Michel HUET
En collaboration avec Marie THEBAULT

URBANISME 

La délivrance d’un certificat d’urbanisme erroné ne peut qu’atténuer la responsabilité de la commune en cas de refus de délivrer un permis de construire 
CE, 14 octobre 2015, SCI Les Colonnades, n° 375538 

Une société qui souhaitait acquérir un terrain, avait au préalable demandé un certificat d’urbanisme. Elle obtient n certificat d’urbanisme positif et achète le terrain. Malheureusement, en raison de risque d’inondation, sa demande de permis de construire est refusée. Elle a alors recherché la responsabilité de la commune puisqu’elle avait délivré un certificat d’urbanisme erroné.

Les juges d’appel ont estimé que la société aurait pu, par le moyen d’une clause dans le contrat de vente, subordonner la promesse de vente du terrain à une condition suspensive d’obtention du permis de construire. Elle aurait été imprudente en ne le faisant pas, imprudence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.

Le Conseil d’Etat quant à lui, considère que cette imprudence ne peut pas exonérer la commune de sa responsabilité, elle peut simplement l’atténuer.

Source : AJDA, 28 octobre 2015, n°35, « Responsabilité d’une commune ayant délivré un certificat d’urbanisme erroné », par Jean-Marc Pastor

Compétence liée du maire qui refuse un permis de construire un portail bloquant l’accès à un chemin rural 
CAA Bordeaux, 11 juin 2015, n° 12BX03117 

Le propriétaire d’un moulin avait obtenu un permis de construire un portail sur sa propriété. La commune a par la suite retiré ce permis, au motif que la pose de ce portail empêcherait l’accès à un chemin rural reliant deux communes voisines.

Après avoir examiné la problématique de la propriété du terrain litigieux, la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est penché sur la marge de manœuvre dont la commune dispose pour autoriser ou refuser un permis de construire fermant l’accès à un chemin rural.
Elle relève que le code rural prévoit que « Lorsqu’un obstacle s’oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d’urgence. » Au regard des dispositions du code, les juges considèrent que le maire était en l’espèce en situation de compétence liée. Il devait s’opposer au projet du pétitionnaire de construire un portail, dans la mesure où le chemin rural en cause n’avait fait l’objet ni d’une désaffectation, ni d’une enquête publique en vue de son aliénation.

Source : AJDA, 28 octobre 2015, n°35, Veille de jurisprudence, « Le maire et la préservation des chemins ruraux » 

Le Conseil d’Etat considère que l’enquête publique relative à l’approbation du SDRIF est régulière 
CE, 23 octobre 2015, Commune de Maisons-Laffitte, n° 375814 

Le Conseil d’Etat considère que l’enquête publique relative à l’approbation du SDRIF est régulière

CE, 23 octobre 2015, Commune de Maisons-Laffitte, n° 375814

Plusieurs communes ont décidé d’attaquer le décret du 27 décembre 2013 par lequel le Premier Ministre a approuvé le schéma directeur de la région d’Ile-de-France (SDRIF). Elles remettent notamment en cause la régularité de l’enquête publique.

En premier lieu, le Conseil d’Etat estime que l’affichage des avis publics, informant de l’ouverture de l’enquête publique, était suffisant. En effet, le Code de l’environnement n’imposait pas que l’avis public soit affiché dans toutes les mairies des communes de la région.

En second lieu, il considère que l’ensemble des personnes et groupement intéressés ont pu prendre connaissance du projet, en mesurer les impacts et émettre leurs observations. En effet, le dossier soumis à enquête publique était consultable à l’hôtel de régions et dans 25 mairies, aux jours et horaires habituels d’ouverture de ces lieux. De plus, le dossier a également été mis en ligne sur Internet et les internautes pouvaient présenter leurs observations par voie dématérialisée. D’ailleurs, les multiples publications dans des journaux régionaux et nationaux faisaient référence à la possibilité de consulter et de télécharger le dossier sur ledit site internet. Il ajoute enfin qu’en dépit du nombre limité de lieux d’enquête, les modalités d’organisation de cette enquête ont bien permis au public intéressé de prendre connaissance du projet et de donner son opinion sur celui-ci.

Source : La Gazette du Palais, 4 et 5 novembre 2015, n°308 à 309, Jurisprudence, « Approbation du SDRIF : régularité de l’enquête publique »

Actualité récente des secteurs d’information sur les sols, nouveauté issue de la loi Alur 

Parmi les nouveautés issues de la loi Alur, figure la création à l’article 173, des secteurs d’informations sur les sols (SIS). L’objectif poursuivi par la réforme était de permettre une meilleure information et une meilleure identification des sols pollués. Ainsi, trois axes se dégagent nettement de cette réforme. Premièrement, la loi envisage la création des SIS et d’une carte permettant de situer les anciens sites industriels et activités de service. Deuxièmement, est instaurée la possibilité pour un tiers de se substituer à l’exploitant sur lequel se trouvait une ICPE pour y effectuer les travaux de dépollution. Troisièmement, il devient obligatoire pour le maitre de l’ouvrage de réaliser une étude de sols préalablement à un changement d’usage du site ou à la construction sur un terrain situé dans un SIS. Récemment, deux décrets en date du 18 août 2015 et du 26 octobre 2015 sont venus apporter des précisons concernant cette réforme.

Plusieurs dispositions viennent préciser la mise en œuvre des SIS. Ces derniers correspondent à des zones qui répertorient les terrains pollués. C’est le préfet de département qui sera chargé de lister les terrains situés dans les SIS, et ce, avant le 1er janvier 2019. Chaque année, une révision de cette liste devra être effectuée.

Plusieurs conséquences sont attachées à ce classement des terrains dans les SIS. Ainsi, le décret du 26 octobre 2015 détaille la procédure relative à la création, la modification et la suppression des SIS (article R.125-41 du Code de l’environnement). Cette procédure fait intervenir le préfet de département, les maires des communes concernées par les SIS ou les présidents des EPCI compétents en matière de document d’urbanisme. Suite à leur création les SIS sont affichés dans les mairies et aux sièges des EPCI. Ils sont annexés au PLU et au plan de sauvegarde de mise en valeur.
De plus, le certificat d’urbanisme doit préciser si le terrain est situé dans un SIS. Les vendeurs ou bailleurs de terrain doivent eux aussi informer les acquéreurs et locataires que le bien objet du contrat est situé dans un SIS.

Des règles nouvelles s’appliquent également lorsque l’on veut construire sur un terrain situé dans un SIS. Ainsi, l’article L.556-2 du Code de l’environnement prévoit désormais qu’une étude de sols doit nécessairement être réalisée et attestée par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués. Le contenu de ces études et attestation est fixé par décret. L’attestation doit être jointe aux demandes de permis de construire et d’aménager.

Source : Source : Editions législatives, Dictionnaire permanent, Construction et urbanisme, novembre 2015, Bulletin n°469, « Top départ pour l’élaboration des SIS », par Marie-Christine Pelras

Modalités de publicité d’un permis de construire pour les terrains non desservis par une voie publique ou une voie privée ouverte à la circulation du public
CE, 27 juillet 2015, n° 370846 

Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de la publicité par affichage du permis de construire. Pour être conforme aux prescriptions du Code de l’urbanisme, l’affichage sur le terrain objet du permis doit être lisible depuis la voie publique pour être régulier. Cette question est importante puisque l’affichage régulier fixe le point de départ du délai de recours contentieux.
Toutefois, il existe des terrains qui ne sont pas desservis par une voie publique ou par une voie privée ouverte à la circulation. Dans ce cas, le Conseil d’Etat considère que pour que la publicité soit visible des tiers, l’affichage doit se faire au moyen d’un panneau placé en bordure de voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain d’assiette. Le délai de recours peut alors courir.

En l’espèce, les pétitionnaires envisageaient de construire sur une parcelle située au sein d’un lotissement au fond d’une impasse, et aucune voie ne la desservait. L’affichage de la publicité sur leur terrain n’était pas régulier, puisqu’il ne répondait pas à l’exigence de visibilité.

Source : AJDA, 28 octobre 2015, n°35, Jurisprudence commentée, « Sun Tzu en droit de l’urbanisme ou tout n’est il qu’une question d’affichage ? », par Jean- Baptiste Sibileau

Incidence de la demande de pièces complémentaires sur le point de départ du délai permettant de notifier la modification du délai d’instruction d’une demande de permis 
CAA Marseille, 24 juin 2015, Commune de Castries, n° 13MA01137

La question objet de ce litige consistait à savoir si le point de départ du délai d’un mois pendant lequel l’autorité compétente pour notifier la modification ou la prolongation du délai d’instruction pouvait être déplacée lorsque des pièces complémentaires sont demandées.

En effet, le Code de l’urbanisme autorise les modifications ou prolongation des délais d’instruction des demandes de permis. C’est le cas lorsque les travaux objets du permis concernant un établissement recevant du public : le délai d’instruction est porté à 6 mois.

La cour administrative d’appel juge que le point de départ du délai d’un mois pour notifier la modification ou la prolongation du délai d’instruction peut être le jour où le pétitionnaire dépose un dossier complet, lorsque l’administration lui a demandé de lui communiquer des pièces complémentaires.

Source : AJDA, 28 octobre 2015, n°35, Jurisprudence commentée, « Mesures décisoires d’instruction des demandes de permis et naissance d’un permis tacite », Conclusions de Gilles Roux, Rapporteur public 

Rôles du maire et de l’Etat dans la délivrance d’un permis de construire dans une commune non couverte par un PLU 
CE, 25 novembre 2015, n° 372045 

Le Conseil d’Etat est venu statuer sur la problématique de la délivrance des permis de construire dans les communes qui n’ont pas de plan local d’urbanisme.

Dans ces communes, l’Etat détient la compétence pour délivrer les permis de construire. Le maire prend la décision au nom de l’Etat, sauf dans certains cas énumérés à l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme, dans lesquels il revient au préfet de département de prendre la décision. C’est notamment le cas lorsque le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction sont en désaccord.

La procédure de délivrance du permis de construire est dans ces communes non couvertes par un PLU. Ainsi, le maire doit adresser au chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction son avis sur les demandes de permis. L’avis est réputé favorable en cas de silence du maire gardé pendant un mois à compter du dépôt de la demande. Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction doit quant à lui adresser un projet de décision au maire. Avant de lui adresser ce projet de décision, il doit recueillir l’avis du maire.

En l’espèce, le Conseil d’Etat déduit de ces règles que rien n’empêche le maire, avant la transmission du projet de décision, de modifier son avis. Toutefois, il n’a pas la compétence pour prendre une décision en désaccord avec le projet de décision transmis par le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction.

Source : AJDA, 7 décembre 2015, n° 41, Au fil de la semaine, « Délivrance du permis de construire en l’absenc de PLU », par Diane Poupeau

Permis de construire sur le domaine public et absence de division en jouissance 
CAA Marseille, 3 avril 2015, n° 13MA00735 

Dans cette affaire, le maire de Salindres avait délivré à une société un permis de construire portant notamment sur la création d’un centre de tri. Une association avait attaqué l’arrêté municipal en cause. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, l’association a formé un appel.

En premier lieu, l’arrêt d’espèce confirme une solution qui date de 1976 (CE, 19 mai 1976, Société foncière et maritimes de Bormes-les-Mimosas) selon laquelle le pétitionnaire qui construit sur une dépendance du domaine public n’a pas besoin d’une autorisation d’occupation du domaine. Il suffit simplement que la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine public. C’était bien le cas en l’espèce.

En second lieu, la cour statue sur l’argument selon lequel le permis de construire aurait du être précédé d’un permis d’aménager, dans la mesure où l’autorisation du maître du domaine public, à savoir la communauté d’agglomération, portait sur plusieurs parcelles faisant elles mêmes partie d’une unité foncière plus vaste. La Cour administrative d’appel retient toutefois que la convention d’occupation domaniale ne peut être regardée comme valant division en jouissance de la propriété foncière de la communauté d’agglomération. Le permis de construire n’avait donc pas à être précédé d’un permis d’aménager.

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Urbanisme, « Une convention d’occupation domaniale ne réalise pas une division en jouissance », par Pierre Soler-Couteaux 

L’importante question de l’accès à la voirie d’un terrain
CE, 7 octobre 2015, n° 384020, SCI des Joncs 

Par un arrêté, le maire de Dammartin-en-Goële avait délivré à une société un permis de construire sur un terrain lui appartenant. Leurs voisins avaient demandé l’annulation de l’arrêté litigieux, arguant de l’absence de desserte du terrain objet du permis de construire. Déboutés tant devant les juges de première instance que devant les juges d’appel, ils ont formé un pouvoir en cassation.

Les dispositions du PLU de Dammartin-en-Goële précisent qu’un terrain ne peut être constructible que s’il dispose d’un accès à une voie publique ou privée ouverte à la circulation automobile et en état de viabilité, et que si l’accès permet, par ses caractéristiques, d’assurer la sécurité des usagers et la défense contre l’incendie et la protection civile. Le Conseil d’Etat ajoute que rien, dans ces dispositions, ne s’oppose à ce que l’accès soit un passage aménagé sur un fonds voisin.

En l’espèce, le terrain de la société était enclavé et n’était accessible que par une bande de terre située sur la parcelle des voisins et non ouverte à la circulation. Une servitude avait d’ailleurs été instaurée sur leur parcelle.

La cour administrative d’appel a considéré que ce passage ne pouvait constituer une voie privée et en a déduit que le terrain de la société n’avait pas d’accès à une voie publique ou privée. Le Conseil d’état considère qu’en jugeant comme elle l’a fait, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. L’accès d’un terrain à la voirie publique ou privée peut donc de faire par un passage qui n’est pas lui-même ouvert à la circulation.

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Urbanisme, « L’accès à la voirie d’un terrain enclavé n’est pas subordonné à l’exigence que cet accès soit lui-même constitutif d’une voie ouverte à la circulation », par Rémi Decout-Paolini 

Annulation partielle d’un permis de construire autorisant des places de stationnement trop petites
CAA Lyon, 4 juin 2015, Société Patrick P. et associés, n° 14LY00058

La commune de Méry avait délivré un permis de construire à la SARL Patrick P ayant pour objet la construction de 35 logements. Le tribunal administratif avait annulé ce permis au motif qu’il ne respectait pas les dispositions du PLU relatives au nombre et aux dimensions des places de stationnement. En effet, 10 des 86 places de stationnement avaient une longueur de 5,25 mètres au lieu de 5,50 mètres. La société a fait appel du jugement.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel commence par rappeler les règles relatives aux hypothèses dans lesquelles le juge administratif peut prononcer une annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme et qui résultent de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. Il fait ensuite application de ces règles pour juger que le motif d’annulation du permis de construire concerne une partie identifiable du projet et devait donc entrainer une annulation partielle du permis de construire et non une annulation totale.

Source : AJDA, 9 novembre 2015, n° 37, Veille de jurisprudence, « Des places de stationnement trop petites ne justifient qu’une annulation partielle du permis de construire »