ACTUALITÉS JURISPRUDENTIELLES, DOCTRINALES, LÉGALES & RÉGLEMENTAIRES

ARCHITECTURE – MAITRISE D’ŒUVRE

Mars 2012
(Michel HUET avec la collaboration de Rebecca HOZÉ)

– DROIT DE L’ARCHITECTURE :

• Cour de cassation 3e civ. 19 octobre 2011, n°10-15303 et 10-15810

Des travaux de réhabilitation et de construction ont entrainé des désordres à l’immeuble lui-même et à l’immeuble voisin. Le maitre d’ouvrage qui a indemnisé les victimes dispose-t-il d’un recours contre les constructeurs sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage ? La Cour de Cassation dit qu’il y a lieu à application de la responsabilité objective pour troubles de voisinage s’il existe « une relation de cause directe entre les troubles subis et les missions respectivement confiées aux constructeurs » dont la responsabilité est recherchée.
Le maitre d’ouvrage reste quant à lui présumé responsable des troubles causés aux voisins.

Responsabilité civile, par Valérie Saintaman, La Gazette du palais 14 et 15 Mars 2012


•Ceux qui font construire une maison répondent des dommages causés au terrain voisin

Des particuliers achètent un terrain et y font construire une maison. Leur vendeur, propriétaire d’un terrain en amont, les assigne à la suite de l’effondrement de celui-ci. Les acquéreurs font monter un mur de soutènement puis assignent à leur tour, leur vendeur, les constructeurs et leurs assureurs. Ils sont néanmoins condamnés à indemniser le voisin pour les inondations constatées chez lui.
Pour la Cour de Cassation, cette condamnation est justifiée ; celui qui fait construire répond des dommages causés au voisin. Ils ont privé la maison en amont de son alimentation en eau potable et ont contribué à l’inondation des sous sols. Des contraintes pèsent sur les propriétaires en aval, surtout quand elles sont le fruit d’une division d’un terrain.

Cour de cassation 3e civ 8 Février 2012, n°10-19246 « Epoux X c/ Mme Y et a. », Le Moniteur 16 Mars 2011


•Les recours entre constructeurs ne relèvent pas de la garantie décennale

Des travaux exécutés pour le compte d’une commune sont réceptionnés en juin 1990. Des malfaçons étant apparues, l’architecte et son assureur ont assigné en garantie l’assureur d’un bureau d’études, membre du groupement chargé de la maitrise d’œuvre de l’opération. La Cour d’appel déclare que cette action, postérieure à l’expiration du délai de la garantie décennale, était prescrite à la date de l’assignation, en septembre 2005.
La Cour de cassation juge que cette action n’est pas prescrite car le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou contre son assureur, n’est pas fondé sur la garantie décennale ; il est de nature contractuelle ou quasi délictuelle et le délai de prescription n’a donc pas pour point de départ la réception de l’ouvrage.
Avant la réforme de 2008 sur la prescription, le délai d’action courait à compter du jour de la manifestation du dommage mais depuis la réforme, il semblerait qu’on estime que la prescription est calquée sur les garanties décennale et biennale et court à compter de la réception.

Cour de Cassation 3e civ 8 février 2012, n°11-11417, « Société MAF et a.c/ GIE G20 »,
Le Moniteur 16 mars 2012

– MARCHÉS PUBLICS :

• Rapport d’activité 2011 de la direction des affaires juridiques

La direction des affaires juridiques (Daj) de Bercy a publié le 28 Février dernier, son rapport d’activité 2011.
Collecte de déchets : la qualification juridique d’un contrat conclu entre l’administration et une entreprise, prévoyant la collecte de déchets, dépend du mode d’organisation de celle-ci. (marché public si la collecte est organisée par l’administration pour un besoin propre de recyclage)
Commande publique : Quasi-régie : il n’y a pas de quasi régie lorsqu’il y a présence de capitaux privés.
Les contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs membres du groupement d’intérêt public A. avec le GIP lui-même peuvent être des contrats de quasi-régie. Ils peuvent alors être conclus, en dehors des procédures de publicité et de mise en concurrence fixée par la règlementation des marchés publics.
Sous traitance : toute modification de la répartition des prestations, entre le titulaire et son sous traitant, acceptée, doit être déclarée au pouvoir adjudicateur et faire l’objet d’un acte spécial modificatif. A défaut, la nouvelle répartition est inopposable : le sous traitant ne peut prétendre au paiement direct du montant des prestations qu’il a exécutées au-delà de l’acte de sous traitance initial.
Vente à perte : un marché public existe dès lors qu’un contrat a été conclu à titre onéreux, peu importe que le prix versé soit inférieur au cout supporté par le cocontractant. La prohibition de la vente à perte ne concerne pas les marchés de services. En cas de vente à prix coutant, la directive 2004/18 prévoit que les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir au marché négocié sans publicité préalable.
VEFA : les organismes privés d’HLM peuvent recourir à la VEFA sous réserve de ne pas contourner les dispositions de la loi MOP du 12 Juillet 1985, ainsi que celle de la commande publique.
Domaine public : l’Etat peut transférer en pleine propriété et à titre gratuit, à l’EPPS, ses biens fonciers et immobiliers. Le montage envisagé dans le projet de protocole foncier ne semble pas porter atteinte au principe de la non contradiction des recettes et des dépenses. Celui-ci ne peut pas instituer un régime d’acceptation implicite, par le représentant de l’Etat, des demandes de transfert de propriété des terrains.

Le Moniteur 16 mars 2012 


•Les contradictions jurisprudentielles en matière d’allotissement

L’article 10 du CMP prévoit que le pouvoir adjudicateur peut décider de recourir à un marché global s’il estime que la dévotion en lots risque de rendre techniquement difficile ou financièrement couteuse l’exécution des prestations ou, s’il considère qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination de chantier entre les différentes prestations.
La CAA de Lyon dans un arrêt du 6 Octobre 2011 a retenu une interprétation très stricte des exceptions permettant de recourir au marché global, alors que dans un arrêt du 21 Octobre, le Conseil d’Etat a quant à lui, retenu une position nettement plus favorable aux acheteurs publics.
Dans la 1ere affaire, c’est le syndicat national du second œuvre qui attaquait deux marchés non allotis relatifs à la réhabilitation de deux collèges. Selon la CAA, le département n’établissait pas que la passation de ces marchés en plusieurs lots aurait renchéri le cout. Le fait de recourir à un maitre d’œuvre constitue pour la CAA, un obstacle à la possibilité de justifier le recours au marché global par l’impossibilité d’exercer la mission OPC en interne. La circulaire du 3 aout 2006 portant manuel d’application du code des marchés publics précisait d’ailleurs que « la commune qui n’a pas les moyens humains ou techniques pour assurer la coordination des travaux pourra avoir recours au marché global ». Concrètement, les collectivités locales ne peuvent plus, pour leurs marchés de travaux, recourir à un marché global sur le fondement de l’exception tirée de l’impossibilité d’exercer la mission d’OPC en interne, ce qui parait très sévère.
Concernant l’autre arrêt du CE, le département des Bouches du Rhône avait décidé de conclure un marché global estimant que cela permettrait de faire des économies d’échelle. Le tribunal administratif avait pourtant annulé cette procédure au motif que le département ne rapportait pas la preuve que les rabais sur catalogue consentis par les candidats dans le cadre d’un marché global étaient plus importants que ceux qui auraient pu être consentis si ce marché avait été alloti. Le CE invalide cette position et considère qu’en mettant en avant sa volonté de réaliser des économies d’échelles et en rapportant la preuve a posteriori que ces économies avaient été réalisées, le département « justifie ainsi que l’allotissement du marché aurait pu être de nature à rendre plus couteuse la réalisation des prestations prévues au contrat. Le CE renverse en quelque sorte la charge de la preuve sur le requérant qui doit démontrer que les conditions pour recourir au marché global ne sont pas réunies et que le fait de ne pas allotir le marché ne rend effectivement pas les prestations financières plus couteuses.
Le CE conforte ainsi sa position selon laquelle « les conséquences probables de l’allotissement sur le cout financier du marché » permettent de recourir à un marché global. Les collectivités locales pourront alors valablement apporter la preuve de l’économie réalisée par la globalisation du marché a posteriori.

Évolutions contradictoires de l’allotissement, par Nicolas Lafay, la Gazette 27 Février 2012


•BEA et contrat de partenariat dans un PPP

L’ordonnance du 17juin 2004 qui a crée le contrat de partenariat n’a pas mis fin à l’existence d’autres contrats globaux de la commande publique tels que le BEA ou encore l’AOT (autorisation d’occupation temporaire).
Depuis le décret du 30 Décembre 2011 relatif aux règles de passation des BEA, ces contrats, sectoriels ou non, adossés à une convention non détachable, doivent être précédés d’une procédure de publicité et de mise en concurrence dès lors que cette convention peut être qualifiée de contrat de la commande publique. Conformément à l’article 1414-16 du CGCT dès lors que le contrat emporte occupation du domaine public, aucun titre d’occupation distinct du contrat n’a besoin d’être délivré. En revanche, un mécanisme visant à combiner le CP et le BEA de l’article L1311-2 du CGCT pourrait se justifier dans le cadre des BEA sectoriels. En effet, l’ordonnance sur les contrats de partenariat autorise la réalisation d’un investissement dans le cadre d’un CP dès lors qu’il est le support de l’exercice par la personne publique du service public dont elle est responsable. Les BEA sectoriels ne sont soumises à une évaluation préalable que si leur loyer annuel est supérieur à 1 millions d’euros HT.
Enfin, en l’état actuel des textes, aux termes du CGCT, les BEA y compris ceux qualifiés de CP, ne sont éligibles au FCTVA qu’à la triple condition qu’ils aient fait l’objet d’une évaluation préalable, que la somme cumulée de leurs loyers HT soit inférieure à 10 millions d’€ et que le bien devienne, à l’issue du contrat, la propriété de la personne publique. On s’étonne donc qu’un BEA adossé à une convention non détachable s’analysant comme l’un des contrats de la commande publique, ne bénéficie pas des conditions d’éligibilité au FCTVA applicables à ces contrats. Une clarification des textes parait donc utile.

Quel instrument choisir pour lancer un PPP en 2012 ? Le Moniteur 9 Mars 2012

– DROIT DE L’URBANISME :

• Comment calculer la nouvelle surface de plancher ?

Depuis le 1er Mars, en vertu du décret du 29 Décembre 2011, toute demande d’autorisation d’urbanisme doit être déposée selon les critères de la nouvelle surface de plancher définie aux articles L112-1 et R112-2 du Code de l’urbanisme, remplaçant la SHON et la SHOB.
Elle doit se calculer depuis le nu inférieur fini des murs, et sans intégrer l’emprise au sol des embrasures de portes ou de fenêtres pouvant s’y trouver. On ne pénalisera donc plus la construction du fait de règles d’isolation de plus en plus exigeantes.
Ensuite, seuls les caves et les celliers « annexes à un logement » sont déductibles, dès lors qu’ils ne sont pas directement accessibles par ce dernier, mais par un espace à usage commun de desserte. L’adoption de ce principe écartera la possibilité de déduire tout local à usage de réserve, de rangement ou d’entrepôt rattaché à des locaux à usage professionnel.
La déduction de tout local ou fraction de local d’une hauteur sous plafond inférieure à 1.80m sera possible quelle que soit la situation de ces locaux dans la construction (réservé avant aux seuls locaux situés en combles ou en sous sols).
Quant aux locaux techniques, ils sont eux aussi clairement dénommé dans le décret, ils sont déductibles quel que soit le niveau de la construction où ils se trouvent.
Dans le cadre de l’habitation, la déduction forfaitaire de 5m2 de SHON accordée pour encourager la mise aux normes handicapés des logements et celle pouvant atteindre 5 m2 par logement, sont supprimées.
Indépendamment sur sort des caves et des locaux techniques qui ne seront plus déductibles dans l’habitat individuel, celui-ci ne bénéficiera pas non plus de la déduction de 10% sur la surface de plancher globale affectée à l’habitation qu’en présence de plusieurs logements desservis par des parties communes intérieures. L’ancienne déduction de 5% accordée à toute surface affectée à l’habitation, individuelle et collective au titre de la prise en compte de l’isolation, n’a plus lieu d’être et a été supprimée.
D’autre part, ne sont pas constitutifs de surface de plancher les balcons, loggias, terrasses, espaces partiellement clos ou partiellement couverts, préaux etc.

Par Franck Bourdon, Le Moniteur 9 Mars 2012 

– DROIT DE L’ENVIRONNEMENT :

• CE 23 Novembre 2011, n°325334 Société MODEV

« Le détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l’environnement, a l’obligation d’en assurer l’élimination dans des conditions propres à éviter une telle atteinte »
Le préfet est par application de l’article L541-3, tenu en cas de défaillance du maire de se substituer à ce dernier pour imposer l’élimination des déchets et la remise en état du site à la société détentrice de ces déchets.
Toutefois dans un arrêt du 26 juillet 2011 qui a également imposé la dépollution d’un terrain à son propriétaire, cette obligation semblait subordonnée à deux conditions : « l’absence de détenteur connu » des déchets et la faute du propriétaire qui se serait rendu coupable d’une « négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ». En l’espèce, rien de tel : l’obligation de dépollution repose uniquement sur la qualité de propriétaire.
Quid du contenu de la décision si elle avait été rendue aujourd’hui à l’aune de l’article L556-1 du code de l’environnement qui a créé un régime spécifique applicable aux sols pollués.

Sols pollués, par Elise Merlant, La Gazette du Palais 14 et 15 Mars 2012


• Conseil d’Etat 16 Novembre 2011, n°344972

Le CE saisi de la légalité du décret n°2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques, rejette l’ensemble des recours au fond tendant à l’annulation de l’acte.
Le CE semble confondre le droit acquis à un contrat et la sécurisation du tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque. Il justifie le rejet du recours en considérant que « les producteurs à l’égard desquels l’obligation de conclure un contrat d’achat d’électricité a été suspendue ne peuvent être regardés comme étant déjà liés à EDF ou à un autre distributeur par un contrat ou placés dans une situation juridiquement constituée avant la signature d’un tel contrat ; que par suite, le décret en litige ne méconnait pas le principe de non rétroactivité des actes administratifs.»
la règlementation applicable à la filière photovoltaïque demeure plus que jamais complexe et soumise à une relative incertitude, s’agissant des objectifs de développement.

Energie, photovoltaïque par Adrien Fourmon, La Gazette du Palais 14 et 15 Mars 2012