ACTUALITÉS JURISPRUDENTIELLES, DOCTRINALES, LÉGALES & RÉGLEMENTAIRES

ARCHITECTURE – MAITRISE D’ŒUVRE

Décembre 2011
(Michel HUET avec la collaboration de Rebecca HOZÉ)

– MARCHÉS PUBLICS :

• Conseil d’Etat 18 Novembre 2011 SNC Eiffage aménagement, req. n°342147

La loi du 20 juillet 2005 prévoyant une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable des conventions d’aménagement, sont validées les conventions conclues antérieurement sans publicité ni mise en concurrence. Cependant, la majorité des Cours d’Appel estiment que cette validation législative est incompatible avec le droit de l’UE. C’est ce que le Conseil d’Etat confirme dans cet arrêt : en l’absence d’un motif impérieux d’intérêt général, la dite loi ne pouvait faire obstacle à l’application du droit de l’UE.

Antoine Vincent, AJDA N°40/2011, 28 Novembre 2011

• L’affirmation de la possible appartenance d’un ouvrage public à une personne privée

Aucun texte ne définit la notion d’ouvrage public. C’est donc le juge qui a du pallier cette lacune en élaborant des critères jurisprudentiels mais c’est au cas par cas que celui-ci retient la qualification d’ouvrage public. Mais c’est dans son avis d’Assemblée Epoux Béligaud que le Conseil d’Etat a réouvert des interrogations sur ces critères de qualification d’un ouvrage public. En effet, il était question de savoir si les établissements de production électrique détenus par EDF conservaient le caractère d’ouvrage public. Une société anonyme de droit privé peut elle être propriétaire d’un ouvrage public ?
Ces dernières années, beaucoup d’EPIC ont été transformés en sociétés de droit privé tels que France Télécom, Electricité de France et Gaz de France, Aéroports de Paris et La Poste.
Une telle clarification apportée par l’avis Béligaud et l’arrêt ERDF du Tribunal des Conflits était la bienvenue : une personne privée peut être propriétaire d’un ouvrage public.
Pendant longtemps, la notion d’ouvrage public était dépendante des notions de travail public et de domaine public. L’avis Béligaud affirme l’autonomie de la notion d’ouvrage public. L’élément déterminant devient la notion d’intérêt général et l’affectation de l’ouvrage à ce but.
La qualification d’ouvrage public s’accompagne de la reconnaissance d’un régime de protection de l’ouvrage vis-à-vis des tiers et inversement.
La solution du CE mets certes fin aux zones d’ombre mais n’est pourtant pas nouvelle. Dans la jurisprudence ancienne, la nature du propriétaire était un élément secondaire et n’excluait pas la possibilité pour une personne privée d’être propriétaire d’un ouvrage public.
De plus, le critère organique sous entendu de manière trompeuse dans l’avis Adelée a laissé définitivement place au critère fonctionnel. Ce n’est pas la nature du propriétaire qui devient le critère déterminant mais l’importance de son affectation à l’utilité publique. La simple « participation » de l’ouvrage à l’exécution d’un service public n’est pas suffisante, il faut que ce dernier y soit « directement » affecté. L’élément déterminant de la qualification du bien reste son affectation à l’intérêt général. Celui-ci est présumé lorsque l’ouvrage appartient à une personne publique mais il doit en revanche être caractérisé lorsque l’ouvrage appartient à une personne privée.
C’est donc l’affectation à un service public qui engendre en définitive le caractère public de l’ouvrage.

L’ouvrage public appartenant à une personne privée, par Katarzyna Grabarczyk, AJDA N°40/2011, 28 Novembre 2011

• Conseil d’Etat 27 Octobre 2011, n°350935 « Département des Bouches du Rhone c/ Société Signature »

Le CE approuve qu’une collectivité ait recours au marché global pour des raisons d’économies. Cette dernière n’a pas procédé à un allotissement géographique du marché car elle était de nature à rendre plus couteuse la réalisation des prestations, ce qui est un motif de dérogation prévu par l’article 10 du CMP.

Le recours au marché global peut se justifier pour des raisons d’économie, Le Moniteur,
2 Décembre 2011

– URBANISME :

• Conseil d’État, 26 Octobre 2011, req n°328241

Dans cet arrêt, le Conseil d’État annule le permis de construire délivré par un maire pour le projet de construction dont le terrain d’assiette est sur site inscrit. La préservation et la conservation présentent, du point de vue artistique et historique, un intérêt général, ce qui justifie l’illégalité du permis de construire.

La Gazette, 21 Novembre 2011

– DROIT DE L’ARCHITECTURE :

• Cour de Cassation 3e chambre civile 27 Avril 2011, n°09-12976, « Mme X c/ SCI Les Lavieux »

Une SCI signe avec un particulier un contrat de réservation d’une maison individuelle et un avenant pour des travaux supplémentaires. Le réservataire refuse de signer l’acte authentique qui comporte des différences avec le contrat de réservation concernant le délai de livraison et les pénalités de retard.
La cour de cassation confirme la décision des juges du fond, le réservant (le constructeur) peut apporter des modifications au projet entre la signature du contrat et la ratification de la vente en l’état futur d’achèvement par acte authentique. Le réservataire soutenait que l’avenant avait pour effet de convertir le contrat de réservation en un engagement ferme du réservant de lui vendre un bien précis à un prix déterminé. Il est donc débouté de sa demande de requalification du contrat de réservation en promesse de vente.

Le contrat de réservation n’est pas une promesse de vente, Le moniteur, 2 Décembre 2011

• Cour de Cassation 3e chambre civile 21 Septembre 2011, n°09-69933, « SCI Chalets La Clarée c/ Époux X »

La Cour de cassation admet que des désordres affectant la salle de bains et le sas d’entrée (brulures de cigarette…) constituent des malfaçons affectant l’ouvrage et donc relèvent de la garantie des vices des articles 1642-1 et 1648 du code civil. Elle admet donc que dans la Vente en l’état futur d’achèvement, certains désordres relèvent de la garantie décennale et d’autres de la garantie des vices.

La garantie décennale cohabite avec la garantie des vices de construction, Le Moniteur, 2 Décembre 2011

– DROIT DE L’ENVIRONNEMENT :

• Les sites et sols pollués dans un projet immobilier

Il n’existe pas de définition légale d’un site pollué. En fait, cela implique avant tout la présence d’un risque potentiel c’est-à-dire la probabilité de survenance d’un effet nuisible dans des conditions données. L’identification du risque supposera la réunion de 3 facteurs : une source, un vecteur et une cible. Pour dépolluer, il faut donc neutraliser un de ces facteurs.
La dépollution d’un site peut se justifier par des motifs d’intérêt général qui se traduit alors par des obligations légales attachées au débiteur. Les déchets de démolition doivent être éliminés et dans ce cas, la dépollution est dictée par une nécessité de chantier ce qui accroit le coût de construction. En pratique, un site contaminé ne va pas être totalement dépollué car ce n’est économiquement et techniquement impossible.
Le dernier exploitant d’une activité industrielle est selon l’article L511-1 du Code de l’Environnement débiteur d’une obligation de remise en état du site en fin d’activité. De même, le nouvel article L556-1 du même code dispose que l’administration peut imposer à tout « responsable » l’ensemble des travaux nécessaires, dès lors qu’une pollution ou un risque de pollution est identifié.
Il arrive cependant que la dépollution s’avère inutile en l’absence de risque. La nécessité de travaux de dépollution dépendra étroitement de la situation rencontrée.

8 : c’est le dernier exploitant d’une installation classée qui est responsable vis-à-vis des tiers et de l’administration des conséquences de la pollution causée par son activité ou par celle des précédents exploitants si l’activité est identique : CE 29 Mars 2010.
Le promoteur ou le maitre de l’ouvrage doit garantir que le bien est compatible avec le projet. Ca consiste concrètement à faire des investigations historiques, documentaires et de sols par un bureau d’études spécialisés. Le promoteur doit également estimés les surcoûts éventuels liés à la pollution du terrain. Dans certains cas, le coût lié à la pollution peut rendre nulle la valeur du terrain.
L’audit environnemental est d’autre part, un préalable nécessaire permettant de garantir la faisabilité technique et financière du projet. L’audit répond à un objectif commun d’information du vendeur et de l’acheteur sur l’état de pollution d’un site et ses conséquences.
L’aménageur intervenant dans une opération publique d’aménagement doit préparer un audit technique pour justifier de la compatibilité sanitaire des terrains avec l’usage pour lequel chaque lot est dédié.
Concernant la responsabilité d’un propriétaire foncier, le Conseil d’État dit qu’elle ne peut être valablement recherchée par l’administration ou par un tiers sur le fondement de la règlementation des installations classées. Cependant, il peut engager sa responsabilité s’il est détenteur ou producteur de déchets.
Comment fixer le prix de vente d’un terrain pollué ? Lorsque le coût de dépollution n’est pas déterminé au moment de la vente, les parties peuvent convenir de s’en remettre à un tiers pour déterminer tout ou partie de ce prix (article 1592 du code civil). Il est raisonnable de toujours prévoir que ce coût venant en déduction du prix de vente initial ne pourra jamais dépasser une valeur « plafond » prédéfinie par les parties.
Toutefois, lors que le coût de dépollution est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur le projet et les conditions d’acquisition du terrain, l’acheteur peut décider de mettre cette difficulté en condition suspensive afin d’éviter un trop grand risque. Les parties peuvent se mettre d’accord le jour de la signature de la promesse de vente, sur la personne chargée de l’audit, le cahier des charges…
Selon une jurisprudence constante, un exploitant ne peut se dégager de son obligation de remise en état en concluant une convention avec un tiers, en vertu du principe d’inopposabilité des conventions de droit privé à l’administration. L’exploitant peut cependant confier au tiers acquéreur le soin de réaliser les opérations de dépollution lui incombant, tout en supportant leur coût.
L’acquéreur d’un terrain pollué peut se retourner contre son vendeur sur le fondement des garanties légales (vices cachés, article L514-20 C.Env…). Il peut également se demander si l’État n’a pas commis une faute en n’ayant pas correctement appliqué sa mission de contrôle à l’égard de l’exploitant. Ceci dit la faute de l’administration plus difficile à établir que celle de l’exploitant.
L’acquéreur peut il contraindre le vendeur non exploitant à dépolluer le terrain cédé ? il peut le contraindre à prendre en charges les frais de remise en état sur le fondement des garanties légales. Si le terrain a hébergé une installation classée soumise à autorisation ou enregistrement, le vendeur est soumis à obligation d’information renforcée. Également sur le fondement des vices cachés, si l’acquéreur parvient à démontrer que le vendeur connaissait les vices de la chose, il peut obtenir une condamnation par le juge au paiement de dommages et intérêts. Par ailleurs, la loi Grenelle 2 va rajouter une obligation d’information renforcée à la charge du vendeur sur le risque de pollution.
Quelles sont les sanctions pénales et administratives ? Les sanctions pénales prévues par la réglementation sur les installations classées (amendes, peines de 6 mois d’emprisonnement …). Ces sanctions peuvent se cumuler avec des sanctions administratives comme l’exécution d’office des travaux par l’administration aux frais de l’exploitant et fermeture ou suspension de l’installation. Des sanctions sont également prévues par la règlementation « déchets » (amendes et peines d’emprisonnement plus sévères).