 : solutions ponctuelles pour le droit d’auteur dans l’économie numérique », par Dominique Velardocchio
La fanfiction
La fanfiction consiste, « pour le lecteur « fan » d’un roman, à en inventer la suite ou une intrigue dérivée ». Il s’agit de mettre en scène, dans une intrigue différente, les passages originaux d’une œuvre préexistante, ou de s’en inspirer largement. On peut citer comme exemple de fanfiction, la trilogie « Cinquante nuances de Grey » écrite par Erika Leonard James, inspirée de la saga « Twilight » de Stephenie Meyer. Au départ, les fanfictions sont destinées à être publiées sur Internet, sans but lucratif. Mais certaines fanfictions deviennent de véritables best-sellers.
La question qui se pose est donc celle de savoir si ce procédé qui consiste à s’inspirer d’une œuvre originale et à la diffuser est licite, ou si elle constitue une contrefaçon du fait des analogies entre les créations.
Les tribunaux n’ont pas encore eu l’occasion de connaître d’un litige concernant une fanfiction et de déterminer s’il s’agit d’un procédé licite ou non au regard des droits d’auteurs et des dispositions issues du Code de la propriété intellectuelle. La question fait donc encore débat. Toutefois, il est loisible de penser que la fanfiction ne serait permise qu’à la condition qu’une cession des droits soit intervenue. A défaut, la contrefaçon pourrait être caractérisée. Etant données les spécificités que revêt la fanfiction, il est évident que l’appréciation des juges se ferait au cas par cas.
Enfin, sans aller jusqu’à la qualification de fanfiction, il est permis de s’inspirer d’une œuvre sans risquer de tomber dans le champ de la contrefaçon, puisque les idées sont de libre parcours. La subtilité réside dans la frontière existant entre l’idée librement utilisable et le risque de contrefaçon, la frontière entre l’emprunt licite et l’emprunt illicite. Dans cette hypothèse, les juges font une appréciation au cas par cas.
Source : Les Petites Affiches, 24 novembre 2015, n° 234, « La fanfiction : un plagiat toléré ? Une adaptation illicite ? Une création soulevant de multiples questionnements juridiques », par Séverine Dupuy-Busson
Urbanisme
Délivrance de permis de construire des éoliennes et prescriptions spéciales édictées par le préfet
CE, 16 octobre 2015, n° 385114
Des permis de construire des éoliennes et un parc de livraison ont été délivrés à une société par six arrêtés préfectoraux. Ces arrêtés prescrivaient au titre de l’environnement, la plantation de haies sur des parcelles privées qui n’appartenaient pas au pétitionnaire. La cour administrative d’appel de Lyon a annulé cinq des six arrêtés.
Le Conseil d’Etat juge que, quand bien même, le préfet ne s’est pas assuré de l’accord des propriétaires des parcelles concernant l’implantation de haies sur leur terrain, cette circonstance n’est pas de nature à entacher d’illégalité les permis attaqués, qui ont été délivrés sous réserve des droit des tiers. Le Conseil d’Etat ajoute que le parc d’éoliennes ne pourra être légalement construit conformément aux permis délivrés qu’à la condition que les haies aient pu être plantées. Le pourvoi est rejeté.
Source : Le Moniteur, Jurisprudence, Urbanisme, « Légalité d’un permis de construire assorti de prescriptions spéciales »