Michel HUET 

URBANISME 

N.B. : pour un complément d’analyse de brèves du Droit de l’urbanisme, rejoignez cadredeville.com et consultez l’onglet « pratique juridique ».

Raisons et modalités d’application dans le temps de la suppression des COS

• Réponse ministérielle n°49048, question du 10 juin 2014

Quant aux raisons ayant amené à la suppression des COS, la ministre souligne le fait que le COS est un outil réducteur, peu adapté aux objectifs récents en terme de qualité urbaine. Ainsi lorsque la valeur du COS est différente de la densité que l’on peut déduire des diverses règles présentes dans le plan local d’urbanisme (règles d’implantation des constructions, règles de hauteur, …). De plus, un COS trop faible engendre une plus grande consommation de terrains.
Ensuite, selon la ministre, il peut résider dans le COS une volonté de figer un secteur donné de limiter la mixité sociale.
Enfin, et de manière générale, le COS représente un frein à la construction, ce qui s’avère contraire aux nécessités actuelles en terme de logement.

Quant aux modalités d’application dans le temps de la suppression des COS, cela est très simple puisque l’article 157 de la loi ALUR prévoit purement et simplement que les COS présents dans les documents d’urbanisme ne sont plus opposables à partir de l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 27 mars 2014. La seule nuance à cela réside dans les plans d’occupation des sols encore en vigueur qui restent soumis à la loi SRU, le COS demeure donc applicable, néanmoins la loi ALUR prévoit que les plans d’occupation des sols devront disparaitre sous trois ans.

Source : Revue Construction – Urbanisme n°9, septembre 2014, Précisions sur la suppression des COS, de G. Durand-Pasquier

Aménagement commercial : un permis de construire fusionnel

La réforme de l’urbanisme commercial, débutée avec la loi LME, a été complétée par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. L’objectif de ce texte est la simplification du droit existant par le biais de l’intégration des autorisations d’aménagement commercial dans le permis de construire.

Le principe est désormais posé au nouvel article L.425-4 du Code de l’urbanisme prévoyant que le PC tient lieu d’autorisation d’exploiter dans le cas où la Commission départementale ou nationale d’aménagement commercial (CDAC ou CNAC) a émit un avis favorable à la demande de permis. Le PC valant autorisation d’exploitation commercial est incessible et intransmissible, sauf dans l’hypothèse prévue à l’article L.725-15 du Code de commerce, à savoir les autorisations sollicitées par un promoteur cédant un projet en l’état futur d’achèvement.

L’autorisation d’exploiter doit être conforme ou bien avec le document d’orientation et d’objectifs du Scot, ou bien avec les orientations d’aménagement et de programmation des PLU intercommunaux comportant des dispositions sur les équipements commerciaux.

En outre, afin d’apprécier le PC valant autorisation d’exploiter, la Commission départementale d’aménagement commercial doit prendre en compte trois volets :

– L’aménagement du territoire (localisation du projet, intégration urbaine, …)

– Le développement durable (performance énergétique, insertion architecturale, …)

– La protection des consommateurs (contribution à la revitalisation commerciale, …)

En cas de refus du projet par la CNAC, un certain pragmatisme voit le jour : le motif de fond invoqué par la CNAC doit être corrigé en cas de nouvelle demande, en revanche la condition de délai auparavant prescrite pour effectuer une nouvelle demande est désormais supprimée.

Cependant, ce permis de construire « fusionnel » engendre une certaine complexification du contentieux. Certes, les cours administratives d’appel sont compétentes en premier et dernier ressort comme le prévoit le nouvel article L.600-10 du Code de l’urbanisme, mais face à un seul acte attaquable, il existe une pluralité de potentiels requérants dont l’intérêt à agir n’est que partiel par rapport à l’acte que constitue le permis de construire valant autorisation d’exploiter. En ce sens, seules les personnes ayant intérêt à agir en matière d’aménagement commercial peuvent invoquer des moyens en lien avec cette règlementation, il en est de même pour ce qui est des moyens tirés de la règlementation relative à l’urbanisme.

Enfin, les commissions voient leur rôle renforcé, les critères sur lesquels se fondent les CDAC et la CNAC pour statuer sont précisés et complétés. De plus, la CDAC doit désormais informer la CNAC de tout projet d’équipement commercial dont la surface de vente atteint au moins 20 000 m², suite à cette information la CNAC a la capacité de s’autosaisir dans un délai d’un mois.

Source : le Moniteur, 29 aout 2014, pages 28 et 29

Autorisation d’urbanisme dans le périmètre d’un PLU intercommunal en cours de révision

• CAA Bordeaux, 20 mars 2014, Mme Torchon

La CAA de Bordeaux a précisé que l’avis conforme du préfet n’est pas automatiquement requis pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme dans le périmètre d’un PLU intercommunal en cours de révision.

En l’espèce, le maire de Mérignac a délivré un permis de construire dans le périmètre du PLU de la communauté urbaine de Bordeaux, alors en cours de révision simplifiée. Des voisins ont attaqué cette autorisation d’urbanisme en soutenant que, dans la mesure où le PLU était en cours de révision, alors l’avis conforme du préfet aurait dû être recueilli au préalable.

La CAA de Bordeaux affirme quant à elle qu’en vertu de l’article L.422-5 du code de l’urbanisme, l’avis du préfet n’est requis que dans le cas où le projet est situé dans un périmètre « où des mesures de sauvegarde prévues par l’article L.111-7 peuvent être appliquées, lorsque ce périmètre a été institué à l’initiative d’une autre personne que la commune ».
Ainsi, après avoir précisé qu’ « il y a lieu de rechercher celles des mesures prévues par l’article L.111-7 du code de l’urbanisme qui s’appliquent dans un périmètre spécialement défini par une personne autre que la commune », la Cour estime en substance que ce périmètre ne saurait correspondre automatiquement au périmètre couvert par le document d’urbanisme en cours de révision. Par conséquent, en l’absence de telles mesures, l’avis conforme du préfet n’est pas requis, donc la requête est rejetée.

Source : AJDA, 4 aout 2014, n°28, p. 1591, Autorisation d’urbanisme dans le périmètre d’un PLU intercommunal en cours de révision. 

Contrôle restreint sur la motivation du droit de préemption en ZAD, elle-même peu contraignante

• Conseil d’Etat, 17 juin 2014, n° 258438, Fournaise

Le Conseil d’Etat est venu préciser, conformément à l’article L.210-1, alinéa 3, du code de l’urbanisme, que la motivation de l’exercice du droit de préemption en zone d’aménagement différé (ZAD) peut se faire par référence à un acte antérieur, à savoir l’acte créant la ZAD. Dans le même arrêt, la haute juridiction administrative précise que si ce choix est effectué, alors il n’est pas nécessaire pour la collectivité de justifier dans la décision de préemption la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement à la date de la décision.

Ainsi, le Conseil d’Etat estime que la préemption serait illégale seulement dans le cas où les terrains préemptés seraient inutiles pour atteindre les objectifs en vue desquels la zone a été instituée. D’ailleurs, le juge administratif n’opère qu’un contrôle restreint, limité à l’erreur manifeste d’appréciation, sur ce point.

N.B. : Pour un complément d’analyse de brèves du Droit de l’urbanisme, rejoignez cadredeville.com

Source : Revue Construction – Urbanisme n°9, septembre 2014, contrôle restreint sur la motivation du droit de préemption en ZAD, elle-même peu contraignante, de L. Santoni

L’Etat accompagne les collectivités vers l’autonomie dans l’instruction des autorisations d’urbanisme

L’article 134 de la loi « Alur » prévoit un désengagement de l’Etat dans le cadre de l’instruction d’autorisation d’occupation des sols pour le 1er juillet 2015, ainsi les collectivités locales devront prendre en main en toute autonomie l’instruction des autorisations d’urbanisme. Ce désengagement de l’Etat est le fruit de l’augmentation croissante et durable de la puissance de l’intercommunalité conjuguée à un recentrage de l’Etat sur d’autres missions.

Mais cette marche vers l’autonomie des collectivités ne se fera pas sans l’aide de l’Etat, en effet une instruction du gouvernement du 3 septembre 2014 prévoit la mise en place par les préfets de chaque département un projet renouvelé pour la filière « Application du Droit des Sols » (ADS) pour le 1er mai 2015.
Cette filière renouvelée sera notamment chargée de « mettre son expertise au service des porteurs de projets pour les opérations les plus complexes et d’assurer une animation et une information locales sur le sujet du droit des sols », de plus elle effectuera une veille juridique et jurisprudentielle.

Source : Le Moniteur.fr, le 15 septembre 2014, Instruction des autorisations d’urbanisme : l’Etat accompagne les collectivités vers l’autonomie, par S. d’Auzon

L’illégalité de la DUP n’entraine pas nécessairement la responsabilité administrative de l’Etat

• Cour administrative d’appel de Lyon, 22 mai 2014, Baillod c/ Préfecture de l’Yonne, n°13LY01843

La Cour administrative d’appel de Lyon est venue affirmer que l’illégalité de la déclaration d’utilité publique (DUP) n’était susceptible d’entrainer la responsabilité administrative de l’Etat qu’en cas de préjudice « causé de façon directe et certaine » par cette illégalité.

Source : RDI, 2014, p. 456, Illégalité de la DUP et responsabilité administrative de l’Etat, R. Hostiou

La modification d’un PLU après enquête publique est soumise à conditions

• Conseil d’Etat, 4 juin 2014, req. n°365236

Dans un arrêt en date du 4 juin 2014, la haute juridiction administrative a estimé que la modification d’un plan local d’urbanisme, après enquête publique, était légale sous réserve que cette modification ne remette pas en cause l’économie générale du projet présenté à l’occasion de l’enquête publique.

Dans le cas d’espèce, le zonage d’un PLU a été modifié après enquête publique suite aux demandes de propriétaires de terrains formulées à l’occasion de cette l’enquête publique. Le propriétaire d’un terrain situé dans le périmètre du PLU s’est opposé à cette modification, s’appuyant sur le fait que cette modification était justement intervenue après enquête publique.

Le Conseil d’Etat, ne partageant pas cette thèse, a affirmé que cette modification était légale dans la mesure où elle ne remettait pas en cause l’économie générale du projet, objet de l’enquête publique. En effet, du point de vue du juge administratif, l’enquête publique est le gage de la cohérence du zonage, d’où l’intérêt de pouvoir effectuer des modifications pour tenir compte des remarques effectuées et avis recueillis à cette occasion.

Source : La Gazette des communes, des départements et des régions, n° 29-30, 21 juillet 2014, La modification d’un plan local d’urbanisme après enquête publique est soumise à conditions

Le maire peut refuser un permis de construire pour insuffisance de l’alimentation en eau potable alors même que le propriétaire a réalisé une conduite de sa propre initiative

• Conseil d’Etat, 11 juin 2014, n° 361074

Le Conseil d’Etat affirme par cette décision que l’autorité administrative peut refuser de délivrer un permis de construire pour un projet exigeant la modification de la consistance d’un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d’urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans l’accord de la collectivité.

Le propriétaire d’une construction délabrée peut faire les frais de sa négligence

La Cour administrative d’appel de Nancy a jugé que le coût d’évacuation des ruines résultant de la démolition de bâtiments délabrés peut être mis à la charge du propriétaire du terrain, même si, en raison de leur caractère immobilier, ces ruines ne sont pas juridiquement des déchets.

Dès 2001, le propriétaire d’un terrain s’était vu ordonner par la Cour d’appel de Colmar de remettre son état en terrain. En 2008, en l’absence de toute réaction de la part du propriétaire, le maire, faisant application de l’article L.480-9 du Code de l’urbanisme, a fait enlever par une société privée les divers déchets qui étaient présents sur le terrain, cela en mettant à la charge du propriétaire les frais facturés par la société privée.
Le propriétaire du terrain, contestant le caractère exécutoire de l’arrêté du maire mettant à sa charge le cout d’enlèvement des déchets.
En l’espèce, le requérant affirmait que le cout de démolition d’un hangar et d’une grange ne pouvait être mis à sa charge dans la mesure où ce ne sont pas des déchets au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’environnement.

Face à cela, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé le 3 avril 2014 qu’ « il résulte de l’instruction et il n’est pas sérieusement contesté par l’appelant que lesdits bâtiments étaient dans un état de délabrement avancé rendant impossible en toute sécurité l’enlèvement des déchets présents sur le terrain de M. C. sans procéder à leur démolition ; que, par suite, quand bien même ces ruines n’étaient pas, en raison de leur caractère immobilier, des déchets au sens des dispositions de l’article L.541-1-1 du Code de l’environnement , le coût de leur démolition pouvait être mis à la charge de l’appelant ».

Le SCOT en perspective au regard de la loi ALUR

Du point de vue des collectivités territoriales, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a opéré certaines modifications qui peuvent être résumées en six points.

1.Un renforcement du rôle intégrateur du SCOT
2.L’incitation à élaborer un SCOT
3.L’interdiction des SCOT à EPCI unique
4.La mise en place de nouveaux critères de délimitation
5.L’extension du rôle du SCOT à l’aménagement commercial
6.Connaitre la participation limitée des communes

Source : La gazette des communes, des départements et des régions, n°34/2236, 15 septembre 2014, Maitriser le SCOT après la loi « Alur », p. 56, de S. Lapprand et P. Peynet

Léger assouplissement de la règle de notification d’un recours en matière d’urbanisme

• Conseil d’Etat, 24 septembre 2014, n°351689

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt en date du 24 septembre 2014 dans lequel il est venu préciser une des modalités de la notification d’un recours en matière d’urbanisme. En substance, la haute juridiction administrative a affirmé qu’ « est régulière la notification d’un recours en matière d’urbanisme faite à l’architecte auquel le bénéficiaire avait donné mandat, l’adresse de l’architecte étant mentionnée sur le permis litigieux comme celle à laquelle est domicilié le bénéficiaire du permis ».

Source : AJDA n°33 du 6 octobre 2014, Régularité de la notification d’un recours en matière d’urbanisme, p. 1856

Les collectivités doivent réagir de toute urgence afin d’organiser l’instruction des autorisations d’urbanisme

L’autonomie progressive des collectivités dans l’instruction des autorisations d’urbanisme prévue par l’article 134 de la loi Alur a été l’objet de protestations de la part de l’Association des Maires de France et de l’Assemblée de communautés de communes de France. C’est d’ailleurs en ce sens que ces deux groupements ont édités un guide paru le 17 septembre 2014 visant à aider leurs adhérents à s’organiser avant le 1er juillet 2015.

Le guide édité par les deux associations affirme la nécessité pour les collectivités de réagir et de s’organiser. Néanmoins, cela n’est pas sans poser de complexités, en effet les collectivités rencontrent beaucoup de difficultés pour recruter des instructeurs, c’est donc vers les agents de l’Etat qu’elles se tournent. De plus, l’article R.423-15 du Code de l’urbanisme ne permet pas de recourir au « secteur concurrentiel » pour effectuer ces instructions d’urbanisme.
Certes, le guide propose des solutions aux communes, mais l’impact de cette autonomisation demeure inégal du fait des exceptions prévues par l’instruction du 3 septembre 2014 (exclusion des projets situés sur le territoire des EPCI de moins de 10 000 habitants, ou bien sur le territoire des communes dotées d’une carte communale, etc.).

Source : Le Moniteur.fr, le 17 septembre 2014, Instruction des autorisations d’urbanisme : les collectivités doivent se réorganiser de toute urgence, de B. Rallu

Un permis de construire peut-il être délivré sur la base d’un PLU qui a été annulé après la délivrance du permis d’aménager ? 

• Question écrite d’Eric Doligé, n°00463, JO du Sénat du 24 juillet 2014

La question qui était posée était de savoir si l’effet cristallisateur de cette disposition s’appliquait en cas d’annulation rétroactive d’un PLU (et donc d’application de l’article L.121-8 précité) ?

La réponse à cette question est négative, en effet l’annulation étant rétroactive, alors la norme annulée sur la base de laquelle le permis d’aménager a été octroyé est réputée n’avoir jamais existée, de ce fait elle ne peut être cristallisée puisqu’elle est inexistante.
Par conséquent, un permis de construire ne peut être délivré sur la base d’un PLU qui a été annulé, alors même qu’un permis d’aménager a été délivré sur la base de ce PLU.

Source : La gazette des communes, des départements et des régions n°33/2235, 8 septembre 2014, Un permis de construire peut-il être délivré sur la base d’un PLU qui a été annulé après la délivrance du permis d’aménager ?, p.50

DROIT ADMINISTRATIF

De l’importance du critère temporel dans la qualification de bien du domaine public ou privé

La codification ne s’est pas faite à droit constant

Le juge s’attache à la date à laquelle le bien serait entré dans le patrimoine de la personne publique afin de juger s’il appartient ou non au domaine public de la personne publique, ainsi selon la date d’entrée du bien dans le patrimoine de la personne publique, des critères différents s’appliquent.

Le manque de clarté autour de la domanialité publique virtuelle

Dans un premier temps, avant l’entrée en vigueur du CGPPP, la jurisprudence a dégagé la théorie de la « domanialité publique virtuelle ». Elle consiste globalement à constater que des aménagements « spéciaux » étaient prévus pour un bien, alors même qu’ils n’étaient pas encore réalisés, ce qui entraine l’application par anticipation du régime attaché aux biens du domaine public, et c’est seulement après la réalisation effective de ces aménagements que le bien entrait effectivement au sein du domaine public.
Or, le CGPPP est resté silencieux vis-à-vis de cette théorie (qui a d’ailleurs été condamnée par un rapport remis au président de la République).
Mais le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 8 avril 2013, Association ATLALR, n°363738, a ressuscité cette théorie en précisant que les biens qui devaient accueillir des aménagements spéciaux étaient intégrés d’office au sein du domaine public, sans passer par l’étape intermédiaire comprenant la seule application du domaine public. Le juge semble limiter l’application de cette théorie à des biens entrés dans le patrimoine de la personne publique avant l’entrée en vigueur du CGPPP, ce qui n’est pas en faveur de la simplicité.

Source : La Gazette des communes, des départements et des régions, n°33/2235, 8 septembre 2014, Domaine public ou privé, une question de temps, de P. Dupuis, p.53

La « marée verte », la mort du cheval et les carences de l’Etat

La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu un arrêt en date du 21 juillet 2014, M. P. c/ ministre de l’Ecologie, n° 12NT02416, reconnaissant la responsabilité partielle de l’Etat dans la mort d’un cheval provoquée par des gaz toxiques dégagés par des algues vertes en décomposition.

En l’espèce, au cours d’une promenade sur une plage, un homme et son cheval ont chuté dans une vasière où se trouvaient des algues vertes, l’animal est décédé quelques instants après, le cavalier a perdu connaissance. Le rapport d’autopsie du cheval a affirmé que la mort de l’animal était liée à une intoxication par inhalation de sulfure d’hydrogène, à savoir un gaz toxique dégagé par les algues en décomposition.
Le cavalier a donc saisi le juge administratif d’une demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à l’indemniser au titre du préjudice subi.

La CAA relève l’ensemble des fautes commises par l’Etat, à savoir notamment le fait de « ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux superficielles destinées à la production alimentaire soit conforme aux exigences de la [directive du 16 juin 1975], et pour avoir omis, en violation de la [directive du 12 décembre 1991], de désigner en tant que zones vulnérables plusieurs zones caractérisées par la présence de masses d’eau affectées, ou risquant de l’être, par des teneurs en nitrates excessives ou un phénomène d’eutrophisation ». Mais également le fait que les « politiques publiques menées par l’Etat (…) n’ont pas respecté les principes définis par le législateur pour préserver la ressource en eau des pollutions diffuses d’origine agricole », et aussi la non application de la législation relative aux installations classées, et enfin la régularisation massive et sans fondement légal des exploitations agricoles existantes.

La CAA estime que l’Etat est responsable du fait de ses « carences (…) dans la mise en œuvre de la règlementation européenne et nationale destinées à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole ».

La juridiction administrative estime que le lien de causalité entre la mort du cheval et les carences de l’Etat est caractérisé, et que par conséquent l’Etat est responsable. Néanmoins, la Cour relève le fait que le cavalier, ayant une bonne connaissance des lieux, a fait preuve d’une grande imprudence et opère donc un partage de responsabilité.

La reconnaissance du fonds de commerce sur le domaine public

La loi n° 2014-626 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », admet l’exploitation du fonds de commerce sur le domaine public, sous réserve que l’occupant dispose d’une clientèle propre.

Le locataire face à l’ordonnance d’expropriation privée de base légale

Selon la Cour de cassation, le fait que le locataire ne soit pas en mesure de contester l’ordonnance d’expropriation n’est pas contraire à la Constitution.

L’article L.12-5 du Code de l’expropriation, qui prévoit qu’en cas d’annulation définitive de la DUP ou de l’arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale, a fait l’objet d’une QPC qui n’a pas été transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation.
Selon la société requérante, cet article s’oppose au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre ainsi qu’à la liberté du commerce et de l’industrie dans la mesure où elle ne permet pas au preneur à bail de faire exercice de cette faculté, comme la Cour de cassation l’a précisé dans un arrêt Civ 3, 5 décembre 2007, Rossignol.

La Cour de cassation rejette cette QPC en affirmant qu’elle ne présente pas de caractère sérieux car « l’ordonnance d’expropriation ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier, seuls le propriétaire et le titulaire de ce droit ont qualité pour faire constater une éventuelle perte de base légale, le preneur à bail disposant notamment d’une action pour faire fixer ou contester l’indemnité d’éviction à laquelle il a droit ».

Source : AJDA n°30/2014 du 15 septembre 2014, p. 1691, le locataire face à l’ordonnance d’expropriation privée de bases légales

Vente d’un bien communal du domaine privé et compétence du juge judiciaire

• Cass. 1ère civ. 10 juillet 2013, n°12-22.198, Commune de Biscarrosse c/Silvain

La première chambre civile de la Cour de cassation précise le champ de la compétence du juge judiciaire dans le cadre de la vente d’un bien communal du domaine privé.

En l’espèce, la commune de Biscarrosse avait pris une première délibération autorisant le maire à procéder à la réitération par acte authentique de la vente d’un terrain. Puis, le conseil municipal avait pris une seconde délibération « annulant et remplaçant » la première, autorisant la vente avec un prix augmenté de 30%.
L’acquéreur s’est tourné vers le juge judiciaire afin de voir constaté le caractère parfait de la vente, et par conséquent contestant au moins implicitement la seconde délibération de la commune. La cour d’appel a souligné le fait que l’appréciation du caractère parfait de la vente relève de l’appréciation du juge judiciaire dans la mesure où le bien appartient au domaine privé communal, peu importe la qualité des contractants.

Mais la première chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel en estimant que celle-ci a appréciée la légalité de la seconde délibération, et a par conséquent outrepassée sa compétence. Ainsi, peu importe l’objet de la délibération, l’appréciation de sa légalité relève de la compétence administrative, c’est un acte détachable et la compétence du juge est liée par sa nature administrative. En revanche, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que « l’appréciation du caractère parfait de la vente, portant sur un bien relevant du domaine privé, relevait de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire ».

Source : AJDI, juillet/août 2014, n°7/8, p. 544, Vente d’un bien communal du domaine privé et compétence du juge judiciaire. 

DROIT DE LA COPROPRIETE

Droit de vote des copropriétaires

• Décision N°2014-409 QPC du Conseil constitutionnel du 11 juillet 2014

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC portant sur la constitutionnalité du quatrième alinéa de l’article L.443-15 du Code de la construction et de l’habitat. L’article 22 de la loi du 10 juillet 1985 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis limite le nombre de voix dont dispose un copropriétaire majoritaire en assemblée générale. Le quatrième alinéa de l’article L.443-15 du Code de la construction et de l’habitation, applicable aux copropriétés issues de la vente de certains appartements par un organisme HLM, écarte les dispositions de cet article 22 pour un organisme HLM vendeur.

Selon le Conseil constitutionnel, la disposition contestée n’a pour effet que d’écarter l’application du paragraphe I de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 qui réduit le nombre de voix du copropriétaire majoritaire par exception à la règle de proportionnalité. Le Conseil affirme que « s’il appartient aux juridictions compétentes de faire obstacle aux abus de majorité commis par un ou plusieurs copropriétaires, ni le droit de propriété ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit qu’un copropriétaire dont la quote-part dans les parties communes et majoritaire puisse disposer, en assemblée générale, d’un nombre de voix proportionnel à l’importance de ses droits dans l’immeuble ».

Au final, le Conseil constitutionnel écarte les griefs relatifs au principe d’égalité ou au droit de propriété formulés à l’égard de la disposition faisant l’objet de la QPC pour déclarer le quatrième alinéa de l’article L.443-15 du Code de la construction et de l’habitation conforme à la Constitution.

Source : Le Moniteur des TP et du bâtiment, n°5780, 5 septembre 2014, page 23

DROIT DES ASSURANCES

Le devoir de conseil de l’assureur : un devoir circonstancié et personnalisé

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 4 juin 2014, n°13-12770 affirmant que le devoir de conseil de l’assureur exige de lui qu’il fournisse une information détaillée en adéquation avec la situation et les besoins du souscripteur. En raison de la complexité de l’opération, la remise d’une fiche détaillée sur les contrats ne saurait suffire.

Source : La Gazette du Palais, n°260, du mercredi 17 et jeudi 18 septembre 2014, p.22, Le devoir de conseil de l’assureur : un devoir circonstancié et personnalisé

DROIT DE L’ARCHITECTURE

Le permis de construire de la Samaritaine annulé pour « dissonance » 

• Tribunal administratif de Paris, 13 mai 2014, Association SPPEF et autres., n°1302162

Alors que le permis de construire du projet de rénovation de la célèbre Samaritaine, rue de Rivoli, avait été validé par la mairie de Paris le 17 décembre 2012, le tribunal administratif de Paris, par un jugement en date du 13 mai 2014, l’a annulé.

Le tribunal a commencé par constater que le tissu urbain du quartier dans lequel la Samaritaine se situe est relativement homogène, principalement constitué d’immeubles en pierre datant du XVIIIème, du XIXème et du début du XXème siècle. Le tribunal a ensuite souligné le fait que l’architecture du projet validé par le permis de construire « ne contribue guère à mettre en valeur les édifices environnants ». Continuant en ce sens, le tribunal administratif a jugé que le projet ne s’insérait pas dans l’architecture locale, particulièrement du fait de la juxtaposition entre la façade de verre et les immeubles en pierre qui apparait, aux yeux du tribunal, comme étant dissonante.

DROIT DES MARCHES PUBLICS

Le projet « Biarritz – Océan » : un projet insuffisamment complexe pour le recours au contrat de partenariat

• Conseil d’Etat, 30 juillet 2014, Commune de Biarritz, n°363007

Le Conseil d’Etat apprécie la condition de complexité exigée pour le recours au contrat de partenariat, précisant que pour qu’elle soit remplie, il faut justifier « de circonstances particulières » de nature à établir qu’il est impossible pour la collectivité « de définir, seule et à l’avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins ».

Source : AJDA n°29/2014, 8 septembre 2014, Contrat de partenariat : le Conseil d’Etat se prononce sur la condition de complexité, de D. Poupeau.

DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

Un bloc de compétence exclusive du juge judiciaire en droit de la propriété intellectuelle

 TC, 7 juillet 2014, M. M. c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle, n°3954 TC, 7 juillet 2014, M. M. c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle, n°3955

Par deux décisions du 7 juillet 2014, le Tribunal des conflits a estimé que le juge judiciaire bénéficiait d’une compétence exclusive en droit de la propriété intellectuelle. Il était question en l’espèce d’un photographe ayant conclu avec une collectivité un contrat portant sur la cession des droits de reproduction et de diffusion de photographie. Le photographe, reprochant au département de ne pas avoir respecté ses droits d’auteur, a cherché à engager la responsabilité de la personne publique, néanmoins la question de l’ordre de juridiction compétent s’est posée.

Le tribunal des conflits estime que « par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, la recherche d’une responsabilité fondée sur la méconnaissance par ces dernières de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011, de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, sous réserve qu’une décision juridictionnelle ne soit pas déjà intervenue sur le fond devant les juridictions de l’ordre administratif ». De plus, le Tribunal des conflits affirme que cette solution est également valable dans le cadre d’un marché public.

Source : AJDA 2014, n°26, Un bloc de compétence exclusive du juge judiciaire en droit de la propriété intellectuelle, p. 1463, J.-M. Pastor