Michel HUET
En collaboration avec Maeva FAUVE
CONTRATS PUBLICS
• Résiliation d’une DSP et indemnisation du délégataire
Conseil d’Etat, 4 mai 2015, n°383208
Lorsqu’une délégation de service publique est résiliée avant son terme, le délégataire dispose du droit d’être indemnisé quel que soit le motif de cette résiliation. L’indemnisation est évaluée en fonction de la valeur non amortie des biens de retour.
Pour, la Haute juridiction cette indemnisation est due quand bien même l’exploitation de la délégation aurait été déficitaire pendant la durée restante à courir de la convention.
Source : La Gazette, 8 Juin 2015, p.51
• Absence de réponse du pouvoir adjudicateur et défaut d’imprécision des documents de consultation
Conseil d’Etat, 10 avril 2015, n° 385617
Une société cherchait à obtenir l’annulation de la procédure de passation d’un marché à bons de commande de prestations aériennes de sécurité civile, de secours et de sauvetage. Au soutien de sa demande, elle invoquait l’imprécision des documents de consultation. La société faisait notamment valoir l’absence de réponse du pouvoir adjudicateur aux questions qu’elle lui avait posées.
Après avoir relevé que le cahier des charges définissait clairement les besoins de la personne publique, la haute juridiction considère que l’absence de réponse aux questions posées ne permet pas, en elle-même, de caractériser des imprécisions de nature à dissuader la société de candidater au marché. En effet, les candidats ont toujours la possibilité de solliciter du pouvoir adjudicateur des compléments d’information.
En tout état de cause, pour se prévaloir de l’absence de réponse du pouvoir adjudicateur, encore faut-il avoir posé des questions dont la réponse ne ressort pas clairement des documents de consultation. Or, en l’espèce, la société n’avait présenté que « des observations sur la procédure n’appelant pas de réponse de la part de la personne publique » et posé « une question sur la prise en charge du coût des entraînements des pilotes dont il ressortait clairement des documents de la consultation qu’il était à la charge du titulaire du marché ». Ces éléments conduisent le Conseil d’Etat a écarté les moyens tirés de l’imprécision des documents de la consultation.
Source : La gazette, n°20/2270, 18 Mai 2015, p.49, «Un candidat à un marché public ne peut se prévaloir de l’absence de réponse à ses observations sur la procédure ».
• L’information appropriée des candidats
Conseil d’Etat, 10 avril 2015, n° 387128
Si le pouvoir adjudicateur peut limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, c’est sous réserve d’assurer une information appropriée des candidats sur les critères de sélection. Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles l’information des candidats est considérée comme appropriée.
Elle suppose, d’une part, l’information des candidats dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, c’est-à-dire dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges, ce dernier devant être tenu à la disposition des candidats. D’autre part, elle implique que le pouvoir adjudicateur porte à la connaissance des candidats « les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures » ainsi que « les niveaux minimaux de capacité » lorsqu’il les exige.
En revanche, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’indiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, notamment leur pondération. Cette règle comporte néanmoins une exception : elle concerne l’ « hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats ».
Dans les faits, la sélection des candidats avait était faite en fonction d’une pondération équilibrée de 4 critères : la capacité économique et financière, les références, les moyens en personnel et les moyens techniques. Le Conseil d’Etat juge que cette pondération n’aurait pas été susceptible d’influencer la préparation des dossiers de candidature si elle avait été initialement connue.
Source : La gazette, n°20/2270,18 Mai 2015, p.49
• Contrat de partenariat public-privé annulé pour défaut de complexité
Tribunal Administratif de Bordeaux, 11 février 2015, n°1200574, Syndicat national des entreprises du second œuvre
Pour justifier de la complexité technique, juridique et financière permettant de justifier le recours au CCP pour la réalisation de la Cité municipale de Bordeaux, la ville se prévalait :
-de la complexité urbanistique du projet,
-de la difficulté à choisir la technique à adopter pour que le futur bâtiment soit doté de hautes performances énergétiques imposées,
-du stade embryonnaire de la règlementation relative au bâtiment à énergie positive (BEPOS),
-de l’absence de moyens suffisants pour mener elle-même ce projet compte tenu de l’importance des autres projets dont elle a la charge
Ces arguments ne parviennent pas à convaincre les juges de première instance qui annule le CPP pour défaut de complexité. D’une part, la complexité urbanistique est jugée comme inhérente à tout projet de construction dans un centre urbain d’une ville de la taille de Bordeaux. D’autre part, la Ville ne pouvait se prévaloir de son incapacité à réaliser un BEPOS étant donné que plus d’une centaine de ces bâtiments ont été recensés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et que la Commune a elle-même réalisé un lycée polyvalent à énergie positive.
Par ailleurs, la Ville disposait de moyens internes suffisants tels que les différentes administrations spécialisées dans lé développement durable et les constructions publiques et avait la possibilité de recourir à du personnel ponctuel, de sorte qu’elle ne démontrait pas son impossibilité d’exercer la maîtrise d’ouvrage du projet.
Enfin, la Ville ne caractérisait ni la complexité juridique du projet ni la complexité financière. En effet, la difficulté de déterminer les obligations contractuelles en raison d’une incertitude sur les délais de réalisation, les coûts et sur le niveau de performance énergétique qui sera atteint, ne justifie pas de la complexité juridique. S’agissant de la complexité financière, les juges retiennent que la ville n’établit que ses services techniques seraient dans l’incapacité de mener une démarche de coût global pour la réalisation du projet.
Cet arrêt illustre, à nouveau, les conditions contraignantes pour recourir à cet outil contractuel.
Source : RDI n°5, Mai 2015, p.209
• Projet d’ordonnance relative aux marchés publics et concours de maîtrise d’œuvre
Question écrite n°15358 d’Anne Catherine Loisier, JO du Sénat du 7 Mai 2015
L’heure est à la transposition des nouvelles directives « marchés publics ». Dans cette perspective, un projet d’ordonnance transposant le volet législatif a fait l’objet d’une concertation en janvier 2015, lequel sera complété par des décrets d’application.
Les directives européennes ne prévoyant pas de disposition sur les marchés de maîtrise d’œuvre, un doute existe concernant le maintien de la procédure de concours. Cette question est soulevée par Anne Catherine Loisier et la réponse donnée semble aller dans le sens de la conservation du concours obligatoire.
En effet, la réponse indique que « L’article 74 du code des marchés publics et les articles 41-2 des décrets d’application de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics sont des spécificités du droit français de la commande publique qui reconnaît ainsi le rôle fondamental joué par les architectes et les professionnels de la maîtrise d’œuvre dans la conception d’un cadre de vie innovant et de qualité. »
Source : La Gazette, 25 Mai 2015, p.52
DROIT ADMINISTRATIF
• Répartition des compétences et expulsion d’étrangers occupant une résidence privée appartenant à une association
Conseil d’Etat, 2e et 7e sous-section, 11 Mai 2015, n°384957
Le juge suprême rappelle les règles de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. En matière d’expulsion, la juridiction administrative ne peut statuer pas sur une demande d’expulsion d’un occupant qui se maintien dans un immeuble appartenant à une personne morale de droit privé.
A la lumière des faits d’espèce, la demande d’expulsion provenait d’une association qui assurait la gestion d’une résidence privée irrégulièrement occupée par des étrangers auxquels la qualité de réfugiés avaient été définitivement refusée.
Le juge des référés avait retenu la compétence de la juridiction administrative en se fondant sur le fait que la demande d’expulsion faisait partie des engagements contenus dans une convention passé avec l’Etat et à l’égard desquels l’association était tenue.
En retenant la compétence de la juridiction administrative indépendamment de caractère privé de l’immeuble, le juge des référés a méconnu les règles de répartition des compétences des juridictions. Seule la juridiction judiciaire peut se prononcer sur une demande d’expulsion d’un occupant qui occupe irrégulièrement un immeuble appartenant à une personne morale de droit privé.
Source : Gazette du Palais, Mercredi 3, Jeudi 4 Juin 2015, n°154-155, p. 29
• La modification d’une délibération entachée d’erreurs matérielles
Question écrite de Marie-Jo Zimmerman, n°64381, JO de l’Assemblée nationale du 7 Avril 2015-06-29
La question posée était la suivante : Comment une commune doit – elle procéder pour modifier une délibération affectée d’erreurs matérielles ?
Au préalable, la réponse donnée rappelle que les délibérations adoptées par les conseils municipaux engagent la commune. Leur contenu doit comprend l’objet des affaires débattues – cet objet devant être indiqué avec précision – ainsi que le résultat obtenu lors du vote de l’assemblée délibérante.
S’agissant des conséquences suite aux erreurs matérielles commises, il convient de distinguer selon que l’erreur porte sur la teneur de l’acte ou sur sa présentation formelle. Une erreur de présentation formelle n’engendre généralement aucune conséquence directe sur la légalité de la décision prise, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’adopter une nouvelle délibération. En revanche, lorsque l’erreur porte sur le fond, le Conseil municipal peut adopter une délibération rectificative et n’est pas contraint de procéder au retrait de la délibération viciée d’erreurs. Enfin, dans le cas où l’erreur n’est pas matérielle et que le Conseil municipal souhaite modifier sa décision, le retrait est nécessaire avant toute nouvelle délibération.
Source : La Gazette, 18 Mai 2015, p. 51
DOMANIALITE PUBLIQUE
• Régimes de domanialité différents sur une même parcelle et consistance du domaine public
Conseil d’Etat, 8e et 3e sous-section, 6 Mai 2015, n°369152, Commune de Saint-Bres
L’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques fixe les conditions légales de la qualification de bien appartenant au domaine public. Ainsi, un bien affecté à l’usage direct du public ou affecté à un service public pourvu et doté d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public entre dans le domaine public.
Néanmoins, comme le rappelle le Conseil d’Etat, « des parties clairement délimitées et dissociables d’une même parcelle peuvent relever, par application des règles régissant la domanialité publique, de régimes de domanialité différents ». En d’autres termes, sur une même parcelle, une partie peut relever du domaine privé d’une personne publique tandis que l’autre partie ferait partie de son domaine public.
Dans les faits, un conseil municipal a autorisé, par une délibération, l’échange d’une parcelle appartenant à un propriétaire privé avec une parcelle appartenant à la Commune. Constatant que cette parcelle était entrée dans le domaine public communal par son affectation à l’usage direct du public, le conseil municipal de la Commune a annulé puis abrogé la délibération par laquelle il autorisait l’échange entre ces parcelles. Cette entrée de la parcelle dans le domaine public était contestée par les requérants qui ont obtenu gain de cause devant la cour administrative d’appel.
Selon la cour administrative d’appel la partie de la parcelle concernée par l’échange était à distinguer du reste de la parcelle affecté à l’usage direct du public. Pour caractériser l’existence de parties clairement délimitées et dissociables, elle note qu’une barrière en bois séparait complètement la partie de la parcelle concernée par la délibération de sorte qu’elle était isolée du reste de la parcelle. Par ailleurs, elle ajoute que la partie isolée de cette parcelle n’avait ni été affectée à l’usage direct du public ni fait l’objet d’un aménagement. Dès lors, elle faisait encore partie du domaine privé communal.
La juridiction administrative suprême censure la cour administrative d’appel qui a dénaturé les pièces du dossier. En effet, aucun élément du dossier ne permettait de constater qu’une barrière séparait complètement les deux parties de la parcelle. En conséquence, ces deux parties forment un ensemble entièrement accessible au public. Le Conseil d’Etat semble reléguer au second plan l’indice selon lequel une parcelle est affectée à l’usage direct du public lorsque des travaux d’aménagement ont rendu possible cet accès.
Source : Gazette du Palais, mercredi 10 Juin, jeudi 11 Juin 2015, nos 161 à 162
URBANISME
• Le délit d’obstacle au droit de visite est constitutionnel
Conseil Constitutionnel, 9 Avril 2015, n°2015-464 QPC
L’article L 480-12 du code de l’urbanisme prévoit une amende de 3750 euros ainsi qu’une peine d’emprisonnement d’un mois pour toute personne qui fait obstacle à l’exercice du droit de visite de l’administration. Quand bien même la visite de l’administration s’effectuerait dans un domicile, cette visite ne viole pas le droit au respect de la vie privée ni la liberté individuelle. Le caractère spécifique et limité du droit de visite de l’administration n’en fait pas plus une atteinte à l’inviolabilité du domicile.
Les dispositions de l’article L 480-12 sont donc constitutionnelles.
Source : RDI, n°5, Mai 2015, p.211, « Décision du Conseil constitutionnel sur le délit d’obstacle au droit de visite en matière d’urbanisme ».
• Le financement des équipements publics par les participations d’urbanisme
Le régime des participations d’urbanisme obéit à plusieurs règles visant à encadrer le financement des équipements publics par les aménageurs et constructeurs. Retour sur la notion d’équipement public et sur les principes régissant son financement.
Notion d’équipement public
Notion floue et composite, l’équipement public peut être difficile à cerner. Néanmoins, certains critères jurisprudentiels se sont détachés pour mieux le définir. A cet égard, l’affectation de l’équipement à un but d’intérêt public, ou encore sa réalisation et son appartenance à une personne publique sont déterminantes. Classiquement, dès lors que l’équipement excède les besoins de l’opération, il est réputé public. C’est précisément l’ampleur de la « réponse aux besoins » qui permet de déterminer si le financement peut incomber, ou non, à l’aménageur. Un équipement en relation directe avec le projet et répondant spécifiquement aux besoins de l’opération, sans les excéder, est susceptible d’être pris en charge par l’aménageur.
L’exigence de proportionnalité
Lorsque la capacité des équipements programmés excède les besoins de l’opération, la participation de l’aménageur reste possible sous réserve du respect du principe de proportionnalité. Tel est le cas s’agissant des zones d’aménagement concerté où seule la fraction du coût proportionnelle aux besoins de l’opération peut être mise à la charge de l’aménageur. A défaut, le constructeur peut engager une action en répétition de l’indu.
Des participations limitatives et non cumulables
Outre la proportionnalité, les participations auxquelles sont tenues les bénéficiaires d’autorisation de construire sont limitatives : seules celles listées par le code de l’urbanisme sont exigibles. De cette « limitativité » découle un principe de non cumul des participations lorsqu’elles ont le même objet.
Fait générateur de la participation
En toute hypothèse, le fait générateur des participations d’urbanisme est le permis ou la déclaration préalable qui les prévoient. A noter qu’un permis modificatif ne peut, en principe, devenir le fait générateur d’une nouvelle taxe d’urbanisme.
Source : La Gazette, 18 Mai 2015, p.52, « Equipements publics et participations d’urbanisme », Céline Lherminier
• Inégalité manifeste d’un permis de construire pour méconnaissance du plan de prévention des risques
Conseil d’Etat, 22 Mai 2015, n°385183
Rappelons-le, le juge des référés peut ordonner la suspension de l’exécution d’une décision – ou de certains de ses effets – lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
En l’espèce, une SCI s’est pourvue en cassation contre une ordonnance du juge des référés ayant suspendu l’exécution de son autorisation d’urbanisme pour méconnaissance des dispositions du plan de prévention du risque inondation (PPRI).
Or, il s’avérait qu’une partie de la parcelle d’assiette du projet était située dans une zone identifiée par le PPRI comme présentant un aléa fort en termes de risque d’inondation. Le Conseil d’Etat considère que cette méconnaissance du PPRI est propre à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire. Dès lors, le juge des référés n’a commis aucune erreur de droit ni aucune dénaturation en suspendant l’exécution du permis de construire.
Source : La Gazette, 8 Juin 2015, p.51
• Le sursis à statuer pour la régularisation du permis ne peut être exercé par le juge des référés
Conseil d’Etat, 22 Mai 2015, SCI Paolina, n°385182
Si les juges du fond usent fréquemment de ce pouvoir de sursoir à statuer pour permettre au bénéficiaire de régulariser son autorisation, quand est-il pour le juge des référés qui statue en urgence ?
La haute juridiction administrative donne une réponse claire : eu égard à son office, le juge des référés ne peut pas user du pouvoir de sursoir à statuer en vue d’une régularisation du permis. Ce pouvoir appartient aux seuls juges du fond.
Source : AJDA, 1er Juin 2015, n°18/2015, p.1022 « Le juge des référés ne peut pas sursoir à statuer pour permettre une régularisation de l’autorisation d’urbanisme », Rémi Grand
• Le zonage après Xynthia : absence d’effet juridique et REP impossible
Conseil d’Etat, 1er Juin 2015, Association de défense des intérêts des victimes de Xynthia, n° 367101
La délimitation des « zones de danger de submersion » intervenue après la tempête Xynthia répondait à une politique publique organisant un « dispositif exceptionnel de solidarité nationale » dont pouvait bénéficier les personnes inclues dans ces zones. Ce dispositif pouvait également être ouvert aux personnes ayant des biens sinistrés non situés dans ces zones si elles en faisaient la demande.
En outre, cette délimitation avait vocation à informer les propriétaires concernés de la possibilité de bénéficier de l’acquisition amiable de leurs biens par l’Etat et, à défaut, de l’engagement d’une procédure d’expropriation.
Ainsi, ces documents de zonage ne pouvaient être considérés comme des déclarations d’utilité publique en vue d’une expropriation. Ils n’emportent, par eux même, aucun effet juridique, n’établissent aucune interdiction d’habitation ; par voie de conséquence, ces documents sont insusceptibles de recours pour excès de pouvoir.
Source : AJDA, 15 Juin 2015, n°20-2015, « Le zonage établi après la tempête Xynthia n’est pas susceptible de recours, p. 1126
• De l’intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme
Conseil d’Etat, 10 Juin 2015, n°386121
L’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a instauré une nouvelle définition de l’intérêt à agir dans l’article L 600-1-2. Cette nouvelle définition vient de donner lieu à une première interprétation de la part du Conseil d’Etat.
Il ressort des faits que les requérants contestaient un permis de construire – autorisant la réalisation d’une station de conversion électrique – en ce qu’il provoquait des troubles d’occupation et de jouissance occasionnés par des nuisances tant visuelles que sonores. Cependant, le juge des référés a rejeté leur demande pour défaut d’intérêt à agir.
Le Conseil d’Etat se livre à une interprétation de l’article L 600-1-2 et offre une grille des lectures sur ses dispositions :
– Il explicite les éléments déterminant la réalité de l’intérêt à agir : il revient au requérant, qui conteste une autorisation d’urbanisme, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
– Il rappelle le rôle actif du défendeur pour contester la réalité de l’intérêt à agir d’un requérant : il lui appartient d’apporter tous les éléments établissant que les atteintes alléguées par le requérant ne sont pas réelles.
– Enfin, l’office du juge de l’excès de pouvoir est précisé : il doit écarter les allégations insuffisamment étayées sans pour autant exiger du requérant qu’il prouve le caractère certain des atteintes invoquées.
Source : Dalloz actualité, 15 Juin 2015, « L’examen de la réalité de l’intérêt pour agir en matière d’urbanisme », Rémi Grand
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter la chronique de Michel Huet sur le site cadreville.com, onglet « Pratique juridique » !
• La nouvelle Samaritaine pour 2018 !
Conseil d’Etat, 19 Juin 2015, Société « Grands magasins de la Samaritaine – Maison Ernest Cognacq » – Ville de Paris, nos 387061, 387768
Entre « ville musée » et « ville moderne », Paris doit trouver sa place. Cette ambivalence représente tout le cœur de l’affaire de La Samaritaine. Le Conseil d’ Etat invite à effectuer un compromis entre le maintien d’un patrimoine historique et le développement des créations architecturales contemporaines.
La Haute juridiction impose une lecture combinée des dispositions de l’article UG 11 du PLU parisien autorise une construction nouvelle « présentant une composition différente de celle des bâtiments voisins et recourant à des matériaux et teintes innovants, dès lors qu’elle peut s’insérer dans le tissu urbain existant ».
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat fait une comparaison générale de l’architecture dans le quartier. Il relève divers éléments tels que : « la juxtaposition de constructions d’époques variées […] dans les rues avoisinantes », « l’hétérogénéité stylistique des bâtiments dans le quartier et la section concernée de la rue Rivoli », « l’usage répandu du verre comme matériau de façade dans des édifices avoisinants » ou encore la présence d’ « édifices de styles ‘Art Nouveau’ et ‘Art Déco’ » ainsi que de bâtiments récents « dont la volumétrie, les matériaux et les toitures différents nettement de celles des bâtiments anciens et dont les façades sont constituées, en partie ou pour l’essentiel, de baies vitrées ». Il en ressort que la construction de la nouvelle samaritaine pouvait s’intégrer dans cet environnement quand bien même sa façade serait en verre sérigraphié et ondulé.
En conséquence, le permis de construire n’est pas illégal. Le droit de l’urbanisme et la création architecturale contemporaine sont réconciliés. La rénovation de la Samaritaine peut donc (re)commencer. Fin du chantier prévu en 2018 !
Source :http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/CE-19-juin-2015-societe-Grands-magasins-de-la-Samaritaine-maison-Ernest-Cognacq-Ville-de-Paris
Pour une analyse approfondie, n’hésitez pas à consulter l’état de droit « Le Juge suprême, le Droit et l’Architecture » sur le site cadreville.com, onglet « Pratique juridique » !
• Le permis de construire reste valide malgré la perte de qualité de propriétaire
Conseil d’Etat, 19 Juin 2015, n°368667
Après avoir obtenu l’annulation de la déclaration d’utilité publique et l’annulation de la décision d’expropriation, les propriétaires du terrain exproprié ont attaqué le permis de construire que la Commune avait délivré à une société sur leur terrain.
L’affaire est parvenue devant le Conseil d’Etat qui rappelle l’état de droit actuel sur la théorie du propriétaire apparent. Le principe est le suivant : L’administration n’a pas à vérifier la qualité de propriétaire du pétitionnaire, sauf en cas de fraude ou lorsqu’elle dispose d’informations faisant apparaître que le pétitionnaire n’est pas le propriétaire.
Les juges suprêmes précisent que la perte de la qualité de propriétaire, postérieurement à la délivrance du permis de construire, n’entache pas d’illégalité le permis de construire délivré. Cela vaut même lorsque le juge a privé, à titre rétroactif, le pétitionnaire de la qualité de propriétaire suite à l’annulation d’une ordonnance d’expropriation.
Source : Dalloz Actualité, 24 Juin 2015, « La perte de la qualité de propriétaire n’entraîne pas l’invalidité du permis de construire », Marie-Christine de Montecler
ENVIRONNEMENT
• Nécessité de l’évaluation environnementale en cas de modification mineure d’un document de planification ?
Conseil d’Etat, 19 juin 2015, n° 386291
S’agissant des modifications mineures apportées aux schémas départementaux des carrières, les dispositions de l’article L. 122-5 et du V de l’article R. 122-17 du Code l’environnement prévoient que ces schémas peuvent être dispensées d’une nouvelle évaluation environnementale après un examen au cas par cas de l’autorité administrative compétente.
Dès lors que l’autorité administrative a décidé de ne pas procéder à une évaluation environnementale sous couvert des modifications mineures, le juge des référés – saisi d’une demande de suspension – doit « apprécier si, en l’état de l’instruction et eu égard à la portée des modifications opérées, une évaluation environnementale était nécessaire »
En l’espèce, la modification du schéma ne changeait pas le « volume global de matériaux extraits » et ne remettait pas en cause « l’économie générale du schéma départemental des carrières ». Par ailleurs, la superficie des quatre nouveaux sites pouvant être exploités était limitée « par rapport à la superficie totale des sites exploitables ». Ainsi, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant qu’une évaluation environnementale n’était pas nécessaire en raison du caractère mineur des modifications opérées.
Source : http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2015-06-19/386291
• Installations classées, décision juridictionnelle d’autorisation et tierce opposition
Conseil d’Etat, AVIS, 29 mai 2015, N° 381560
L’article L. 514-6 du code de l’environnement permet au juge administratif d’autoriser la création et le fonctionnement d’une installation classée pour la protection de l’environnement. Ainsi, il dispose du pouvoir d’annuler une décision refusant l’autorisation de créer une installation classée et du pouvoir d’accorder lui-même cette autorisation en l’assortissant, le cas échéant, de conditions pour protéger les intérêts visés à l’article L 511-1 du code de l’environnement.
Dans cette dernière hypothèse, la décision d’autorisation revête le caractère d’une décision juridictionnelle dotée de l’autorité de chose jugée. Pour contester cette décision par la voie d’une tierce opposition, la personne qui n’a été ni présente ni représentée à l’instance n’a pas à justifier d’un droit lésé. Il suffit simplement qu’elle justifie d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation de la décision administrative d’autorisation. Par ailleurs, tout moyen est invocable à l’appui de cette tierce opposition.
Par souci de sécurité juridique, le juge qui délivre une décision administrative d’autorisation peut imposer des mesures de publicité mentionnées par le code de l’environnement. Les tiers devront nécessairement former opposition dans le délai qui a été prévu par la décision.
Source : http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2015-05-29/381560
• Précisions sur le perimètre de l’agrément des associations de protection de l’environnement
CAA Nantes, 13 février 2015, n° 14NT00629, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie c/ Association Dinard Côte d’Emeraude environnement
CAA Nantes, 13 février 2015, n° 14NT01142, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie c/ Association Sauvegarde du Trégor
Loin de se contredire, les dispositions des articles L 141-1 et R141-3 du code de l’urbanisme se complètent. Aussi, la délivrance de l’agrément doit se faire aux échelons départemental, régional ou national en tenant compte du territoire d’activité effective de l’association.
La cour d’appel précise que l’activité effective de l’association peut s’exercer dans un champ géographique différent du territoire du cadre administratif. Les dispositions n’impliquent pas que l’activité de l’association s’exerce sur l’ensemble du territoire du cadre administratif de l’agrément ni même sur une partie significative de celui-ci.
Source : AJDA, 4 Mai 2015, n°15-2015, p.854, Agrément d’association de protection de l’environnement : une réforme en trompe-l’œil ?, Christine Grenier
AJDA, 18 Mai 2015, n°17-2015, p.967, Agrément environnemental : la délicate définition du périmètre, Chantal Cans
CONSTRUCTION
• Une clause introduisant une définition extensive de la réception est réputée non écrite
Cour de Cassation, 3e civ. 6 Mai 215, n°13-24947, Sté AST groupe c/ M. X et a. FB-PBI
Cet arrêt illustre la protection d’un consommateur non professionnel qui a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans.
Ce contrat contenait une clause par laquelle était prévue que toute prise de possession ou emménagement entraînait de fait la réception de la maison sans réserve et l’exigibilité de l’intégralité des sommes restant dues, sans contestation possible. Or, cette clause impose une définition extensive de la réception qui est contraire à la loi. En effet, la seule prise de possession ne peut suffire à établir la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage en l’état et sans réserve. Par ailleurs, la conséquence est grande pour le consommateur puisque la réception rend immédiatement exigibles les sommes restant dues. Dès lors, cette clause introduit un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. La cour d’appel a jugé à bon droit que cette clause était réputée non écrite.
Source : Gazette du Palais, Mercredi 3, Jeudi 4 Juin 2015, n°154-155, p. 29
• Absence d’imputabilité des désordres à l’entrepreneur
Cour de Cassation, Civ. 3e, 20 mai 2015, F-P+B, n° 14-13.271
L’exploitant d’un hôtel restaurant a confié une société les travaux de réfection des façades et corniches de l’immeuble. Suite à l’apparition de désordres, l’exploitant – maître d’ouvrage – a assigné le constructeur (et son assureur) sur le fondement de la garantie décennale afin d’obtenir la réparation de son préjudice.
En matière de responsabilité décennale, outre la gravité du dommage, il est nécessaire de démontrer l’imputabilité des dommages aux travaux réalisés par l’entrepreneur poursuivi. Or, au cas d’espèce, les désordres relatifs aux corniches, aux murs de soutènement et soubassements n’étaient pas imputables aux travaux réalisés par la société. En outre, la Cour de Cassation réfute l’argument selon lequel l’entrepreneur devait, eu égard à son obligation d’information et de conseil, vérifier et attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur les risques des travaux de rénovation, puis « éventuellement de refuser l’exécution des travaux compte tenu de ces risques ».
Par conséquent, l’exploitant ne pouvait obtenir réparation sur le fondement de la garantie décennale.
Source : Dalloz Actualité, 1er Juillet 2015, « Garantie décennale : retour sur l’absence d’imputabilité des désordres aux travaux du constructeur », Fanny Garcia
• Mise en jeu de la responsabilité décennale et preuve
Cour de Cassation, 3e civ., 20 Mai 2015, n°14-14.773, n°557 FS-P+B
La Cour judiciaire suprême fait application d’une règle traditionnelle en matière de responsabilité spéciale des constructeurs : l’existence d’un dommage de gravité décennale survenu dans un délai de 10 ans à compter de la réception doit être démontrée pour obtenir réparation au titre de la garantie décennale. A défaut, l’action directe du maître d’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale ne peut aboutir.
Au cas d’espèce, les défauts d’exécution affectant la toiture, et dont se prévalait le maître d’ouvrage, n’avaient engendré aucun dommage par infiltrations à l’intérieur des locaux. La preuve de la nature décennale du dommage dans le délai de 10 ans suivant la réception n’était pas rapportée. Aussi, les demandes formées contre l’assureur de l’entrepreneur sont rejetées.
Source : Editions législatives, Dictionnaire permanent, Construction et Urbanisme, nos 465/466, Juin-Juillet 2015, « Des malfaçons ne suffisent pas à engager la garantie de l’assureur de responsabilité », p7
PATRIMOINE
• Empiètement par appropriation du sous-sol et remise en état des lieux
Cour de Cassation, 3e civ. 11 février 2015, n° 13-26023
Par cet arrêt, la troisième chambre civile reconnaît un empiètement par appropriation du sous-sol dans le cas où l’exploitant d’une carrière opère son activité d’extraction industrielle au-delà de la limite séparative.
La solution semble logique puisque, d’une part, l’exploitant avait connaissance des limites de son droit d’exploiter fixées dans l’autorisation préfectorale d’exploitation qu’il avait obtenu. D’autre part, en extrayant des matériaux dans le sous-sol d’autrui, il porte atteinte au principe posé à l’article 552 du Code civil aux termes duquel « la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous ». Dès lors, en jouissant des produits du fonds à la place du réel propriétaire, l’exploitant a entravé les prérogatives du propriétaire du sol et l’a privé des produits de sa propriété.
Aucune construction n’ayant été édifiée, la sanction à la violation du droit de propriété se traduit par une obligation, à la charge de l’exploitant, de remettre en l’état les lieux. La Cour de cassation rejette l’argument tiré de ce que cette action serait une action personnelle. Aussi, l’action tendant à la remise en état des lieux pour supprimer un empiètement est une action immobilière laquelle n’est pas soumise à la prescription de dix ans.
Source : Gazette du Palais, dimanche 7 au mardi 9 Juin 2015, nos 158 à 160, p.37
• Présomption de propriété du tréfonds au profit des propriétaires du sol et preuve contraire
Cour de Cassation, 3e civ. 13 Mai 2015, n°13-27342
En l’espèce, le litige portait sur le tréfonds d’une parcelle comprenant une cave uniquement accessible de plain-pied par le jardin voisin. Les propriétaires de la parcelle estimaient que le droit d’usage du propriétaire s’était éteint lorsqu’il avait vendu ce jardin aux nouveaux propriétaires et, qu’en conséquence, les nouveaux propriétaires du jardin voisin étaient occupants sans droit ni titre de la cave.
Par principe, la présomption de propriété du dessous qui bénéficie au propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription acquisitive. Dans la situation en cause, les propriétaires de la parcelle étaient bénéficiaires de la présomption de propriété du dessous.
Or, la cour d’appel considère que les titres présentés par les propriétaires du sol constituent la preuve contraire à la présomption de propriété dont ils bénéficiaient. La cour pouvait-elle uniquement se fonder sur les titres des propriétaires du sol – et non pas des propriétaires du jardin – pour exclure leur propriété ? En d’autres termes, la preuve contraire devait-elle nécessairement émaner des titres des propriétaires ne bénéficiant pas de la présomption ?
La Cour de cassation choisit de ne pas distinguer selon que la preuve contraire à la présomption de propriété du dessous émane – ou non – du bénéficiaire de cette présomption. Ainsi, la preuve contraire peut résulter d’un titre quel qu’en soit le titulaire. La cour d’appel pouvait exclusivement se fonder sur les titres des propriétaires du sol pour retenir qu’ils n’étaient pas propriétaire de la cave.
Source : Gazette du Palais, mercredi 10, jeudi 11 Juin, n° 161, p.24
• Droit à indemnisation du tiers évincé
Cour de Cassation, 3e civ. 13 Mai 2015, n° 13-26680
A la suite d’un bornage amiable, les propriétaires de la parcelle concernée se sont rendus compte que des arbres avaient été plantés sur leur fonds par un groupement forestier voisin.
Lorsque des plantations ont été faites par un tiers et avec ses matériaux mais sur un fonds qui ne lui appartient pas, l’article 555 du code civil prévoit une possibilité d’indemnisation du tiers si le propriétaire du fonds choisi de conserver la propriété des plantations. En l’espèce, le groupement foncier invoquait sa qualité de tiers au sens de l’article 555 et, par suite, demandait le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur des plantations subsistant sur la parcelle.
Pour retenir la qualité de tiers, le tribunal a adopté un raisonnement fondé sur la notion de propriété. En effet, il considère que la cession de la propriété forestière avoisinante au groupement forestier leur a conféré tous les droits et actions attachés à la propriété et notamment la qualité de tiers. Or, un tel raisonnement viole l’article 555 du code civil. La Cour de cassation rappelle que le droit à indemnisation accordé aux tiers ayant planté un arbre sur un fond voisin ne dépend pas de la propriété du fond mais de la personne qui a accompli l’acte de planter. Le jugement est donc cassé et annulé partiellement.
Source : Gazette du Palais, mercredi 10, jeudi 11 Juin, n° 161, p.24
PROPRIETE INTELLECTUELLE
• Droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre originale
Cour de Cassation, civ. 1re, 3 juin 2015, FS-P+B, n° 13-12.675
Dans le cadre de la transposition de la directive 2001/84/CE relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale, le principe selon lequel « le droit de suite est à la charge du vendeur » a été instauré à l’article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle.
Malgré cette règle, une société vendeuse peut-elle insérer, dans ses conditions générales de vente, une clause par laquelle elle met à la charge du vendeur le paiement du droit de suite à la charge ?
Ayant un doute quant à l’interprétation à donner sur cette règle, la première chambre civile de la Cour de Cassation a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Par un arrêt du 26 Février 2015 (C-41/14), la Cour européenne a déclaré que « l’article 1er, paragraphe 4, de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite ». Elle précise que cet arrangement contractuel ne doit pas affecter les obligations et la responsabilité de la personne redevable envers l’auteur.
Dès lors, l’imputation du paiement du droit de suite à l’acheteur ne contredit pas l’objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001. En déclarant la clause nulle et de nul effet sur ce motif et en considérant que la loi française n’autorisait aucune dérogation conventionnelle à l’article L. 122-8, alinéa 3, la cour d’appel a violé le texte. La Cour de Cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Versailles.
Source : Dalloz Actualité, 19 Juin 2015, « Droit de suite : Application de la jurisprudence européenne », Jeanne Daleau