ACTUALITÉS JURISPRUDENTIELLES, DOCTRINALES, LÉGALES & RÉGLEMENTAIRES

ARCHITECTURE – MAITRISE D’ŒUVRE

Mars 2012 -Suite
(Michel HUET avec la collaboration de Rebecca HOZÉ)

– DROIT DE L’ARCHITECTURE :

• Conseil d’Etat 30 Décembre 2011, req n°340548

L’autorité administrative peut selon l’article L621-25 du Code du patrimoine, inscrire au titre des monuments historiques des immeubles ou des parties d’immeubles qui présentent un intérêt d’art ou d’histoire suffisant pour en justifier la préservation. Est illégale l’inscription d’un local technique de thermes s’il est dépourvu d’un intérêt architectural propre et ne justifie pas la préservation de cette partie du bâtiment, même si les bâtiments principaux abritant les thermes sont classés.

Monuments historiques, La Gazette 13 Février 2012


• Conseil d’Etat 16 Novembre 2011 Ville de Paris et Société d’économie mixte PariSeine

Le Conseil d’Etat juge pour la première fois, que lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référés peut prescrire toute mesure utile pour faire cesser le danger. En l’espèce, il s’agissait d’un plafond d’un magasin accidentellement percée dans le cadre des travaux de réaménagement des Halles, entrainant la chute de morceaux de béton. Le juge des référés avait ordonné la suspension des travaux mais le danger n’étant pas caractérisé en l’espèce, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance.

Chantier des Halles à Paris et pouvoirs du juge de l’urgence, Opérations immobilières Janvier 2012


• Conseil d’Etat 28 Septembre 2011, n°345699, « SCI 30 Rue de Thionville et autre c/ Association syndicale libre du Beffroy

Faits : suite à une autorisation de réalisation de travaux de restauration sur un immeuble classé, deux sociétés demandent l’annulation de la décision et demandent également la suspension de l’exécution de la décision. Ils caractérisent l’urgence du fait que le bénéficiaire de l’autorisation a commencé les travaux alors qu’un recours en annulation a été formé.
Pour le Conseil d’Etat, la condition d’urgence n’est pas remplie : le bénéficiaire de l’autorisation ne saurait du seul fait de l’existence de ce recours en annulation, être regardé comme ayant contribué à la réalisation de circonstances particulières venant justifier la condition d’urgence. La présomption d’urgence pour les actions en référé suspension, introduite contre les décisions d’autorisation de construire, n’est pas irréfragable. En l’espèce, les risques accrus pour l’intégrité de l’immeuble classé

résultant de l’exécution normale des travaux justifiaient la poursuite et l’achèvement des travaux de sauvegarde de cet immeuble.

Les travaux de restauration ne pouvaient être suspendus pour urgence, Le Moniteur 23 Décembre 2011


• La recherche d’une remise en ordre du droit de la responsabilité civile

Il y a aujourd’hui un désordre du droit de la responsabilité du fait de la multiplicité des régimes qui se superposent.
La théorie du risque ou de la responsabilité objective proposée à la fin du XIXe siècle, repose sur l’idée que celui qui agit doit assumer tous les risques provoqués par son action. Est responsable celui qui a causé le dommage. La théorie de la « garantie » quant à elle fonde la responsabilité non plus sur le comportement de l’auteur du dommage mais sur la protection de la victime. Ce sont les dommages subis par la victime qui justifient le droit à réparation. Cependant, on fait une distinction selon la nature des dommages : d’une part les dommages corporels et matériels et d’autre partie les dommages de nature morale ou purement économique (preuve de la faute).
Apparut ensuite le critère de la « solidarité » avec le phénomène de collectivisation du risque par l’effet de l’assurance. C’est alors un affaiblissement du rôle de la faute et un déclin de la responsabilité individuelle.
Face à ce désordre actuel des régimes et des fondements de la responsabilité, une remise en ordre et une harmonisation du droit sont apparues nécessaires. C’est à la suite d’inspirations de diverses expériences étrangères et de groupes de travail européens, qu’un avant-projet dit Catala de réforme du droit de la responsabilité, issu d’un groupes d’universitaires français, vit le jour et fut remis au garde des sceaux le 22 Septembre 2005.
Un autre rapport a été déposé le 30 Mai 2011 par le professeur Terré concernant la réforme du droit de la responsabilité civile. Ce rapport Terré s’est inspiré pour partie de l’avant-projet Catala mais s’en écarte concernant les dommages et intérêts punitifs, le régime des activités très dangereuses et des produits défectueux etc.
L’avant-projet Catala : il s’attache au droit commun de la responsabilité civile. Il opte pour le rattachement des dommages et intérêts contractuels au concept de responsabilité. L’avant projet maintient la règle de non cumul des régimes de responsabilité mais avec une exception au profit des victimes de dommages corporels pour qu’elles puissent opter pour le régime qui leur est le plus favorable. Pour la responsabilité du fait personnel, l’avant-projet a tenu compte du phénomène de la collectivisation et du rôle accru des groupements personnalisés dans la vie économique, en consacrant : « la faute de la personne morale s’entend non seulement de celle qui est commise par son représentant mais aussi de celle qui résulte d’un défaut d’organisation ou de fonctionnement. L’avant-projet conserve la solution jurisprudentielle sur le principe général de la responsabilité de plein droit du fait des choses (rattachée à 1384 al 1er). Il prévoit de plus une responsabilité de plein droit pour les exploitants d’activités anormalement dangereuses, qui ne peut être écartée ou atténuée que par la preuve d’une faute de la victime.
Dans tous les cas de responsabilité du fait d’autrui, il s’agit d’une responsabilité de plein droit mais la preuve d’un fait de nature à engager la responsabilité personne de l’auteur direct du dommage est maintenue. Concernant les fonctions de la responsabilité civile, ils ont introduits de nouvelles dispositions prenant en compte d’autres fonctions que la réparation du dommage :
– la fonction préventive
– la fonction dissuasive ou punitive

Toutefois, l’avant-projet Catala introduit une disposition pour tenir compte de l’attitude négligente de la victime après la survenance du fait dommageable. Elle est destinée à responsabiliser la victime en s’inspirant de la Common law et de la Convention de Vienne.
Quant à la réparation du dommage, l’avant-projet retient des solutions dégagées par la jurisprudence : réparation en nature, dommages et intérêts et évaluation du chef de préjudice et des innovations telle qu’une nomenclature des chefs de préjudices corporels indemnisables, institution d’un barème d’invalidité etc.
En conclusion, l’avant-projet Catala a su prendre en compte les transformations de la société et les tendances européennes sans renoncer à la faute comme fondement de la responsabilité.

Par Régis Gouttes, la Gazette du Palais Mercredi 15 et 16 Février 2012.

– PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE :

• Les « matrices » de lithographies de Giacometti ne sont pas des œuvres.

Faits : vente d’un fonds de commerce d’une imprimerie spécialisée en lithographie dans lequel se trouvent deux plaques de zinc utilisées pour la réalisation de deux lithographies de Giacometti. Revendues à une galerie d’art, la fondation Giacometti en sollicite la restitution estimant en détenir la propriété matérielle et intellectuelle. La cour de Cassation approuve la Cour d’Appel en rejetant la demande: une œuvre n’est pas « un simple moyen technique utilisé pour permettre la production d’une œuvre ». Donc même si la plaque conservait une trace de l’œuvre, c’est un simple moyen technique utilisé pour permettre la production des lithographies qui sont seule des œuvres originales.

Cour de Cassation 1ere civ 1er Décembre 2011 n°09-15819 Fondation Giacometti, Gazette du Palais Mercredi 15 et Jeudi 16 Février 2012

– DROIT DE L’URBANISME :

• Ordonnance du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme

L’ordonnance s’inscrit dans la refonte du droit de l’urbanisme initiée par la loi Grenelle II du 12 Juillet 2010.
Modifications affectant les SCOT et les PLU : l’article L121-2 du code de l’urbanisme est modifié afin de préciser que le préfet doit porter à la connaissance des communes le cadre législatif et règlementaire à respecter lors de l’élaboration des documents d’urbanisme et les projets des collectivités territoriales et de l’Etat en cours d’élaboration ou existants. L’art L121-4 est également modifié, il fixe la liste des personnes associées à l’élaboration des documents d’urbanisme.

Modifications affectant spécifiquement les SCOT : L’art L122-14 est modifié, le champ d’application de la révision est étendu dans deux cas :
– l’établissement public chargé du SCOT décide de changer les dispositions du document et d’objectifs prises en application de celles relatives à la protection des espaces fragiles
– l’établissement public veut changer les dispositions du document et d’objectifs de la politique de l’habitat avec pour effet de diminuer l’objectif global concernant l’offre de nouveaux logements
De plus, l’art L122-14-3 du code de l’urbanisme met en place une procédure de modification simplifiée.

Modifications affectant spécifiquement les PLU
Le texte précise les conséquences juridiques et les obligations résultant d’un changement de périmètre d’une commune dotée d’un PLU ou du changement de périmètre d’un EPCI. L’ordonnance procède ensuite à des ajustements de la procédure d’élaboration des PLU. Le projet de PLU peut être modifié pour tenir compte des résultats de l’enquête publique et aussi de l’avis des personnes joint au dossier d’enquête publique. Pour la procédure de révision, il est prévu que la révision a pour seul objet de réduire un espace boisé classé, une zone naturelle et forestière ou agricole, une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels…
Pour la procédure de modification de droit commun, L123-12-3 précise le champ d’application de la modification de droit commun pour laquelle une enquête publique doit être effectuée, il s’agit des modifications qui ont pour effet :
– soit de majorer de plus de 20% les possibilités de construction
– soit de diminuer ces possibilités de construire
– soit de réduire une zone urbaine ou à urbaniser

Pour la procédure de modification simplifiée, l’ordonnance étend son champ d’application aux modifications du règlement et des orientations d’aménagement et de programmation qui n’entrent pas dans le champ d’application de la modification de droit commun ainsi qu’à la rectification d’uen erreur matérielle.

La procédure de révision simplifiée est supprimée

Modifications affectant spécifiquement les cartes communales : une procédure de modification simplifiée est mise en place avec simple mise à disposition du public durant un mois, pour les cartes communales. Le champ d’application est limité à la rectification d’une erreur matérielle.

L’ordonnance entrera en vigueur à une date déterminée en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er Janvier 2013. les dispositions en vigueur antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance demeurent applicables aux procédures d’élaboration et de révision des SCOT et PLU prescrites à cette même date et aux procédures de modification des SCOT et des PLU lors que le projet de modification a été notifié aux personnes publiques associées à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Par Christian Huglo et Gwendoline Paul, La Gazette du Palais Mercredi 1er et Jeudi 2 Février 2012

– MARCHÉS PUBLICS :

• Décret n°2011-1853 du 9 Décembre 2011 modifiant certains seuils du code des marchés publics

Le décret relève le seuil de dispense de procédure à 15000 € hors taxes, des personnes soumises aux première et troisième parties du code, en garantissant en dessous de ce seuil le respect par l’acheteur public des principes fondamentaux de la commande publique. L’acheteur public devra s’informer sur la structure de l’offre existante sur le marché et se comporter en gestionnaire avisé et responsable. Il devra pouvoir justifier les motifs de son choix de procédures employées selon la nature et le montant de la prestation achetée. Le décret procède à l’alignement du seuil à partir duquel les marchés et accords cadres doivent être passés sous forme écrite et notifiés avant tout commencement d’exécution, sur le seuil de dispense de procédure (15000€). Sont également alignées, les procédures relatives aux obligations en matière de publicité préalable. Néanmoins, le seuil des entités adjudicatrices est maintenu à 20000€.

Le Moniteur 23 Décembre 2011


• Le référé suspension de la jurisprudence Béziers II

La décision Commune de Béziers du Conseil d’Etat du 21 Mars 2011 modifie la physionomie du contentieux de la réalisation devant le juge administratif du contrat en créant un nouveau recours tendant à la reprise des relations contractuelles.
Le référé suspension doit être l’accessoire d’un recours au fond tendant à la reprise des relations contractuelles qui doit être recevable et notamment, ne doit pas être tardif. La décision Béziers II prévoit que le recours au fond doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle le cocontractant de l’administration a été informé de la mesure de résiliation sans qu’il soit exigé que la notification de cette mesure comporte la mention des voies et délais de recours. De plus, le juge doit apprécier concrètement la condition d’urgence en tenant compte, d’une part des atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant (situation financière ou à l’exercice même de son activité par exemple). Sauf intérêt contraires supérieures, la résiliation qui empêche la poursuite de l’activité économique du requérant crée une situation d’urgence. Sinon, l’urgence ne pourra être reconnue que s’il est établi que le contrat représente une parti suffisamment substantielle de l’activité du requérant pour que sa résiliation compromette gravement et immédiatement la pérennité de son activité.
Par ailleurs, il peut exister un intérêt public à maintenir la résiliation lorsqu’elle se fonde notamment sur un motif d’intérêt général : le fait par exemple que la reprise des relations retarderait de manière très préjudiciable un projet urgent de la personne publique.
La signature du contrat avec un nouveau titulaire est également pris en compte au titre de l’urgence car s’il y a reprise provisoire du contrat initial, il y aura suspension du nouveau contrat ainsi que des perturbations, des retards des surcouts ce qui joue en défaveur du requérant.
De plus, le juge doit pour déterminer si un moyen est propre à créer un doute sérieux sur la validité de la mesure de résiliation, apprécier si les vices invoqués paraissent d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles.

Conseil d’Etat 21 Mars 2011 Commune de Béziers, Revue Contrats et marchés publics Février 2012