Michel HUET
En collaboration avec Marie THEBAULT

Urbanisme

La mise en œuvre d’une concertation supplémentaire à celle initialement prévue par la commune n’entache pas le PLU d’illégalité

CE, 25 novembre 2015, n° 372659, Commune de Cazedarnes

La commune de Cazerdanes souhaitait réviser son POS afin de le transformer en PLU. Le conseil municipal a alors pris une délibération pour définir les modalités de la concertation devant précéder cette révision. La délibération a prévu divers modes de concertation comme la mise à disposition d’un registre ou encore l’information du public par bulletin et voie de presse. En plus des modalités de concertation prévues par cette délibération, la commune a organisé une concertation auprès des viticulteurs et des artisans.

Les juges d’appel ont estimé que cette concertation supplémentaire, non prévue par la délibération, avait entaché d’illégalité la délibération approuvant la révision du POS.

Le Conseil d’Etat infirme l’arrêt rendu par les juges d’appel. Il leur reproche de n’avoir pas recherché si, eu égard aux conditions dans lesquelles elle s’était déroulée, la consultation supplémentaire avait eu pour effet d’entacher d’irrégularité la procédure de concertation. Il en conclut que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

Source : AJDA, 7 décembre 2015, n° 41, Au fil de la semaine, « Trop de concertation ne nuit pas à la légalité d’un PLU », par Marie-Christine de Montecler

Le juge pénal et l’appréciation de l’opportunité de la démolition d’un ouvrage édifié sans autorisation d’urbanisme

Cour de cassation, crim., 1er septembre 2015, n° 14-84.353

Dans cette affaire, le prévenu avait construit deux serres sur son terrain et ce, sans autorisation d’urbanisme. La commune s’était constituée parti civile et avait réussi à obtenir la remis en état des lieux, ou en d’autres termes, la démolition des ouvrages. Toutefois, la cour d’appel avait informé ce jugement estimant que la démolition des serres, édifiées dans un secteur isolé en zone agricole, n’était pas nécessaire à la réparation du dommage subi par la commune. Cette dernière forme un pourvoi.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle estime que la cour d’appel a souverainement apprécié que la remise en état des lieux ne constituait pas une mesure propre à réparer le dommage né de l’infraction.

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Pénal de la construction et de l’urbanisme, « La démolition, encore et toujours », par Gabriel Roujou de Boubée

De la nécessaire précision du mandat donné au syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires

CE, 3 juillet 2015, n° 371433, Syndicat des copropriétaires La Parade collectif

Dans cette affaire, le maire de Marseille avait délivré, un arrêté, un permis de construire à une société. Le syndicat des copropriétaire La Parade Collectif a demandé l’annulation de l’arrêté octroyant le permis de construire. Le contentieux s’est cristallisé autour du mandat donné au syndic d’exercer un tel recours.

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que lorsqu’une autorisation est requise pour agir en justice, le syndic, qui agit au nom de la copropriété, doit obtenir de l’assemblée générale des copropriétaires, une autorisation formelle. A défaut, sa demande est irrecevable.
En l’espèce, le syndic avait été autorisé, par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires, à « exercer un recours éventuel en contestation du permis de construire concernant le programme mitoyen ». La cour administrative d’appel a décidé que cette autorisation n’était pas suffisamment précise quant à l’objet et à la finalité de ladite contestation. Ainsi, elle ne pouvait pas constituer une autorisation valable en vue de relever appel du jugement de première instance. Le Conseil d’Etat confirme la solution donnée par les juges d’appel.

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Urbanisme, « Le mandat du syndic doit être précis sur la nature et la finalité de la contestation d’un permis de construire », par Pierre Soler-Couteaux

Nouvelle décision concernant l’intérêt à agir contre un permis de construire

CAA Nantes, 24 juillet 2015, n° 14NT02367, Commune de l’Ile de Batz

Le cas d’espèce concerne la question de l’intérêt à agir du propriétaire de parcelles agricoles situées à proximité d’une parcelle sur laquelle une construction devait être édifiée en vertu d’un permis de construire.

En vertu de l’article L600-1-2 du Code de l’urbanisme, « une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire ».

En l’espèce, la Cour administrative d’appel estime que la construction litigieuse n’aura aucune incidence directe sur les parcelles agricoles. La Cour relève aussi qu’il n’est pas établi que ces parcelles sont effectivement exploitées et que l’activité agricole générerait des nuisances sonores incompatibles avec des constructions à usage d’habitation.
De plus, le propriétaire des terres agricoles n’a aucun projet de construction sur celles-ci. Elles ne sont d’ailleurs pas constructibles. La construction litigieuse ne pourrait donc pas limiter ses propres possibilités de construction.

Par conséquent, la Cour administrative d’appel conclut que c’est à tort que le tribunal administratif a jugé le recours du requérant recevable. Celui-ci n’a aucun intérêt à agir contre le permis de construire.

Source : AJDA, 9 novembre 2015, n° 37, Chroniques, Urbanisme, « Intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme », par Antoine Durup de Baleine

Précisions sur la nécessité de notifier son recours à l’auteur de l’autorisation d’urbanisme lorsqu’elle est délivrée au nom de l’Etat

CAA Lyon, 29 septembre 2015, n° 14LY00938, Commune d’Issanlas

En l’espèce, un permis de construire avait été délivré à une société par le préfet de l’Ardèche au nom de l’Etat. Mais le requérant, qui attaquait le permis de construire, avait notifié sa requête d’appel au préfet de l’Aveyron.

La cour rappelle qu’vertu de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme, tout recours contentieux contre un permis de construire doit être notifié, à peine d’irrecevabilité, à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation.

La Cour considère que même si le préfet de l’Aveyron et le préfet de l’Ardèche sont tous deux des autorités déconcentrées de l’Etat, c’est bien le préfet de l’Ardèche qui devait être regardé comme l’auteur du permis de construire, et donc comme destinataire de la notification prévue par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme.
De plus, rien n’imposait au préfet de l’Aveyron de transmettre la requête d’appel au préfet de l’Ardèche.

La requête n’est donc pas recevable.

Source : AJDA, 9 novembre 2015, n° 37, Chroniques, Urbanisme, « Notification du recours en matière d’urbanisme », par Aline Samson-Dye

Précisions sur les conditions de refus d’une demande de prorogation d’un permis de construire

CE, 11 décembre 2015, n° 371567, Société Compagnie du vent

Dans cette affaire, la société La Compagnie du Vent avait obtenu un permis de construire des éoliennes près d’un terrain sur lequel avaient été instituées des servitudes aériennes. Le préfet avait rejeté ses demandes de prorogation du permis de construire. Le ministre de la défense s’était opposé à ces demandes.
Les demandes formulées par la société tendant à d’annulation du refus de prorogation du permis de construire ayant été rejetées tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel, elle s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’Etat rappelle que l’autorité administrative doit faire droit à une demande de prorogation de permis de construire si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable.
Il décide en l’espèce, que « la modification, dans un sens plus restrictif, de l’appréciation portée par l’autorité administrative compétente sur les conditions d’application des textes régissant une servitude, ne peut, dès lors que ceux-ci n’ont pas été modifiés, être regardée comme constituant une modification de cette servitude dans un sens défavorable ». Ainsi, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit lorsqu’elle a jugé que le changement d’appréciation de l’autorité militaire sur les conditions d’application d’un arrêté pouvait être regardé comme une évolution dans un sens défavorable à la société requérante de la servitude.

Source : AJDA, n°43, 21 décembre 2015, Au fil de la semaine, « Conditions permettant de refuser la prorogation d’un permis de construire », par Marie-Christine de Montecler

Droit de la construction

Il n’est pas nécessaire que l’ouvrage soit achevé pour que la réception soit valable

Cour de cassation, 7 juillet 2015, ° 14-17.115, Société Euromaf et autres c/ AXA France IARD et autres

En l’espèce, un propriétaire a confié à un entrepreneur la transformation d’un bassin en une piscine à débordement. Un procès verbal de réception est signé par tous les acteurs de la construction, à savoir le maître de l’ouvrage, l’architecte et l’entrepreneur. Des désordres ont ultérieurement été constatés.
La Cour d’appel a retenu la responsabilité contractuelle des constructeurs. Elle a estimé qu’à la date du procès verbal de réception, la piscine n’était pas achevée. Elle en a déduit qu’il n’existait pas de procès-verbal de réception exprès.
La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que l’achèvement de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception. Elle rappelle ainsi une solution classique, déjà posée en 1989 (Cass. Civ., 3ème, 12 juillet 1989, n° 88-10.037).

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Marchés de travaux privés et autres contrats, « L’achèvement de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception », par Bernard Boubli

Manquement d’un maître d’œuvre à son devoir de conseil lors de la réception de l’ouvrage

CAA Marseille, 12 novembre 2015, n° 13VE00697, Centre hospitalier intercommunal d’Eaubonne-Montmorency

Un centre hospitalier avait confié à une société la maîtrise d’œuvre d’une opération de construction d’une unité centrale de production alimentaire, qui incluait la construction d’un tunnel de lavage de chariots transportant des repas. Après réception, le centre hospitalier réalise que le tunnel n’assure pas correctement le lavage car les chariots, d’une marque différente, ne sont pas adaptés au tunnel.

La cour administrative d’appel retient dans ce cas la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre, pour manquement à son devoir de conseil du maître d’ouvrage lors des opérations de réception.
La cour considère qu’étant chargée d’une mission complète de maîtrise d’œuvre, la société aurait dû conseiller au maître de l’ouvrage « de différer la réception des travaux après la livraison des chariots et d’effectuer des épreuves du tunnel de laverie avec ceux-ci afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble de l’installation ». De plus, la société ne s’est pas inquiétée au stade de la réception d’une possible inadéquation entre le tunnel et les chariots.

Source : Contrats et marchés publics, janvier 2016, n° 1, Commentaires, « Responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil à l’occasion de la réception de l’ouvrage », par Hélène Hoepffner

Précisions sur les missions du maître d’œuvre

CAA Nancy, 23 juillet 2015, n° 13NC01060, Société Egis Structures et Environnement

Marché public pour des travaux de terrassement et de VRD entre la société Vici Construction terrassement et le syndicat départemental de traitement des ordures ménagères (SYDOM) du Jura. Après résiliation du marché, la société a demandé au SYDOM de lui verser le solde du marché dont elle était titulaire. Le Tribunal administratif a fait droit à cette demande et a condamné la société Egis Structures et Environnement, maître d’œuvre, à garantir le SYDOM. La société Egis Structures et Environnement demande à la cour administrative d’appel d’annuler ce jugement.

La société Egis Structures et Environnement fait valoir que c’est à tort que le tribunal de première instance l’a condamnée à garantir le SYDOM à hauteur de 70 % des sommes qu’il a été condamné à verser à la société Vinci Construction Terrassement dès lors qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Pour la Cour l’essentiel des problèmes rencontrés lors de l’exécution du marché viennent de causes extérieures, notamment d’importantes intempéries. Or, le maitre d’œuvre n’a pas pris en compte cet aléa climatique aux stades de la conception et du suivi de l’exécution du marché. La cour juge qu’il n’a pas suffisamment anticipé et maîtrisé les conséquences des intempéries. Il n’a pas non plus justifié avoir informé le SYDOM des inconvénients liés aux intempéries, ni avoir « exercé de façon diligente ses missions de direction de l’exécution des travaux et d’ordonnancement et de pilotage lorsque sont apparus les problèmes liés à la réalisation des tests d’étanchéité »
Le juges en déduisent que le maître d’œuvre n’est pas fondé à soutenir qu’il a effectué toutes les diligences nécessaires relatives au traitement des intempéries.

Toutefois, le SYDOM n’apporte pas « d’éléments suffisamment précis et probants de nature à justifier d’un lien de causalité entre l’ensemble des surcoûts mis à sa charge dans le cadre du présent litige et les fautes du maître d’œuvre ». Par conséquent, la cour juge que la société Egis Structures et Environnement ne doit garantir le SYDOM qu’à hauteur de 70% des sommes dues, et non la totalité.

Source : Revue Contrats Publics, n° 158, Octobre 2015, Veille, Jurisprudence nationale, « Indemnité de résiliation due à l’entrepreneur par le maître d’ouvrage et garanties du maître d’œuvre »,

Impact du manquement de l’architecte à ses obligations contractuelles sur le paiement des honoraires par le maître de l’ouvrage

CAA Lyon, 2 juillet 2015, n° 13LY03138, Commune de Meilhaud

Une commune a confié à un architecte, un ingénieur structure, un économiste et une société, la maitrise d’œuvre de la rénovation de son école et la création de deux logements dans un bâtiment communal. L’architecte a demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune à lui verser une certaine somme à titre d’acomptes d’honoraires assortis d’intérêts de retard. La commune fait appel du jugement qui a fait droit aux demandes de l’architecte.

La commune avait refusé de verser ces sommes au motif que certaines prestations de maitrise d’œuvre de l’architecte n’avaient pas été réalisées et que certaines des prestations réalisées ne correspondaient pas aux obligations contractuelles auxquelles l’architecte était tenu de se conformer ou elles n’avaient pas été réalisées correctement. Un rapport d’expertise est d’ailleurs venu souligner un ensemble « d’erreurs de gestion du chantier » et un non respect par l’architecte des termes de la mission qui lui était confiée.

La cour considère que l’architecte n’avait pas satisfait à toutes ses obligations contractuelles et par conséquent, la commune pouvait refuser d’honorer les dernières notes d’honoraires qui lui ont été présentées

Source : Revue Contrats Publics, n° 158, Octobre 2015, Veille, Jurisprudence nationale, « Calcul de la rémunération du maître d’œuvre »

Garantie décennale et subrogation de l’assureur dans les droits de son assuré

CAA Douai, 22 septembre 2015, n° 14DA01047

Un office public de l’habitat (OPH) a entrepris des travaux de rénovation de plusieurs immeubles dont il était propriétaire. Moins de dix ans après, un incendie détruit les façades de plusieurs immeubles. L’OPH déclare donc le sinistre auprès de son assureur de dommage-ouvrage, la société Sagena. Celle-ci, s’estimant subrogée dans les droits de l’OPH, a saisi le tribunal administratif afin d’obtenir la condamnation des entreprises intervenues dans les opérations de rénovation. Le tribunal a rejeté cette demande.

La Cour administrative d’appel juge que « si l’assureur du maître de l’ouvrage bénéficie de l’effet interruptif d’une citation en justice à laquelle il a procédé dans le délai de garantie décennale, alors même qu’à la date de cette citation, n’ayant pas payé l’indemnité d’assurance, il ne serait pas encore subrogé dans les droits de son assuré, il ne peut toutefois obtenir des constructeurs, cités en justice, le remboursement à due concurrence de l’indemnité d’assurance qu’il a versée au maître d’ouvrage public, que s’il établit par tout moyen qu’à la date de la clôture de l’instruction de l’instance introduite devant le juge administratif, il a effectivement versé cette indemnité ou une partie d’entre elle et qu’il peut ainsi être regardé comme ayant été subrogé dans les droits de son assuré ».

En l’espèce, la société Sogena ne justifiait pas avoir versé une indemnité à l’OPH. La Cour administrative d’appel rejette sa demande.

Source : Revue Contrats et marchés publics, n°11, novembre 2015, Commentaires, « Garantie décennale : l’assureur bénéficie de l’effet interruptif d’une citation en justice à laquelle il a procédé dans le délai de la garantie décennale même s’il n’est pas subrogé dans les droits de son assuré », par Hélène Hoepffner

Précisions sur l’obligation de conseil du maître d’œuvre

Cass. 3e civ, 15 octobre 2015, n°14-24.553<:span>

Par un arrêt en date du 15 octobre 2015, la Cour de cassation est venue statuer sur l’étendue du devoir de conseil qui incombe au maître d’œuvre.

En l’espèce, dans le cadre de travaux d’extension de sa maison, le propriétaire avait confié la maitrise d’œuvre à un GIE d’entreprises. Les voisins avaient assigné le maître de l’ouvrage en démolition du nouvel ouvrage et en paiement de dommages et intérêts, au motif que celui-ci prenait appui sur leur mur privatif contenant des ouvertures obturées par des parpaings.
La cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel qui avait condamné le GIE. En n’attirant pas l’attention du maitre de l’ouvrage sur les risques qu’il prenait en édifiant une construction en violation des droits du propriétaire voisin de son terrain, le GIE maître d’œuvre a manqué à son obligation de conseil. Le GIE aurait du consulter le titre de propriété de son client et en tirer les conséquences, pour s’assurer de la légalité du projet au regard des droits des tiers.

Source : Editions législatives, Dictionnaire permanent, Construction et urbanisme, novembre 2015, Bulletin n°469, « Un devoir de conseil alourdi pour les maîtres d’œuvre », par T. Melaine

Sur la possibilité pour un maître de l’ouvrage de mettre en cause le sous-traitant sur le terrain quasi-délictuel

CE, 7 décembre 2015, n° 380419, Commune de Bihorel

Dans cette affaire, une commune avait conclu un contrat ayant pour objet la réfection de l’isolation de la couverture du toboggan d’une piscine avec une société. Cette dernière avait sous-traité une partie des travaux. Des désordres apparaissent postérieurement à la réception de l’ouvrage. Le maître d’ouvrage a voulu rechercher la responsabilité des participants à l’opération.

Le conseil d’Etat juge en l’espèce que lorsqu’un maître d’ouvrage souhaite obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage, il peut tout à fait, lorsqu’il n’est pas possible de rechercher la responsabilité d’un cocontractant, « de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs ». Le conseil d’Etat vise ici le cas du sous-traitant.

Le Conseil d’Etat précise que dans cette hypothèse, le maître de l’ouvrage peut notamment invoquer la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, mais il ne peut pas se prévaloir de fautes qui résulteraient de la seule inexécution, par le sous-traitant, de ses propres obligations contractuelles.

De plus, dans ce cadre, le maître de l’ouvrage ne peut invoquer que des désordres apparus après réception qui seraient de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

Par conséquent, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la commune n’était pas fondée à rechercher la condamnation de la société sous-traitante sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, dès lors que la commune invoquait la méconnaissance du contrat unissant ce sous-traitant et l’entrepreneur.

Source : Gazette du Palais, 5 janvier 2016, n° 1, Panorama de jurisprudence du Conseil d’Etat, « Responsabilité quasi-délictuelle des participants à une opération de construction », par Philippe Graveleau

Environnement

Précisions sur les raisons impérieuses d’intérêt public majeur permettant de déroger à l’interdiction de détruire des spécimens et habitats d’espèces animales protégées

CAA Douai, 15 octobre 2015, n° 14DA02064, Association Ecologie pour Le Havre

Le préfet de la Seine Maritime a autorisé par arrêté, la perturbation et la destruction d’espèces animales protégées pour l’aménagement de six parcelles. L’association « Ecologie pour Le Havre » a attaqué cette décision mais les juges du fond ont rejeté ses demandes. Elle fait appel de cette décision.

L’article L411-2 du Code de l’environnement prévoit qu’il est possible de déroger à l’interdiction de destruction de spécimens et d’habitats d’espèces animales protégées Il est notamment possible d’y déroger pour des raisons impératives d’intérêt public majeur.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Douai juge que des travaux destinés à l’implantation ou à l’extension d’entreprises peuvent être regardées comme une raison impérative d’intérêt public majeur lorsque le projet, bien que de nature privée, présente réellement, à la fois par sa nature et par le contexte économique et social dans lequel il s’insère, un intérêt public majeur. La cour précise que cet intérêt doit pouvoir être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels et de la faune sauvage.

En l’espèce, la dérogation est accordée.

Source : RDI, novembre 2015, n°11, Chroniques, Actualités, « Construction et dérogation à la directive habitats sur le fondement d’une raison impérieuse d’intérêt public majeur », par Rozen Noguellou

Une décision dérogeant à l’interdiction de détruire des espèces protégées est une décision administrative individuelle défavorable qui doit donc être motivée

CAA Marseille, 9 juin 2015, Ligue pour la protection des oiseaux, délégation PACA, n° 13MA00788

Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence avait pris un arrêté portant dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces et d’habitats d’espèces animales protégées dans le cadre du projet de construction d’une centrale photovoltaïque Une association de protection des animaux a demandé l’annulation de cet arrêté mais le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Elle fait appel de cette décision.

En l’espèce, la cour administrative d’appel considère que l’arrêté préfectoral constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement au sens de l’article 2 de la loi du 11 juillet 1979. Par conséquent, elle est soumise à une obligation de motivation.

La cour relève que la motivation de l’arrêté est insuffisante. Elle annule alors le jugement du tribunal de première instance.

AJDA, 9 novembre 2015, n° 37, Chroniques, Environnement, « Motivation d’une dérogation à l’interdiction de destructions d’espèces protégées », par Michaël Revert

La limitation de l’activité d’une station de lavage d’automobiles est disproportionnée par rapport au but à atteindre et constitue une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie

CAA Nancy, 26 novembre 2015, n° 14NC02208, SARL Elephantus

Suite à des plaintes de riverains, le maire d’une commune avait pris un arrêté limitant l’activité d’une station de lavage d’automobiles de 7h à 22h. Il motivait son arrêté en relevant que le fonctionnement de la station portait atteinte à « la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme par le bruit ».
La société qui exploitait cette station avait demandé l’annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif, sans succès. Elle a alors interjeté appel.

La cour administrative d’appel relève en l’espèce que l’émergence sonore causée par la station était très faible et le bruit dont se plaignaient les riverains était principalement dû au trafic routier.

La cour juge alors qu’une telle utilisation par le maire de ses pouvoirs de police est disproportionnée par rapport au but à atteindre. La limitation de l’activité de la station constitue une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.

Source : Droit de l’environnement, Décembre 2015, n° 240, Actualité, « La limitation de l’activité d’une station de lavage ne doit pas se faire au détriment de la liberté du commerce et de l’industrie »

Non respect d’un engagement pris au titre du développement durable par une entreprise et quasi-contrat

Tribunal d’Instance Lyon, 13 janvier 2015, FNE c/ SARL A

Dans cette affaire, une société de publicité avait installé des supports publicitaires permanents sur le territoire d’une commune de moins de 10 000 habitants n’appartenant pas à une unité urbaine de plus de 100 000 habitants alors qu’un tel affichage est proscrit dans ce type de commune. Toutefois, sur son site internet, la société affirmait garantir à ses clients « une prestation sérieuse, de qualité et conforme aux réglementations en vigueur » et prenait en exemple pour illustrer ce propos, la « légalité de l’emplacement sélectionné ».

Saisi par une association de protection de l’environnement, le tribunal d’instance de Lyon, en observant le dispositif de publicité non conforme et la copie du site internet, a jugé que la société avait manqué « à son engagement volontaire, unilatéral et public de respecter la réglementation en matière de publicité et de préenseignes ». Le tribunal considère donc que l’engagement pris par la société sur son site internet constitue un quasi-contrat.

Source : Droit de l’environnement, Décembre 2015, n° 240, Cours & tribunaux, « Le mépris de l’engagement volontaire en faveur de l’environnement sanctionné par le quasi-contrat », par Raymond Leost

Actualité agricole et environnementale de l’année 2015

Directive 2015/412 autorise les Etats membres à opter, selon un système d’opt out, pour restreindre ou interdire la culture d’OGM sur leur territoire. La procédure figure à l’article 26 ter de la Directive, et fait intervenir la Commission Européenne. Une loi du 2 décembre 2015 est venue transposer ces règes en droits français.

De plus, en matière de politique agricole commune (PAC), beaucoup de textes d’application de la réforme de la PAC de 2013 sont intervenus en 2015. Par exemple, depuis un décret n° 2015-1477 du 12 novembre 2015, les paiements écologiques, aussi appelés « pratiques agricoles pour le climat et l’environnement » sont inscrits dans le Code rural, ce qui leur donne une base légale.
Par ailleurs, un décret n° 2015-591 du 1er juin 2015 est venu compléter le régime des clauses environnementales du bail rural.

Le thème de la pollution des eaux par les nitrates a été également été au cœur des préoccupations. En effet, par deux arrêts (CAA Nantes 23 décembre 2014, n° 13NT01737 ; CAA Nantes, 29 décembre 2014, n° 13NT01552), le juge administratif a condamné l’Etat dans le cadre de pollutions d’origine agricole et de développement d’algues vertes. L’Etat a dû indemniser le préjudice subi par le département des Côtes d’Armor et les carences dont il a fait preuve dans l’application du droit de l’Union Européenne en matière de pollution des eaux ont été relevées.
Toujours dans une optique de limitation de la pollution des eaux, a été adopté un décret n° 2015-126 du 5 février 2015 relatif à la désignation et à la délimitation des zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.

C’est aussi le droit des élevages qui a été modernisé l’an dernier. La loi Macron a en effet revu les règles de délai de recours en la matière, et les élevages de volailles et de gibier à plumes bénéficient désormais du régime simplifié de l’enregistrement en matière d’ICPE depuis un décret n° 2015-1200 du 29 septembre 2015.

Enfin, en matière de produit phytopharmaceutiques, l’actualité de l’année 2015 n’est pas non plus en reste. En effet, la cour d’appel de Lyon a rendu un arrêt le 10 septembre 2015 dans une affaire faisant intervenir la société Monsanto et un agriculteur qui avait inhalé par accident les vapeurs d’un herbicide commercialisé par la société, herbicide qui avait retiré du marché en 2007 car cancérogène. La cour confirme la condamnation de la société Monsanto, laquelle avait manqué à son devoir d’information et de renseignement en n’indiquant pas les risques liés à l’inhalation d’un produit contenu en grande quantité dans l’herbicide.

Source : Droit de l’environnement, Décembre 2015, n° 240, Synthèse, « Agriculture et environnement », par Luc Bodiguel et Isabelle Doussan

Propriété

Propriété d’un mur en l’absence de titre de propriété pour celui-ci

Cour de cassation, 3e Civ., 15 septembre 2015, n° 12-25.911

M. X, propriétaire d’un fonds sur lequel s’était partiellement écroulé le mur séparant sa propriété de celle de son voisin, M. Y, a assigné ce dernier pour qu’il soit déclaré propriétaire du mur, pour qu’il le répare et pour qu’il lui verse des dommages et intérêts. M. Y a formulé les mêmes demandes.

La Cour d’appel avait considéré que M. Y devait supporter le coût de l’ouvrage nouveau et qu’il en serait propriétaire, au regard de l’absence de titre de propriété pour ce mur et de la nécessaire présence du mur pour soutenir les aménagements extérieurs que M. Y avait réalisé sur son fonds. La Cour de cassation estime qu’en jugeant ainsi, la cour d’appel avait légalement justifié sa décision.

Source : AJDI, novembre 2015, n° 11, Jurisprudence, Propriété, « Plantation sur le terrain d’autrui : indemnisation du tiers évincé », par François de la Vaissière

Le droit à indemnisation du tiers évincé n’est pas attaché à la propriété d’un fonds mais à la personne qui a accompli l’acte de planter

Cour de cassation, 3e Civ., 13 mai 2015, n° 13-26.680, Lamanda c/ Groupement forestier Les trois étangs

Dans cette affaire, la Cour de cassation juge que le droit à indemnisation du tiers évincé n’est pas attaché à la propriété d’un fonds mais à la personne qui a accompli l’acte de planter.

En l’espèce, le litige concernait les propriétaires d’un fonds et un groupement forestier propriétaire de terrains entourant ce fonds. Après un bornage établi entre les deux parties, il est apparu que le groupement forestier avait planté des arbres sur le fonds des propriétaires. Ils ont alors assigné le groupement forestier en réparation du préjudice subi du fait de l’abattage des arbres et du passage d’engins sur leur fonds. Le groupement forestier demandait quant à lui une indemnité correspondant à la valeur des plantations subsistant sur la parcelle.

Les juges du fond avaient accueilli ces demandes, notamment en acceptant le droit du tiers à indemnisation. Ils ont considéré que la qualité de tiers a été cédée au groupement forestier avec la propriété des parcelles. La cession a entrainé selon eux, celle de « tous les droits et actions qui y sont attachés ».

La cour de cassation, en désaccord avec ce raisonnement, casse cet arrêt. Elle juge que « le droit à indemnisation du tiers évincé n’est pas attaché à la propriété d’un fonds mais à la personne qui a accompli l’acte de planter ».

Nécessité d’un accord écrit émanant du gestionnaire du domaine public pour que le transfert d’une autorisation d’occupation domaniale soit valable

CE, 18 septembre 2015, n° 387315, Société Prest’air

En l’espèce, la chambre de commerce et d’industrie de la Région Guyane avait conclu avec la société Air Amazonie, une convention d’occupation d’un hangar et de bureaux situés sur son domaine public. La société Prest’Air s’était substituée à la société Air Amazonie en janvier 2012. Elle avait alors demandé au gestionnaire du domaine public de pouvoir bénéficier de la convention d’occupation du domaine public. Les négociations n’ayant pas abouti, la chambre de commerce et d’industrie a obtenu du tribunal administratif une décision d’expulsion de la société Prest’Air des locaux occupés.

Le Conseil d’Etat, saisi par la société Prest’Air, juge « qu’il ne peut y avoir transfert d’une autorisation ou d’une convention d’occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit. » Il relève que les négociations n’ont pas abouti à la signature d’une convention d’occupation du domaine public. De plus, l’absence d’opposition formelle de la chambre de commerce et d’industrie à cette occupation et le fait qu’elle a émis des factures pendant plusieurs moins ne signifie pas que la société Prest’Air bénéficiait d’une convention d’occupation du domaine public. Enfin, le fait que cette société ait repris l’activité de la société Air Amazonie n’a pas eu pour effet de lui transférer la convention d’occupation du domaine public dont elle bénéficiait. Par conséquent, le Conseil d’Etat en déduit que la société Prest’air occupe sans droit ni titre les locaux en cause.

Source : Revue Contrats et marchés publics, n°11, novembre 2015, Commentaires, « Le transfert de convention suppose une autorisation écrite », par Jean-Paul Pietri

Propriété intellectuelle

L’action en contrefaçon contre ne œuvre de collaboration est subordonnée à la mise en cause de tous les coauteurs

Cass. 1ère Civ., 30 septembre 2015, n° 14-11944

L’auteur d’une chanson intitulée « For ever » a estimé que les chansons « Aïcha 1 » et « Aïcha 2 » constituaient une contrefaçon de son œuvre. Il a alors assigné l’auteur-compositeur, le coauteur des arrangements ainsi que le coéditeur des chansons « Aïcha 1 » et « Aïcha 2 ». Il a demandé réparation de l’atteinte portée à ses droits moraux et patrimoniaux. Dans cette affaire, le requérant n’avait pas mis en cause le coauteur des paroles de la chanson « Aïcha 2 ».

La Cour de cassation, cassant l’arrêt d’appel au visa de l’article L 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, délivre alors l’attendu de principe suivant : « la recevabilité de l’action en contrefaçon dirigée à l’encontre d’une œuvre de collaboration, laquelle est la propriété commune des coauteurs, est subordonnée à la mise en cause de l’ensemble de ceux-ci, dès lors que leur contribution ne peut être séparée, quelle que soit la nature des droits d’auteur invoqués par le demandeur à l’action ».

En l’espèce, la Cour d’appel avait rejeté la fin de non recevoir tirée de l’absence de mise en cause du coauteur de la chanson « Aïcha 2 », au motif que seule l’atteinte au droit moral de l’auteur, et non à son droit patrimonial, était invoqué devant elle. En statuant ainsi, le Cour d’appel a violé l’article L 113-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Source : La Gazette du Palais, du 20 au 22 décembre 2015, n° 354 à 356, « Recevabilité de l’action en contrefaçon dirigée contre une œuvre de collaboration », par Emmanuel Piwnica

Contrats publics

La notion d’« opérateur économique » figurant dans les directives Marchés inclut les administrations publiques

CJUE, 6 octobre 2015, n° C-203/14, Consorci Sanitari del Maresme

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services indique que les marchés publics sont des contrats conclus entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs.
Par cet arrêt du 6 octobre 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne vient rappeler que la notion d’ « opérateur économique » inclut aussi les administrations publiques. La cour précise que toute personne peut se porter candidate à l’attribution d’un marché public et ce, « indépendamment de son statut de droit privé ou de droit public ». La Cour avait déjà statué en ce sens en 2014 (CJUE, 18 décembre 2014, aff. C-568/13).

Par conséquent, les administrations publiques peuvent tout à fait répondre aux procédures de passation en déposant leurs candidatures et leurs offres.

Source : RDI, 18 novembre 2015, n°11, « Participation d’une entité publique à un appel d’offres », par Rozen Noguellou

Tribunal compétent en matière d’appel contre une ordonnance du juge des référés dans le cadre d’un référé provision

CE, 9 décembre 2015, n° 391626, Commune du Caner

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat fait une lecture combinée des articles R. 541-3et R. 811-1 du code de justice administrative. Le premier prévoit que l’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif en matière de référé provision est susceptible d’appel devant la cour administrative d’appel, et le second permet à toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif d’ « interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance, à l’exception des litiges, énumérés au 1° à 8° de cet article, pour lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ».

Le Conseil d’Etat considère que les articles R. 541-3et R. 811-1 doivent être combinés. Il en déduit que les ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal administratif dans le cadre d’un référé provision sont rendues en dernier ressort lorsque l’obligation dont se prévaut le requérant pour obtenir le bénéfice d’une provision se rattache à l’un des litiges énumérés aux 1° à 8° de l’article R. 811-1.

Source : Gazette du Palais, 5 janvier 2016, n° 1, Panorama de jurisprudence du Conseil d’Etat, « Référé provision : compétence en premier et dernier ressort des tribunaux administratifs », par Philippe Graveleau

La possibilité d’attribuer une note éliminatoire au candidat à un marché public

TA Paris, 16 juin 2015, n° 1508617/7, Sté Ansaldo STS France c/ SNCF

Dans son ordonnance en date du 16 juin 2015, le juge du référé précontractuel est venu rappeler que dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice peut tout à fait instituer un système de notes éliminatoires pour procéder à la sélection des offres.

Toutefois, cette possibilité est encadrée par plusieurs conditions. Premièrement, tous les candidats doivent avoir connaissance de la possibilité pour la personne publique d’attribuer des notes éliminatoires. Deuxièmement, en attribuant une note éliminatoire à un critère ou un sous-critère de sélection, la personne publique ne doit pas conférer à ce critère ou ce sous-critère une importance disproportionnée à l’objet du marché. Troisièmement, les informations figurant dans les documents de la consultation doivent être suffisamment précis, de manière à permettre aux candidats de répondre aux exigences qu’impliquent le critère ou le sous-critère.

Source : Revue Contrats et marchés publics, n°11, novembre 2015, Commentaires, « L’attribution d’une note éliminatoire à un candidat à l’attribution d’un marché public », par Marion Ubaud-Bergeron

Nouveauté concernant l’office du juge des référés saisi d’une demande tendant à la suspension de l’exécution d’une mesure de résiliation.

CE, 17 juin 2015, Société Les Moulins, n° 389044

Dans cette affaire, la commune de La Guérinière a confié, au moyen d’une délégation de service public, l’exploitation de son camping municipal à la Société La Moulins. Le conseil municipal ayant autorisé le maire à résilier le contrat, la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif d’une demande tendant à la suspension des décisions accordant la résiliation et à la reprise des relations contractuelles. Déboutée de ses demandes, la société s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’Etat établit que lorsque devant le juge des référés, est invoquée une irrégularité qui tient au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit apprécier « si cette irrégularité serait de nature à conduire le juge du contrat, s’il était saisi d’un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation ». Dans l’hypothèse où il estimerait qu’existe « un doute sérieux sur la validité du contrat, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ».

En l’espèce, le juge des référés, en jugeant qu’il lui appartenait d’examiner si les irrégularités invoquées seraient de nature à conduire le juge du contrat à prononcer l’annulation du contrat, n’a pas commis d’erreur de droit.

Source : AJDA, 28 décembre 2015, n° 44, jurisprudence commentée, « L’extension des pouvoirs du juge des référés en matière de reprise des relations contractuelles », par Frédéric Lombard 

Rappel des règles en matière d’indemnisation du préjudice subi par un cocontractant du fait d’un retard dans l’exécution du marché

CAA Douai, 21 juillet 2015, n° 13DA01231, Société E. Eymery

La commune de Bray-Dunes a confié le lot cloisons et plafonds d’un marché public ayant pour objet la construction d’une salle des fêtes, à la société E. Eymery. La société estime avoir subi un préjudice du fait du retard dans l’exécution du chantier et saisit le juge administratif.

La cour administrative d’appel rappelle la règle selon laquelle « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute du maître de l’ouvrage ».

Or en l’espèce, la société n’établit pas que le retard dont elle se plaint résulterait d’une faute de la commune, ni que ce retard aurait entrainé un bouleversement de l’économie du marché. Elle n’est donc pas fondée à réclamer une indemnisation des préjudices subis du fait du retard.

Source : Revue Contrats Publics, n° 158, Octobre 2015, Veille, Jurisprudence nationale, « Exécution financière du contrat »

Rappel des règles classiques d’indemnisation du candidat évincé de la conclusion d’un marché public

CAA Paris, 16 juillet 2015, n° 13PA02934, Société TAT

Dans cette affaire, un centre hospitalier avait lancé une procédure de passation d’un marché public ayant pour objet la mise à disposition de 2 hélicoptères pour une durée de 5 ou 3 ans. Après la date limite de remise des offres, la commission d’appel d’offre a admis la candidature des sociétés TAT et Inaer. Elle finit par retenir la candidature de la seconde. La société Inaer assigne alors le centre hospitalier en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché.

La cour estime rappelle le principe suivant lequel « l’entreprise qui a été irrégulièrement évincée du marché qu’elle avait des chances sérieuses d’emporter a droit à être indemnisée de son manque à gagner » et « en revanche, l’entreprise qui était dépourvue de toute chance de remporter le marché ne peut prétendre à aucune indemnité ».

En l’espèce, la cour examine scrupuleusement les stipulations du CCTP et en déduit que les offres de la société requérante étaient irrégulières et ont été rejetées à bon droit par le centre hospitalier. La société TAT était donc dépourvue de toute chance de remporter le marché et non fondée à soutenir qu’elle avait des chances sérieuses d’obtenir le contrat. Elle ne pouvait donc pas rechercher la responsabilité du centre hospitalier.

Source : Revue Contrats Publics, n° 158, Octobre 2015, Veille, Jurisprudence nationale, « Indemnisation du candidat évincé »

L’unicité du décompte d’un marché public, et plus largement du décompte de résiliation, ne constitue pas une règle d’ordre public

CE, 12 novembre 2015, n° 384052, Société Linagora

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat devait connaitre d’une situation de résiliation d’un marché public aux torts de la société titulaire. La société avait demandé au juge administratif, l’annulation de la résiliation et du décompte de résiliation.

L’apport de cet arrêt tient au fait que le Conseil d’Etat a jugé que la règle d’unicité du décompte n’est pas une règle d’ordre public. Dès lors, le juge administratif n’a pas à la soulever d’office. Le juge précise que ce principe s’applique également au décompte de résiliation dans l’hypothèse d’une résiliation d’un marché public.

Source : Contrats et marchés publics, janvier 2016, n° 1, Commentaires, « Le caractère définitif et l’unicité du décompte d’un marché public ne sont pas des règles d’ordre public », par Jean-Paul Pietri